23 mai 2023

Temps de lecture : 7 min

Ronan Dubois (20 Minutes) : « Nous sommes dans une étape de rebond »

Sur le marché des gratuits d’information, 20 Minutes continue sa route, désormais un peu seul… Si la crise sanitaire et le développement du télétravail ont fragilisé son modèle, la marque reste puissante sur le digital et en phase avec les jeunes urbains. Ronan Dubois, son nouveau directeur général, explique ses priorités et les leviers que le gratuit va activer pour renforcer ses positions et redresser son modèle économique.

INfluencia : vous avez pris vous nouvelles fonctions de directeur général et directeur de la publication de 20 Minutes début février 2023. Avec quelle feuille de route sur un marché de la presse gratuite qui a été particulièrement chahuté avant et après le Covid ?

Ronan Dubois : le modèle papier de la presse gratuite d’information a en effet été chahuté et 20 Minutes est désormais seul sur ce marché (après la disparition de Metro, CNews n’existe plus qu’en digital, ndlr). Pour autant, la marque 20 Minutes reste ultra puissante avec 20,2 millions de lecteurs mensuels – ce qui la place à la deuxième place des marques médias derrière Le Figaro – et 2,2 millions de lecteurs print par jour, soit la deuxième meilleure audience quotidienne derrière Le Monde. Nos formats et nos contenus sont présents partout, y compris avec nos propres réseaux sociaux sur Instagram, Snapchat ou TikTok, qui sont un bon moyen pour continuer à informer les plus jeunes des jeunes et leur apprendre à reconnaître le vrai du faux. Ma feuille de route consiste donc à continuer à faire croître cette audience et à l’animer commercialement car la publicité reste le nerf de la guerre, à poursuivre notre accélération sur le digital, qui concentre aujourd’hui 80 % de notre audience et les deux tiers du chiffre d’affaires, tout en consolidant nos fondamentaux sur le print.

IN : de quelle manière par exemple ?

R.D. : avec le Covid, on avait perdu l’habitude de rencontrer nos colporteurs qui animent les centres-villes et les sorties de métro. On a recommencé à les voir dans l’espace urbain des 8 villes où nous sommes distribués et les marques redécouvrent la capacité à faire du street marketing. En avril, nous avons distribué plus de 120 000 carrés de chocolat en une matinée à l’occasion du 140e anniversaire de Côte d’Or. Avec trois parutions thématisées par semaine – consommation le lundi, planète et RSE le mercredi, culture le vendredi –20 Minutes est ancré dans le quotidien des Français. Nos contenus sont disponibles sur tous les supports pour toucher le plus grand nombre et favoriser des « routines » : regarder les informations, la météo, le trafic le matin, puis s’intéresser dans la journée à des contenus plus magazines. La thématisation, qui existait avant mon arrivée, a été renforcée notamment avec des sujets magazines qui permettent de faire évoluer la home page tout au long de la journée.

On a recommencé à voir nos colporteurs dans l’espace urbain des 8 villes où nous sommes distribués et les marques redécouvrent la capacité à faire du street marketing

IN : les trois dernières années ont été très difficiles. Quel est l’objectif sur le retour à l’équilibre ?

R.D. : nous voulons être proche de l’équilibre si ce n’est à l’équilibre à la fin de 2023 et retrouver dès 2024 une croissance qui nous permettra de procéder à des investissements. Après la crise qui a nécessité des arbitrages difficiles (notamment passer de 5 à 3 parutions par semaine et réduire le nombre d’éditions, ndlr), nous sommes dans une étape de rebond qui permettra d’ouvrir une nouvelle ère. Beaucoup de projets vont d’ailleurs voir le jour dans les semaines et mois qui viennent, dont une chaîne 20 Minutes TV. Un nouveau site plus moderne, plus design et moins gourmand en énergie va arriver cet été. L’application sera aussi rénovée. En 2024, 20 Minutes sera le quotidien des Jeux Olympiques. Le journal suivra les épreuves et proposera un city guide aux Franciliens et aux étrangers. Sur la période des JO, 20 Minutes redeviendra quotidien avec un recto en français et un verso en anglais, largement distribué grâce à notre distribution très forte en Ile-de-France via le maillage de la RATP et des gares.

Sur la période des Jeux Olympiques, 20 Minutes redeviendra quotidien avec un recto en français et un verso en anglais

IN : être la seule marque encore présente avec la promesse initiale des gratuits d’information implique-t-il de faire évoluer le regard de vos lecteurs et des annonceurs sur 20 Minutes ?

R.D. : il y a deux dimensions à travailler, qui se retrouvent d’ailleurs dans nos axes stratégiques : réenchanter le média – et donc réenchanter le lecteur – mais aussi reprendre la parole auprès des annonceurs et des agences médias pour leur redire que nous sommes un média extrêmement puissant. Le gratuit et la qualité de nos contenus restent notre ADN et s’avèrent encore plus importants dans un contexte de crise du pouvoir d’achat où acheter son journal, même 1 € ou 1,10 €, peut devenir compliqué. On ne peut pas laisser des sites de fake news polluer l’esprit des Français et des plus jeunes. En tant que média privé et gratuit, donner un accès gratuit à une information de qualité est presque un acte citoyen. Les médias traditionnels ont toujours une place dans la consommation des jeunes. Il faut les aider à reconnaître la bonne source d’information et 20 Minutes tient un rôle prépondérant et c’est pour cela que la gratuité et la liquidité de nos contenus sont stratégiques. On informe avec un ton un peu différent, on divertit sans égarer et on est un média de solutions au niveau économique et par les services que l’on déploie au service du quotidien des Français. 20 Minutes porte les valeurs du futur et a déjà anticipé tout ce qui se passe en ce moment. La rédaction suit ce qui se passe mais ne se laisse pas influencer par la rue. Les sujets sont construits pour qu’ils puissent se trouver partout et à chaque instant sur le téléphone, l’ordinateur, l’audio… 20 Minutes est aussi un média complètement audiovisuel qui fait 100 millions de streams par mois.

Courant juin, nous lançons une verticale sur l’emploi pour devenir un carrefour entre les marques employeurs ou les secteurs de l’économie qui ont du mal à recruter et des jeunes à la recherche d’eux-mêmes et de la bonne information

IN : sur les jeunes urbains qui sont le cœur de cible de 20 Minutes, les tendances et les marques en vogue peuvent évoluer très vite…

R.D. : l’innovation et l’agilité sont deux valeurs clés qui drivent l’entreprise et la rédaction pour développer des formats innovants. En écho à Vivatech en juin, nous sortirons un nouveau numéro 20 Mint autour des NFT et du Web3. Pour continuer à attirer les jeunes, il faut aussi leur proposer des enquêtes qui les intéressent. On a été le premier grand média à sortir un sujet sur les arnaques des influenceurs sur les produits financiers. Ces sujets les touchent, leur apprennent à décrypter les fake news, les arnaques et sur ce qui est dangereux pour eux. En complément de l’actualité chaude qui nous permet d’être en contact avec les lecteurs, nous avons lancé une verticale Tempo autour de la culture, du bien-être, de la santé… Courant juin, nous lançons aussi une verticale sur l’emploi pour devenir un carrefour entre les marques employeurs ou les secteurs de l’économie qui ont du mal à recruter et des jeunes actifs ou en passe de l’être, qui sont à la recherche d’eux-mêmes et de la bonne information, ont parfois fait des choix d’études mais veulent changer de direction… Nous voulons les accompagner dans leurs choix de formation initiale ou de formation continue avec des fiches de postes, des annonces… Les marques pourront aller à la rencontre des candidats potentiels sur cette plateforme gratuite. Nous nous attachons à incarner toutes ces offres pour être mieux identifiés.

IN : y compris par des influenceurs ?

R.D. : on ne s’interdit pas d’aller chercher des personnalités extérieures mais notre métier reste le journalisme et la presse d’information. Nos contenus sont d’abord incarnés par nos journalistes et ce serait une erreur stratégique que de se tourner vers les influenceurs. La course au clic, ce n’est pas notre sujet. Ni totalement celui des jeunes qui regardent les influenceurs, les écoutent, parfois suivent leurs conseils d’achat mais restent lucides sur leur rôle, comme on l’a vu dans notre étude Moi Jeune.

IN : l’étude a rappelé une vraie fragilité sur la santé mentale des jeunes. Comment 20 Minutes s’est emparé du sujet ?

R.D. : l’étude montrait que 78 % des 18-30 ans qui estimaient que leur état mental n’était pas bon et un tiers disait qu’il était difficile d’être jeune. Comme on est le premier média chez les jeunes, on se devait de laisser la parole aux jeunes qui ont des problèmes et d’essayer de les aider. Sur Snapchat, on a par exemple lancé un format Ma tête et moi porté par Lise Abou Mansour qui aborde leurs difficultés depuis plusieurs saisons. Au quotidien, on apporte aussi beaucoup en termes d’écriture, d’articles et d’enquêtes réalisés par des jeunes journalistes qui sont plus à même que des journalistes plus âgés de capter ou ressentir les difficultés de cette génération. Notre verticale emploi sera aussi une réponse à l’angoisse sur ce qu’ils vont faire de leur vie. On veut aussi alerter les marques employeurs sur ces sujets et leur faire prendre conscience de ce que cela implique dans leurs parcours d’intégration en entreprise et dans le quotidien de leurs salariés. Dans le volet RSE, il a aussi le volet sociétal. Le manque de confiance des jeunes et leur sentiment de ne pas être écouté doit être entendu par les médias et les politiques.

IN : votre parcours vous a mené de la grande consommation aux télécoms chez SFR et M6 Mobile, aux médias chez M6 et Konbini sans oublier les agences digitales, ou la création du média Kool Mag… En quoi peut-il vous nourrir dans vos nouvelles fonctions ?

R.D. : ce parcours assez hétéroclite me donne une vision assez globale pour permettre à 20 Minutes de progresser tant du point de vue éditorial que marketing et commercial. Ce que j’ai vu sur les différents marchés et les différents médias – la télé, la radio, le digital – me donne un panorama large de ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, les bons modes organisationnels sur l’éditorial, en vidéo ou en commerce… Chacune de ces expériences a été source de bonnes choses à prendre, peut-être à répliquer ou à refaire différemment.

En savoir plus

Au premier trimestre 2023, la diffusion de 20 Minutes a atteint 822 823 exemplaires (source ACPM) sur les 8 villes où les éditions print de la marque sont distribuées : Aix-en-Provence, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Paris-Ile-de-France et Toulouse.

En août 2022, la distribution a été arrêtée pour les éditions de Strasbourg, Rennes, Nantes et Nice.

20 Minutes est détenu à parts égales par le groupe SIPA-Ouest-France et le groupe Rossel.

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