Un Français sur trois ne comprend pas les documents qu’il reçoit
Le baromètre Langage Clair d’Occurrence alerte sur l’opacité des contenus écrits émanant des entreprises et des administrations, et ses conséquences sur la confiance des citoyens notamment envers les marques.
Assaël Adary, co-fondateur d’Occurrence
La peur est souvent mauvaise conseillère. Les marques ne devraient pas l’oublier lorsqu’elles publient des contenus écrits destinés au grand public. Le nouveau Baromètre Langage Clair publié par l’institut Occurrence pour l’agence Avec des Mots montre que les Français sont de plus en plus nombreux à ne pas comprendre les textes qu’ils lisent. Ce constat devrait alerter les organismes aussi bien publics que privés car une immense majorité des consommateurs font davantage confiance aux entreprises qui leur envoient des communiqués qu’ils sont capables d’assimiler.
Des chiffres alarmants
Les chiffres sont sans appel. 31% de nos concitoyens reconnaissent ne pas comprendre les écritsqu’ils lisent au quotidien. « On peut penser que cette proportion est encore plus importante dans la réalité car certaines personnes n’osent pas avouer qu’ils ne saisissent pas les textes qu’ils reçoivent, juge Assaël Adary, le co-fondateur d’Occurrence. Cette tendance s’est encore accentuée depuis notre première étude qui remonte à 2018. » La faute à quoi, la faute à qui ?
Pourquoi cette incompréhension ?
La première raison qui explique ce triste phénomène est… culturelle. « Le rapport que les Français entretiennent avec leur langue est encore très statutaire, analyse Assaël Adary. On parle encore beaucoup de la langue de Molière. Notre vision du français est très classique et elle implique que nous sommes supposés la maîtriser parfaitement. »Cet a priori creuse, de facto, un fossé entre les « sachants » et les autres. Plus d’un jeune français sur dix (11,8%) rencontre aujourd’hui encore des difficultés dans le domaine de la lecture, selon une étude publiée lors de la Journée défense et Citoyenneté (JDC). Si on rassemble les lecteurs médiocres (9,7%), les personnes ayant de très faibles capacités de lecture (6,8%) et celles souffrant de difficultés sévères (5%), on atteint le chiffre de 21,5%, soit plus du cinquième de la population. « Je peux moi-même faire mon coming-out en vous révélant que j’ai souffert toute ma vie de gros problèmes de dyslexie que j’ai dû sans cesse soigner », révèle le dirigeant d’Occurrence.
Une langue juridico-administrative de plus en plus complexe
L’autre raison qui explique l’opacité des documents officiels est d’ordre juridique. « L’empilement des réglementations et la juridisation de notre société encouragent les organismes à publier des textes de plus en plus précis afin de se couvrir contre toute possible attaque devant les tribunaux, constate Assaël Adary. Cela ne tend pas à simplifier leurs contenus. »
Des initiatives en faveur du langage clair
Ce problème commence à être pris à bras le corps par les autorités. En juin 2023, la toute nouvelle norme ISO « Langage clair et simple » a été publiée. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a, elle, dévoilé l’année précédente un texte qui cherchait à encourager l’emploi de termes plus simples dans les documents officiels. Son tableau détaillant les expressions juridiques à éviter et les termes simplifiés à utiliser se voulait très didactique. « Je pensais que ce document allait encourager les entreprises et les administrations à évoluer mais cela n’a, hélas, pas été le cas », regrette Assaël Adary.
Un bonnet d’âne pour l’administration
Les organismes publics sont ceux dont les textes restent les plus abscons pour les citoyens. Ils reçoivent la note de 12,6/20 dans l’enquête d’Avec des Mots. Les compagnies d’assurance (13,4/20), les fournisseurs d’énergie (13,6/20) et les banques (13,8/20) suivent leur pas. Ce problème ne date pas d’hier. Les Inconnus s’en moquaient déjà dans les années 90.
La France est très en retard sur le sujet, contrairement au Canada et aux pays scandinaves qui ont voté plusieurs textes en faveur du langage clair. Cette opacité des textes peut avoir de graves conséquences.
Les marques devraient, elles aussi, prendre garde de rendre leurs documents plus compréhensibles. L’étude d’Occurrence montre en effet que 88% des Français accordent leur confiance aux entreprises qu’ils comprennent bien à l’écrit (+7 points vs 2018). « La plupart des personnes pensent que les textes qu’ils ne comprennent pas sont écrits par des organismes qui le font volontairement, ajoute Assaël Adary. Cette incompréhension est l’antichambre de la défiance. Le langage clair est un élément essentiel de la communication responsable. C’est un vrai combat dans lequel tous les communicants devrait s’impliquer. »