8 avril 2024

Temps de lecture : 4 min

Matinée du SNPTV : l’avenir des TV françaises vu par leurs dirigeants

Les dirigeants des principaux groupes audiovisuels privés et publics ont, cette année encore, abordé les enjeux de leurs groupes et de la télévision lors d’une table ronde organisée vendredi 5 avril 2024 dans le cadre de la matinée du SNPTV. Elle réunissait Rodolphe Belmer (TF1), Arthur Dreyfuss (Altice Media), Delphine Ernotte (France Télévisions), Maxime Saada (Canal+) et Nicolas de Tavernost (M6).

Le rôle de la télévision sera déterminant dans les années à venir et le média comporte de nouveaux atouts, que les dirigeants de l’audiovisuel privé et public ont rappelés lors du grand débat de l’édition 2024 de la matinée du SNPTV, vendredi 5 avril. « Notre investissement au plus proche des Français nous donne une connaissance fine, une proximité historique et physique avec notre public », a avancé Arthur Dreyfuss, PDG d’Altice Média. « La qualité de ce que nous mettons à l’antenne ne cesse de progresser », a ajouté Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions. Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+, a réfuté la notion même de rupture entre les jeunes et la télévision : « Toute notre croissance s’est faite sur une population plus jeune. On les dit infidèles mais ils sont fidèles quand les offres sont adaptées à leurs besoins », a-t-il assuré.

Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6 jusqu’au 23 avril 2024, voit d’ailleurs dans la dynamique des transactions un signe des atouts du secteur : « Les investisseurs continuent d’être intéressés par l’audiovisuel », a-t-il pointé prenant l’exemple des négociations engagées pour le rachat d’Altice Média par CMA CGM ou la vente, en décembre dernier par le groupe RTL, de RTL Nederland au Belge DPG Media pour plus d’un milliard d’euros.

Une montée en puissance générale sur le numérique

Tous les groupes audiovisuels français ont adapté leur offre pour s’adapter à des usages drivés par la consommation à la demande et négocié leur montée en puissance sur le numérique. Ces derniers mois n’ont pas manqué de le rappeler avec le lancement de TF1+ le 8 janvier 2024 ou l’arrivée de M6+ le 15 mai. Chacun y va de ses spécificités. BFM a « investi l’ensemble des canaux que les téléspectateurs utilisent » et est devenue « une énorme maison de production d’information et de distribution en national, en local et sur le numérique, pour des tranches d’âge qui ne viennent pas sur la télévision traditionnelle et d’autres qui sont plus fidèles à la télévision du salon », a noté Arthur Dreyfuss. France Télévisions lancera pour les Jeux Olympiques une chaîne sur le numérique qui veut être « un espace chaud et chaleureux avec des surprises et des avant-premières » qui « exprimera l’identité du groupe » et « créera du lien sur un univers digital plus froid que la télé », a estimé sa présidente.

Presque 6 minutes de pub par heure sur TF1+

Près de trois mois jour pour jour après son lancement, Rodolphe Belmer, PDG du groupe TF1, s’est félicité des premiers pas « spectaculaires » de TF1+ : la plateforme de streaming gratuit a « réussi à s’inscrire dans le top of mind des Français et sa fréquentation a beaucoup augmenté » par rapport à MyTF1. TF1+ a atteint 35 millions de visiteurs en mars avec plus de 4 millions de streamers quotidiens. En mars, les heures vues étaient en progression de 49 % sur un an. Le bilan est aussi positif sur la monétisation : « On arrive presque à la cible de 6 minutes de publicité par heure et la data permet aux annonceurs d’aller toucher le segment qu’ils choisissent. Au-delà du succès d’audience, TF1+ rencontre un succès sur le marché. Nous sommes très soutenus par la communauté des annonceurs », a-t-il témoigné.

Lutter à armes égales avec les plateformes sur la pub

Les asymétries publicitaires, combat récurrent des membres du SNPTV, ont occupé une large place dans les débats, d’autant que les perspectives sur le marché publicitaire dressées par l’étude de l’Arcom et du ministère de la Culture, comme les résultats 2023 de l’Observatoire de l’e-Pub du SRI et de l’Udecam, montrent la croissance des plateformes internationales aux dépens des acteurs nationaux. « Les asymétries réglementaires poussent les annonceurs à investir auprès des acteurs du digital et siphonnent la capacité de financement des grands acteurs historiques. C’est en train de toucher l’audiovisuel », a alerté Rodolphe Belmer. Il appelle donc l’Etat à « prendre la mesure de ces asymétries » et « le monde économique » à se rendre compte des effets « discutables et socialement délétères » d’investissements qui se dirigent de plus en plus vers les Gafa. Alors que le sujet des de ces asymétries est majeur pour les groupes audiovisuels, « on n’en a jamais parlé lors de la commission TNT de l’Assemblée nationale », a déploré Nicolas de Tavernost, qui dénonce également la règle des 5 ans avant de pouvoir changer le contrôle d’une chaîne qui « fossilise le paysage audiovisuel ».

Le cinéma sort des secteurs interdits de pub TV

La question des secteurs interdits reste un combat de longue date pour le SNPTV. Un décret paru samedi 6 avril 2024 au Journal officiel a pérennisé la publicité en faveur du cinéma à la télévision, qui faisait l’objet d’une expérimentation depuis août 2020. Il a aussi autorisé la publicité TV pour l’édition littéraire dans le cadre d’une expérimentation pour deux ans. « Le décret ne prévoit toujours rien pour la promotion de la distribution », avait regretté la veille François Pellissier, président du SNPTV, en ouverture de la matinée.

Une inévitable consolidation dans le gratuit et le payant

Alors que la fusion entre TF1 et M6 n’a pas pu aller à son terme mais qu’Altice Média doit rejoindre le groupe CMA CGM, qui avait jusqu’à présent investi dans la presse avec La Provence et La Tribune, les consolidations dans l’audiovisuel sont inévitables, ont noté tous les intervenants. « Dans cet univers du numérique, on est des nains. L’union fait la force. Ce n’est pas un secret que je suis très favorable aux consolidations dans l’audiovisuel public », a rappelé Delphine Ernotte. « La ministre [Rachida Dati], qui est en faveur de la consolidation dans le service public, sera sans doute en faveur de la consolidation dans le secteur privé », a pronostiqué (ou espéré) Nicolas de Tavernost.

En passant de la télé à la vidéo, les frontières se sont brouillées. « Toutes les plateformes rêvent de la télé mais on a vu que ce n’est pas si facile. Il y aura une consolidation inévitable car le marché ne pourra pas soutenir tous ces acteurs », a estimé Maxime Saada, pour qui le payant aussi va souffrir d’un « gros embouteillage ». Selon lui, plusieurs phénomènes vont s’entrechoquer ou s’ajouter : les limites sur le nombre d’abonnements payants que les foyers pourront souscrire, la capacité des plateformes comme YouTube ou TikTok à continuer de croître sur le marché publicitaire et l’arrivée des acteurs de la SVOD, le développement des chaînes FAST… Le secteur de l’audiovisuel n’a assurément pas fini de se transformer, ni dit son dernier mot.

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