8 mai 2022

Temps de lecture : 5 min

Un nouveau syndicalisme secoue actuellement Starbucks, Apple, Amazon, aux États-Unis

Starbucks, Apple ou Amazon  font actuellement front contre un mouvement syndicaliste sans précédent entretenu par leurs salariés et qui fait parler jusqu’au plus haut sommet de l’État. Qui en ressortira grandi ?

Qui a réellement senti la vague ? Le 19 avril dernier, les salariés de cinq magasins Starbucks votaient en faveur de l’ouverture d’un syndicat à Richmond, en Virginie, de quoi grossir les rangs des quelques 25 magasins de la marque sur 27 à être syndiqués après avoir effectué un vote. La plupart de ces victoires ont d’ailleurs souvent été écrasantes, voire unanimes. Rebecca Givan, professeur d’études sociales à l’université Rutgers, l’affirme : « Je ne vois pas cette campagne ralentir de sitôt. Le rythme des dépôts de dossiers électoraux et des victoires syndicales se poursuit. Il y a des milliers d’autres magasins prêt à rejoindre le mouvement, y compris beaucoup d’autres qui n’ont pas encore déposé de demandes et qui sont situés dans des zones fortement politisées à gauche, telles que les villes universitaires ». En septembre dernier, l’institut de sondage Gallup révélait que 68 % des Américains approuvaient la démarche syndicale. Un engouement qui n’avait plus été atteint depuis 1965.

Un engouement pour la démarche syndicale qui n’avait plus été atteint depuis 1965.

Par quel sortilège en sommes-nous arrivés là ?

Il y a encore quelques mois, pas un seul des 9 000 établissements Starbucks n’était syndiqué. Pendant plusieurs décennies, ses magasins, comme la plupart des entreprises de retail et de restauration rapide, étaient même considérés comme imperméables à la syndicalisation en raison des positions antisyndicales très dures de leur direction, du taux de rotation élevé dans les magasins et du fait que la main-d’œuvre est souvent fragmentée en petits sites de moins de 50 travailleurs. Mais aujourd’hui, la réalité est toute autre. Pour beaucoup d’experts, ce phénomène est dû tant à l’évolution de la force salariale de Starbucks – plus jeune, diplômée et de gauche qu’auparavant –, qu’au regain d’enthousiasme pour le travail organisé provoqué par la pandémie. Sans oublier la montée en flèche à l’échelle mondiale, de l’inflation.

Malgré tous les efforts déployés par la marque pour empêcher cette syndicalisation de s’étendre, en augmentant notamment le salaire minimum à 15 dollars de l’heure à compter du 1er aout, en annonçant la mise en place d’un système de pourboire à destination de ses salariés… ou encore en licenciant tout bonnement les leaders syndicaux, plus de 200 magasins dans tout le pays ont déjà déposé des demandes d’élections auprès de Starbucks Workers United. Selon les données les plus récentes disponibles sur le site Web du National Labor Relations Board, entre les 12 et 19 avril dernier, pas moins de 26 magasins Starbucks aux États-Unis déposaient ainsi une demande d’élections syndicales. Un raz de marée qui secoue à présent de nombreuses autres entreprises américaines.

 

 

This is a revolution

Autre poids lourds américain à être confronté au mécontentement de ses employés, Apple n’en finit plus de crouler sous les critiques. La semaine dernière, selon un rapport du Washington Post, les employés du magasin de Towson Town Center, dans le Maryland, organisaient officiellement un vote sur l’opportunité de se syndiquer. Le 3ème point de vente à franchir le pas en quelques mois. Les « frondeurs » en question affirment avoir reçu les signatures d’une majorité d’employés et prévoient de déposer une demande auprès du NLRBNational Labor Relations Board – pour organiser une élection. Dans une lettre, les organisateurs rappellent qu’ils ne cherchent pas à « créer un conflit avec » la direction d’Apple, tout en intronisant leur syndicat sous le nom de Coalition of Organized Retail Employees, ou AppleCORE.

Le Washington Post rapporte que les employés exigent d’avoir voix au chapitre lorsqu’il s’agit de déterminer leur salaire, leurs horaires et les mesures de sécurité mises en place pour lutter contre le coronavirus. Les travailleurs demandent à leur direction de reconnaître volontairement le syndicat, affirmant qu’ils ont le soutien d’une solide majorité de leurs collègues. Si Apple était tenté de refuser, la prochaine étape pour AppleCORE, -comme pour toutes les autres tentatives de syndicalisation citées dans cet article-, serait de demander au NLRB d’organiser une élection. Si l’organisme de réglementation convient que la demande est légitime, Apple et le syndicat devront déterminer qui pourra adhérer au syndicat et fixer une date pour l’élection.

 

L’empire contre attaque

Tout comme Amazon, Apple a tout tenté pour contrecarrer les plans de ses employés. Le 25 avril dernier, le média américain The Verge annonçait que la direction collaborait main dans la main avec les avocats antisyndicaux du cabinet Littler Mendelson pour lutter contre cette escalade. Bien que l’entreprise n’ait pas fait connaître publiquement sa position sur la syndicalisation des Apple Stores, cette démarche indique clairement qu’elle entend s’opposer aux travailleurs qui s’organisent pour obtenir de meilleurs salaires et conditions de travail. Littler Mendelson, qui avait aidé l’entreprise McDonald’s en 2014 dans une sale affaire de violation de droit du travail, que l’on vous laisse découvrir par ici, accompagne actuellement… Starbucks. Comme quoi.

En réponse à cette méfiance évidente de la part de leur direction, le Washington Post, encore lui, révélait en février dernier que les employés avaient fait le choix d’utiliser des applications de messageries chiffrées pour ne pas se faire repérer. Des services souvent proposés par… Android, concurrent direct de la pomme. Quelle ironie. Apple a refusé de commenter sa relation avec le cabinet.

 

 

La maison Amazon vacille

Enfin, le 1er avril dernier, s’était au tour d’Amazon de ressentir pleinement les effets de ce mouvement sans précédent. Les salariés d’un de ses entrepôts new yorkais votaient ainsi pour la première fois en faveur de la création d’un syndicat, à savoir l’ALUAmazon Labor Union – créée il y a près d’un an. Christian Smalls, président du syndicat en question, déclarait au moment du vote : « Les gens ont parlé aujourd’hui, ils veulent un syndicat ». Sans oublier de remercier Jeff Bezos, non sans une certaine ironie, pour être allé dans l’espace, « car pendant qu’il était là-haut, on a pu monter un syndicat ». Joe Biden s’est même félicité publiquement de cette annonce en déclarant, par la voix de sa porte-parole Jen Psaki, être « heureux que des salariés s’assurent d’être entendus pour les décisions importantes qui les concernent ». Suite au vote, l’entreprise a fait part dans un communiqué de sa « déception » et dit « évaluer ses options ».

 

Que pouvons nous en attendre ?

Comme nous venons de l’expliquer, les leaders syndicaux peuvent compter sur un soutient de poids : celui de Joe Biden. Le président en fonction s’est toujours déclaré en faveur de la syndicalisation, comme il l’avait lui même rappelé en septembre dernier : « J’ai l’intention d’être le président le plus pro-syndicat à la tête de l’administration la plus pro-syndicat de l’histoire américaine ». Un mouvement a même, selon lui, de consolider la classe moyenne américaine. De quoi remettre en cause dans les prochains mois un système législatif extrêmement contraignant pour les salariés souhaitant se syndiquer ? Jusqu’à ce jour, une fois le syndicat implanté outre-Atlantique, l’entreprise n’est pas obligée de signer une convention avec lui mais uniquement de négocier de bonne foi avec ses employés. Restons attentif car de cette vague syndicaliste sans précédent pourrait voir naître de nouveaux modèles de travail capables, et de donner du fil à retordre à la fameuse flexibilisation du marché du travail promise depuis de nombreuses années par les gouvernements libéraux. Bernie Sanders et Jean Luc Mélenchon ne devraient pas en rater une miette.

 

 

En résumé

De plus en plus d’entreprises américaines doivent répondre au désir syndicaliste de leurs employés.

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