14 juin 2021

Temps de lecture : 5 min

Presse gratuite : chacun sa route, chacun son destin !

Avec des informations synthétiques et adaptées aux attentes des jeunes urbains, les gratuits d’information se sont taillé une place de choix auprès du public et dans le paysage urbain, près des transports en commun. La crise du marché publicitaire et la bascule des usages sur les supports digitaux les obligent à revoir leur offre et leur modèle.

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Les gratuits d’information comptent, comme le cinéma, l’affichage ou la radio, parmi les médias les plus rudement impactés par la crise sanitaire. Leurs versions papier, distribuées au plus près des axes de transport en commun des grandes agglomérations, ont pâti de la réduction des trajets du quotidien due aux différents confinements et à l‘essor du télétravail… Fragilisés de longue date sur le marché publicitaire, la famille a accusé une baisse de 32,7 % de ses recettes nettes à 180 millions d’euros en 2020, selon les résultats du Baromètre unifié du marché publicitaire (BUMP), réalisé par l’Irep, France Pub et Kantar. Le début de 2021 ne montre pas de réelle embellie car le premier semestre s’est à nouveau soldé par un recul de 29,4 % à 35 M€. Le marché des gratuits d’information ne compte pourtant plus que deux acteurs à l’échelle nationale : 20 Minutes, édité par Sipa Ouest-France et Rossel, qui a lancé une nouvelle formule « post crise » le mercredi 9 juin 2021, et CNews (ex-Direct Matin), édité par le groupe Bolloré. Metro, premier gratuit à se lancer sur le marché français en 2002, avant de passer chez TF1 puis sous la marque Metronews, avait cessé d’exister en 2016… La situation n’est pas plus confortable du côté des thématiques. L’hebdo féminin Stylist, édité par le Groupe Marie Claire, a lui aussi fini par abandonner le papier début avril 2021. Ses équipes web ont été intégrées groupe de presse et continuent d’exploiter la marque sur le digital et les réseaux sociaux.

Quotidiens (ou presque)

Si les gratuits d’information assurent une présence quotidienne sur le numérique, il n’en va pas de même pour leurs supports physiques. Dix-neuf ans après son lancement, 20 Minutes vient d’officialiser un passage à 3 parutions par semaine. Le maintien du papier n’allait d’ailleurs pas de soi, surtout après la baisse de chiffre d’affaires de 38 % en 2020, mais a fini par être conservé : « Quand la version papier ne paraissait plus, nous avons vu un impact important sur la notoriété de la marque et sur la publicité numérique. La récurrence et la stabilité des rendez-vous sont importantes pour les agences médias », justifie son président Frédéric Daruty. Ces trois parutions se doublent désormais d’un ancrage thématique : Société & Conso le lundi, Planète le mercredi, réalisé en partie en collaboration avec Brut, et Culture & Entertainment le vendredi. L’ambition consiste toujours à coller aux attentes de lecteurs jeunes et urbains et à revenir (si possible) aux niveaux d’avant crise avec une centaine de parutions par an. De fait, le nombre des parutions papier de 20 Minutes et CNews, qui s’était déjà réduit depuis 2015, a fortement chuté en 2020, les différents confinements étant venus s’ajouter aux suspensions plus habituelles liées aux périodes de vacances. On ne comptait que 94 parutions en 2020 pour 20 Minutes (contre 126 en 2019 et 141 en 2018) et seulement 54 pour CNews (contre 143 en 2019 et 152 en 2018), selon l’ACPM. Pas beaucoup mieux en 2021 puisque, de janvier à avril 2021, l’instance de certification de la presse relevait 26 parutions pour 20 Minutes et 14 pour CNews.

Des audiences puissantes, de plus en plus portées par le numérique…

Les audiences, elles, ne connaissent pas la crise. 20 Minutes est depuis 2006 le « premier journal de France » avec 2,64 millions de lecteurs par numéro moyen, devant Le Monde (2,421 millions) et Le Parisien-Aujourd’hui en France (2,28 millions), selon la deuxième vague 2021 de l’étude One Next. CNews en compte 1,333 million. Les audiences numériques ont bénéficié de l’engouement du public pour l’information depuis 2020… L’étude One Next Global montre la puissance de la digitalisation de 20 Minutes, qui affiche 22,043 millions de lecteurs par mois, dont 14,275 millions sur le mobile. « Pendant le premier confinement, la marque a enregistré plusieurs pics à plus de 15 millions de visites par jour », note Frédéric Daruty. Pour CNews, les chiffres sont moins importants mais montent tout de même à 11,197 millions de lecteurs mensuels, dont 7 millions sur le mobile, ce chiffre ayant « doublé en un an ». Sur internet, l’offre du gratuit est plus difficile à évaluer car elle se confond avec celle de la chaîne de télé du groupe Canal+. La part de l’info locale est un axe de différenciation. 20 Minutes s’appuie sur une trentaine de journalistes en région pour alimenter ses éditions locales, à raison de deux folios en ouverture du journal. Le réseau CNews, pourtant issu de gratuits lancés par ou avec la presse régionale, a progressivement repris les différentes éditions locales en direct avec un contenu unifié sur l’ensemble du territoire. Il ne compte plus qu’un seul partenaire PQR, Le Progrès (groupe EBRA).

Les réseaux physiques n’ont pas dit leur dernier mot

Si la course à l’accessibilité des contenus passe en grande partie par le digital, elle n’empêche pas de mener des stratégies différenciées, qui s’illustrent d’ailleurs dans la structure de la diffusion et de l’audience. Les versions numériques en pdf représentent une part de plus en plus importante de la diffusion de 20 Minutes (191 340 ex. sur un total de 697 817 ex. en 2020) car le titre est présent sur les kiosques numériques et propose même des formules d’abonnement. CNews n’en comptait que 2161 sur une diffusion de 814 773 ex., mais n’a pas cherché à privilégier ce support car « la distribution en présentoirs coûte deux à trois fois moins cher qu’une diffusion en numérique ». Le gratuit bénéficie sur ce point de sérieux atouts : il bénéficie non seulement d’un partenariat avec la RATP depuis son lancement, mais a de plus renforcé ses positions dans cet univers en reprenant une partie des emplacements du city guide A Nous Paris, disparu du métro en 2019. En région, il a aussi renforcé ses positions de ses éditions près du tramway à Montpellier et à Nice, où une nouvelle ligne a ouvert fin 2019. De nouveaux espaces sont dans la ligne de mire de ces titres d’information. 20 Minutes veut non seulement renforcer sa présence dans les écoles et les universités, mais aussi développer de nouveaux réseaux dans les espaces de coworking ou les commerces de proximité.

Un nouveau modèle à la clé ?

Le numérique est un axe de développement central pour 20 Minutes. « En 2022, nous voulons dépasser 50 % du chiffre d’affaires sur le numérique. Un 50-50 choisi et non pas subi comme on l’a vécu récemment, qui passera par une croissance massive des revenus sur le numérique », détaille Frédéric Daruty. En 2019, dernière année de référence « normale », celui-ci ne représentait que 37 % du chiffre d’affaires contre 63 % pour le print. Pour atteindre cet objectif, tous les leviers vont donc être activés : le brand content, la vidéo dont le chiffre d’affaires a déjà crû de 30 % vs 2019, l’audio « qui donne envie aux annonceurs » et offre des sources de monétisation, l’automatisation des revenus sur mobile, applis et desktop… Un nouveau site est annoncé pour 2022. Le groupe joue aussi les synergies avec son actionnaire Ouest-France, également très puissant sur le numérique. « Nous travaillons beaucoup avec eux sur des sujets autour de la technologie, de l’audience, de la monétisation… Il sera clé d’être puissant pour les prochaines années. Avec Ouest-France, actu.fr et 20 Minutes, nous dépassons les 30 millions de visiteurs uniques », ajoute-t-il. A bon entendeur…

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