12 avril 2024

Temps de lecture : 4 min

Les pubs vidéo broadcast et le téléviseur, deux champions de l’attention

De plus en plus étudiée, l’attention prend pied dans la qualité des contacts, recherchée par tout l’écosystème des médias et de la publicité. Des études réalisées dans plusieurs univers vidéo ont été présentées lors de la matinée du SNPTV. Détails avec Dorothée Rieu, docteur en Neurosciences, PDG et fondatrice de l’Institut Mediamento, et Fabien Magalon, cofondateur de Xpln.Ai.

INfluencia : pourquoi l’attention au sein de l’écosystème vidéo est-elle devenue un enjeu pour les annonceurs ?

Fabien Magalon : l’attention procède d’une réflexion plus aboutie que les précédentes de mesure de qualité d’exposition que sont la visibilité et la complétion. Dans le marketing digital, ces deux métriques peuvent être assez rapidement falsifiables et ne disent d’ailleurs aujourd’hui plus grand-chose de la performance réelle de la qualité de l’exposition. La plupart des campagnes atteignent des seuils de visibilité de 75 % et 80 % des vidéos sont vues complètement, mais seules 28 % des publicités sont regardées activement plus de 2 secondes et 12 % plus de 5 secondes. L’approche par l’attention, qui est une mesure plus multifactorielle des conditions d’affichage, apporte un indicateur plus solide et plus adapté aux évolutions de marché, qui s’est progressivement élargi à davantage d’écrans – l’ordinateur et le mobile se sont ajoutés à la TV – et de plateformes. Après YouTube, on a vu arriver Facebook, puis Instagram, TikTok, Snapchat, Pinterest

IN : comment l’attention intervient-elle dans la mémorisation des messages ?

Dorothée Rieu : c’est la condition sine qua non pour qu’un message soit retenu et puisse déclencher une décision. En sciences cognitives, cela correspond au « traitement de l’information ». Pour qu’un message soit traité par le cerveau, il faut forcément réunir plusieurs conditions et étapes. Le message doit en premier lieu être affiché devant nous ou dans notre champ visuel, ensuite franchir le filtre entre ce que l’on voit et ce qui est regardé, qui correspond à « l’attention visuelle ». Seule une partie de tout ce que l’on aura regardé sera mémorisée et, dans ce qui a été mémorisé, seule une partie déclenchera une décision ultérieure.

L’attention est la condition sine qua non pour qu’un message soit retenu et puisse déclencher une décision

IN : dans les études présentées lors de la matinée du SNPTV, le Video Attention Ratio (VAR) des publicités diffusées dans un univers VOD Broadcast (BVOD) est significativement supérieur à ceux des autres univers mesurés, les plateformes vidéo en ligne et les réseaux sociaux. Est-ce conforme à ce que vous présentiez ?

D.R. : le « taux d’attention vidéo » ou Video Attention Rate (VAR) est de 80 % sur la publicité en télé linéaire et même de 85 % en ce qui concerne le parrainage. Sur la connected TV (CTV), diffusée en plein écran, on s’attendait à des résultats proches de ceux de la télé linéaire. On a voulu fouiller ce qui se passe au niveau des regards. Sur YouTube, qui est la plateforme étudiée dans l’enquête, on perd des gens dès le début des pré-rolls. Les regards de l’utilisateur se portent clairement en bas à droite de l’écran, qui est souvent l’endroit où se trouve la vignette qui rend la publicité skippable. Il y a donc une notion de « VAR négatif » (le regard pour chercher éviter la publicité) et surtout de « VAR positif » (l’attention visuelle portée au contenu de la publicité) à prendre en compte. Même si l’audio passe toujours, la création est beaucoup moins regardée sur cette plateforme.

IN : une grande part de l’attention est liée au support et le téléviseur passe pour le champion toutes catégories…

F.M. :  l’écran du salon est « par design » un accélérateur d’attention. Il est grand, positionné dans le salon, on s’installe dans un canapé pour l’observer. La publicité y est diffusée en plein écran, avec le son activé, sans autre encombrement publicitaire visuel, à proximité de programmes de qualité… Le téléviseur sur-performe donc quelles que soient les plateformes digital vidéo. Les performances moyennes d’attention de la BVOD montent à 75,9 % quand les taux les plus faibles s’observent sur les réseaux sociaux (33,9 %). Ils sont de 54,6 % sur les plateformes de vidéo en ligne (OLVP), qui sont consultées sur des supports où la proportion de son est moins importante, souvent sans son sur le téléphone ou l’ordinateur. La navigation joue aussi un rôle. On est très actif et souvent en multi-tasking sur son téléphone, donc moins attentif au contenu vidéo. C’est sans doute vrai également dans le salon, mais cela a été moins identifié dans nos études.

L’écran du salon est « par design » un accélérateur d’attention. Le téléviseur sur-performe donc quelles que soient les plateformes digital vidéo

IN : l’attention dans un spot de 20 secondes est-elle plutôt linéaire ou variable ?

D.R. : en CTV, la mesure dans la BVOD – en l’occurrence sur le replay des chaînes historiques – a montré que les mouvements des yeux restaient très centrés sur la création et étaient très stables pendant toute la durée du spot. Sur la plateforme YouTube en CTV, on observe en revanche une poursuite oculaire et un parcours qui cherche régulièrement quelque chose en bas à droite, vers l’emplacement de l’étiquette skippable. L’eye-tracker mesure l’attention visuelle mais on sait que l’audio a aussi une importance énorme en télé. Le moindre bruit ou changement de signal auditif réactive de suite l’attention. Il est important que les annonceurs misent sur le visuel mais aussi sur l’audio.

IN : quelles innovations technologiques ont permis de progresser dans l’analyse de l’attention ?

F.M. : les progrès de l’intelligence artificielle, du machine learning et la puissance de calcul facilitent la manipulation des gros volumes de data et la prédiction automatisée. Les innovations tiennent aussi au développement de solutions d’eye-tracking distanciel en complément de l’eye-tracking en présentiel avec des progrès sur la qualité et la précision des lunettes, sur les logiciels qui les accompagnent.

D.R. : entre 2009, date à laquelle Mediamento a commencé à mener des études d’eye-tracking, et maintenant, les outils (lunettes…) ont considérablement progressé. Les fréquences d’acquisition des mouvements oculaires que l’on est capables de capter n’ont plus rien à voir. Les possibilités de traitement des données sont aussi beaucoup plus intéressantes. A côté de la technologie, il y a aussi le savoir-faire. Nos équipes sont formées aux dernières études de neurosciences sur l’attention. Les théories scientifiques sur l’attention sont assez fixées.

IN : quels sont les premiers retours du marché sur cette étude et les éventuelles prochaines étapes ?

D.R. : les retours sont très bons et l’idée est de continuer sur les autres médias. Sur ce sujet de’ l’attention, il faut de la transparence et de la pédagogie. On entend sans arrêt les mots « vu », ou « view ». Voir ce n’est pas regarder… Il faut aussi garder à l’esprit que l’encombrement est le premier ennemi de l’attention. Le cerveau filtre et oriente son attention sur ce qui est pertinent.

 

Les études Mediamento et Xplan.Ai en quelques chiffres

 

 

En savoir plus

Méthodologie :

Mediamento a mené deux études pour le SNPTV :

  • L’étude sur la TV linéaire a été menée par  du 3 au 9 novembre 2023 sur 60 personnes. Elle a porté sur 48 montages vidéo et 17 types de billboards en parrainage.
  • Le protocole BVOD / YouTube a été mené du 3 au 6 juillet 2023 auprès de 35 personnes. A cette occasion, 696 spots ont été testés : 191 sur chaîne historique X, 321 sur chaîne historique Y et 184 sur YouTube

Xpln.Ai a mené le protocole digital video entre le 1er janvier et le 15 mars 2024. Le test a été mené uniquement sur la vidéo mais sur tous supports (écran de TV, mobile et desktop). La mesure a porté sur 10 campagnes, 4 agences et 10 médias.

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