8 janvier 2024

Temps de lecture : 7 min

Claire Basini (Groupe TF1) : « avec TF1+, le groupe se développe de manière offensive dans le digital »

Le groupe TF1 lance lundi 8 janvier sa plateforme de streaming TF1+, une alternative gratuite aux offres SVOD payantes, qui veut aussi permettre de trouver rapidement le bon contenu à regarder à plusieurs. Claire Basini, directrice générale adjointe en charge des activités BtoC, a piloté son lancement et explique à INfluencia les enjeux de ce virage stratégique pour le groupe audiovisuel.

INfluencia : à quel virage stratégique pour le groupe TF1 correspond le lancement de la plateforme de streaming gratuit TF1+, ce lundi 8 janvier ?

Claire Basini : Avec TF1+, première plateforme de streaming gratuit à se lancer, le groupe se développe de manière offensive dans le digital pour accompagner la mutation structurelle des usages et du marché publicitaire. Le non linéaire se développe de manière forte et durable depuis plusieurs années. En 2023, 35 % des vidéos long format consommées par les 25-49 ans étaient regardées à la demande et ce chiffre est en progression chaque année. Nous voulons que TF1+ devienne un réflexe quotidien de divertissement familial et d’information – alors que MyTF1 était une plateforme de rattrapage en engageant nos utilisateurs par l’éditorialisation et la recommandation.

Nous voulons que TF1+ devienne un réflexe quotidien de divertissement familial et d’information

IN : la plateforme dispose d’une profondeur d’offre et de durées de droits beaucoup plus importants que sur MyTF1. Quels mouvements ont été nécessaires pour « se mettre au niveau » des plateformes de streaming internationales ?

CB : cette stratégie a été possible parce que le groupe investit depuis plusieurs années dans des contenus premium et familiaux avec une logique sérielle. Même nos grands divertissements comme The Voice, Koh-Lanta ou la Star Academy sont construits sur une logique de rendez-vous. Ce sont des atouts importants pour le digital parce que l’utilisateur pourra aller chercher des marques qu’il connaît et qui ont émergé sur le linéaire. Le catalogue illimité de 15 000 heures de programmes à la demande couvre l’ensemble de nos piliers éditoriaux : séries, films, divertissement, jeunesse, information. Les droits sont en effet plus longs que sur MyTF1 : a minima 30 jours sur tous les contenus, plusieurs années pour certains et 48 mois pour les fictions françaises que nous produisons, grâce à des accords noués avec la profession début 2023. Disposer de droits longs change la donne. Cela nous permet de proposer 200 séries à la demande avec toutes les saisons disponibles. Par exemple les trois saisons de HPI et aussi, pour ceux qui aiment Audrey Fleurot, toutes celles d’Un village français. Sur le cinéma, nous avons monté un catalogue de films à destination d’un public familial. Les films en première diffusion antenne seront aussi disponibles, selon les droits streaming associés. Ils seront complétés par des téléfilms (thrillers, romances, drames familiaux…) avec un travail sur l’éditorialisation de l’offre.

Le catalogue illimité de 15 000 heures de programmes à la demande couvre l’ensemble de nos piliers éditoriaux : séries, films, divertissement, jeunesse, information

IN : comment vont désormais s’articuler les priorités entre linéaire et non linéaire ?

CB : les deux aspects sont pensés de manière globale. Le linéaire, c’est l’événement qui s’incarne fortement dans le sport, l’information, les grands primes de divertissement et les séries. Nous restons offensifs sur cette offre avec le lancement de la matinale Bonjour ! de Bruce Toussaint par exemple. L’arrivée du nouveau Plus Belle La Vie illustre à la fois l’appétence de nos téléspectateurs pour les sagas quotidiennes en linéaire et une forte conso à la demande des publics les plus jeunes. Le streaming ne correspond pas forcément aux mêmes personnes ni aux mêmes usages.

IN : dans cette plateformisation de l’offre, faut-il s’attendre à des évolutions sur la mise à l’antenne des programmes. Par exemple avec davantage de preview – comme le fait régulièrement Arte – d’autant que ces visionnages seront intégrés en juin dans les audiences de Médiamétrie ?

CB : Sur l’offre premium de TF1+ – qui est, comme l’était TF1 Max, majoritairement une offre sans coupure publicitaire – il y aura des avant-premières, notamment plébiscitée sur nos feuilletons. Pour les fans, avoir deux épisodes d’avance sur le linéaire est une vraie valeur ajoutée. Il y a certes des usages en preview mais on observe surtout un cercle vertueux entre le linéaire et le non linéaire. Le modèle gagnant consiste plutôt à créer des grandes franchises de divertissement familial et pop culture, et de pouvoir les retrouver à la demande en streaming.

Aujourd’hui, les abonnés des plateformes payantes passent en moyenne une demi-heure à trouver un contenu et, plus les catalogues augmentent, plus ce temps devient rédhibitoire pour les utilisateurs

IN : TF1+ intègre un moteur de recommandation Synchro, pensé pour l’écoute conjointe. Quels bénéfices l’utilisateur peut-il en attendre ?

CB : il était important d’arriver sur le marché du streaming avec des innovations différenciantes et qui nous ressemblent, donc avec un moteur de recommandation – développé en interne – pensé pour une audience conjointe. Aujourd’hui, les abonnés des plateformes payantes passent en moyenne une demi-heure à trouver un contenu et, plus les catalogues augmentent, plus ce temps devient rédhibitoire pour les utilisateurs. Dès l’écran d’accueil de TF1+, on demande qui est devant l’écran et chaque profil peut créer très simplement son avatar. Synchro propose alors des recommandations en fonction de qui est présent. Si le foyer se reconnecte dans la même configuration, le moteur propose de la reprise de lecture. Cela permet de gagner énormément de temps.

Il était incontournable que TF1+ soit facilement et immédiatement accessible sur tous les écrans et notamment les écrans de télé puisque c’est là que sont consommés 80 % des contenus longs

IN : lors de l’annonce du lancement de TF1+ en novembre 2023, Rodolphe Belmer, PDG du groupe TF1, avait mis en avant un « écosystème inédit » concernant la distribution de la plateforme, sur les box et les téléviseurs connectés. Quels étaient les objectifs ?

CB : il était incontournable que TF1+ soit facilement et immédiatement accessible sur tous les écrans et notamment les écrans de télé puisque c’est là que sont consommés 80 % des contenus longs. Dès son lancement, la plateforme est donc disponible en première visibilité sur les box Orange et Bouygues Telecom – courant janvier sur Free et sur SFR en mars – ainsi que sur 12 millions de téléviseurs connectés (Samsung TV, Google TV, Philips, Hisense…) à côté des offres de SVOD payante. Notre application est désormais la même dans tous les environnements, ce qui permet d’avoir une relation directe avec nos utilisateurs et de délivrer une expérience unique sur tous les écrans. Les accords stratégiques noués avec nos partenaires historiques que sont les opérateurs télécoms ouvrent un nouveau modèle de partenariat durable pour un acteur d’offre gratuite puisque chacun est associé à la création de la valeur via un partage de la publicité. C’est clé et très positif pour nos partenaires comme pour nous.

IN : en quoi cette nouvelle approche change-t-elle aussi la manière de commercialiser la publicité ?

 CB : de la même manière que l’expérience utilisateur a été repensée pour être très immersive, simple et fluide, nous avons voulu travailler aussi avec les annonceurs pour qu’ils aient la meilleure expérience publicitaire. Le recueil des données utilisateurs permet de leur proposer des publicités les plus pertinentes. L’approche prémium et centrée sur les utilisateurs nous a aussi amenés à créer une nouvelle offre Signature+, avec un préroll unique dédié à un annonceur sur les 10 programmes les plus visionnés. Huit marques l’ont inaugurée : Aldi, Bouygues Telecom, Dacia, KFC, L’Oréal Professionnel, LVMH, Renault et SG.

L’approche premium et centrée sur les utilisateurs nous a aussi amenés à créer une nouvelle offre Signature+ sur les 10 programmes les plus visionnés

IN : En ce début d’année 2024, Médiamétrie a fait évoluer considérablement la mesure de l’audience télé. Qu’est-ce que cela change pour les audiences du groupe et dans l’analyse de la manière dont TF1+ va s’installer ?

CB : Intégrer la consommation des écrans digitaux à domicile et avoir une vision France entière va dans le bon sens.  Cette évolution s’est faite en effet quelques jours avant le lancement de TF1+. Il ne sera pas forcément simple de tout analyser. On va surtout regarder les audiences avec la couverture et le temps passé par programme et la consommation en digital. On peut imaginer que les séries se prêtent davantage au streaming que le divertissement mais la répartition entre les deux univers n’est pas aussi tranchée qu’on pourrait le croire. Miss France a par exemple cartonné en linéaire comme en digital et a même fait venir beaucoup de nouveaux utilisateurs. De nombreux comptes ont été ouverts à cette occasion.

IN : vous êtes directrice des activités BtoC du groupe TF1. Une fois TF1+ lancée, quelles seront vos autres priorités ou dossiers ?

CB : cette direction incarne le fait d’être centré sur l’utilisateur au sens large, avec l’ambition de renforcer notre proposition servicielle auprès de nos publics. Nous avons tous été très concentrés sur le lancement de TF1+ et sur les accords stratégiques qui ont été mis en place mais il y aura beaucoup d’autres sujets à venir. TF1+ est lancé dans une première version et sera dans une logique d’amélioration continue. Nous voulons continuer à proposer régulièrement des innovations centrées autour de l’écoute conjointe et des propositions différenciantes, comme Top Chrono qui vont permettre au public de maîtriser son temps. L’Euro va arriver très vite. Sur TF1+, une offre live mettra en avant l’événement et sera l’occasion de proposer un Top Chrono amélioré avec encore plus de formats et de résumés sur mesure en temps réel après les matchs.

Nous voulons continuer à proposer régulièrement des innovations centrées autour de l’écoute conjointe

IN : tout au long de votre parcours professionnel, vous avez travaillé dans des groupes avec des tailles et des enjeux très différents. Chez L’Oréal et dans la DNVB Seasonly, dans les médias à Canal+ et Brut lors du lancement de BrutX… En quoi ces expériences vous nourrissent-elles aujourd’hui dans la transformation en cours chez TF1 ?

CB : j’ai eu des expériences assez différentes en termes de secteurs et de tailles d’entreprises mais avec un fil rouge autour de la transformation de marques et d’activités, et en ayant toujours travaillé sur de très belles marques. Cette expérience m’aide pour le plan d’accélération digitale du groupe. Mes expériences en start-up m’inspirent aussi beaucoup. Comme vous êtes dans une économie de moyens, cela oblige à se concentrer sur ce qui a vraiment de l’impact et de la performance, avec une logique d’amélioration continue, voire de changement. Cela permet d’être extrêmement agile et c’est une qualité clé pour réussir à lancer une activité dans le monde du digital où il n’y a pas de science exacte et où il faut se connecter en permanence aux performances et aux retours utilisateurs pour améliorer ce qu’on propose.

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