Le média Brut. et La Croix font se rencontrer les Françaises et Français pour les réconcilier
Avec l’opération « Il faut qu’on parle », déployée à l’échelle nationale, les deux médias invitent les citoyens de l’hexagone à se rencontrer « dans la vraie vie » pour échanger, dialoguer et dépasser les clivages.
Il y a tout juste 30 ans, Emmanuel Todd, le célèbre démographe – devenu paria mais c’est une autre histoire – alertait sur la « fracture sociale » qui s’était accentuée entre les classes populaires et les élites depuis l’élection de François Mitterrand en 1981. Jacques Chirac s’était emparé du concept pour mener la bataille présidentielle de 1995 jusqu’à en faire son slogan de campagne. Vous connaissez la suite… et le résultat de l’élection. Les années ont filé, les gouvernements aussi et pourtant… les fossés ont continué de se creuser entre les différentes classes des sociétés occidentales.
Fossé(s) au pluriel car si les sciences sociales et les instituts de sondages nous ont bien martelé une chose, c’est que la fracture sociale, tel que Pierre Veilletet l’avait conceptualisé – car oui, Emmanuel Todd lui a emprunté la formule mais encore… c’est un autre sujet –, partage depuis la scène avec d’autres polarités sociétales : numérique, générationnelle, scolaire, immobilière etc. Les Françaises et les Français ne se comprennent plus, ne vivent plus de la même manière que leurs voisins… alors comment pourraient-ils encore s’entendre ? Selon une enquête du think tank Destin Commun réalisée cet été, 77% des Français pensent que la société est divisée et plus de la moitié d’entre eux redoutent que les différences entre eux sont trop importantes pour continuer à avancer ensemble.
La culture du talk
Dans ce contexte de polarisation sociétale aiguë, où les désaccords tournent souvent aux invectives et les débats aux procès d’intention, le média Brut. et le quotidien La Croix lancent l’opération « Faut qu’on parle ». Cette déclinaison de l’expérience « My Country Talks », initiée en Allemagne en 2017, est une première en France. Elle repose sur la conviction qu’un débat constructif et apaisé est encore possible entre des Français aux idées opposées. Elle a vocation à permettre à des personnes de la France entière, aux opinions éloignées, de se rencontrer en vrai, une heure ou deux, pour s’écouter, partager ses convictions, ses doutes et ses hésitations. Dialoguer simplement pour se connaître, mieux se comprendre et créer du lien.
Pour Elsa Darquier-Fournier, cela a toujours été la mission de Brut., dont elle est la COO, de « bâtir un espace où les idées se rencontrent, où les différences s’écoutent, et où la société trouve une voie commune, plus solidaire et plus unie ». Elle précise : « Média leader sur les réseaux sociaux avec 2 milliards de vues mensuelles et 550 millions de viewers, Brut. touche 100 % des 15-35 ans et accompagne, depuis sa création, les Français à travers les grands moments de leur vie collective, à travers le sport, la politique, la culture ou l’actualité. Né sur les plateformes sociales, Brut a fait du dialogue un pilier central de son ADN. Ce lien direct avec les utilisateurs a permis de construire une communauté forte où les idées circulent. Face à l’intensification des tensions sociales, nous avons souhaité aller au delà de l’écran, en facilitant la confrontation d’idées et en encourageant de véritables conversations, en face à face ».
Un peu de bonne volonté
À travers cette initiative, Brut. et La Croix, proposent à leurs audiences, parfaitement complémentaires, de prendre part à la reconstruction d’un « avenir commun », selon les mots du communiqué de presse. L’objectif de « Faut qu’on parle » est donc simple mais essentiel : permettre à des personnes qui ne se connaissent pas et ne pensent pas pareil de se rencontrer pour discuter et surtout s’écouter. Car malgré les mauvaises langues et les artisans du chaos, il est toujours possible de converser avec quelqu’un qui pensent différemment de soit. La preuve outre-Rhin : l’initiative My country talks a déjà donné lieu à près de 300 000 conversations dans 100 pays. Et à l’issue de ces rencontres, 80 % des participants étaient très heureux de la discussion, 60 % sont restés en contact et 90 % souhaitent participer à nouveau.
Selon une étude d’impact Blattner-Koener de Stanford et Harvard, publiée en juillet 2023, le simple fait de parler deux heures avec quelqu’un qui ne pense pas comme nous contribue à diminuer de 77% la « polarisation affective », c’est-à-dire les sentiments négatifs à l’égard de ceux qui sont perçus comme le camp adverse. Pourtant, les chances de parler à quelqu’un de vraiment différent de nous diminuent considérablement.
Pas besoin d’aller très loin
Ces résultats plus qu’encourageants ont convaincu le Fonds Bayard-Agir pour une société du lien de soutenir l’initiative aux côtés de deux médias, La Croix et Brut., qu’a priori tout oppose mais qui partagent la conviction que leur rôle auprès de leur audience est de nature à créer un engagement fort en faveur d’un futur commun plus vertueux. Céline Hyon-Naudin, Déléguée Générale du fonds Bayard-Agir pour une société du lien, précise : « Parce qu’il est essentiel de rétablir le lien humain, de créer des espaces de rencontre, où le dialogue et l’échange d’idées peuvent véritablement renforcer la cohésion sociale, nous avons souhaité redonner toute sa place à l’échange en face à face. Avec l’opération Faut qu’on parle, La Croix s’engage au côté de Brut. à favoriser le dialogue entre ceux qui ne partagent pas les mêmes idées pour renforcer la cohésion sociale ».
Pour participer, il faudra vous inscrire et répondre à quelques questions qui porte sur « des sujets d’actualité qui divisent la société » via la plateforme que voici. Un algorithme vient ensuite associer les participants en fonction de leurs réponses, formant des binômes où les divergences sont significatives mais propices au dialogue. Une fois le matching effectué, les participants sont invités par mail à se rencontrer en personne le 23 novembre, dans un lieu public favorisant un dialogue respectueux et constructif, dans un rayon de 30 km autour de leur domicile, ou dans l’un des lieux qui s’associent à l’événement « Faut qu’on parle ».
Ce genre d’initiative privée – mais citoyenne – qui vise à transcender les clivages entre citoyens… et surtout à nous connecter aux uns et aux autres, n’est – heureusement – pas la seule à avoir retenu notre attention depuis la rentrée. Le 25 septembre dernier, nous avions dédié une interview à Maxime Barbier, fondateur de l’entreprise Timeleft qui organise des dîners entre parfaits inconnus pour combattre le sentiment de solitude grandissant, en particulier depuis les confinements en 2020. L’entrepreneur de 39 ans déclarait dans nos colonnes : « La solitude que traversent les gens est impressionnante. C’est comme une chape de plomb qui vous enlève toute énergie et semble sans issue (…) La table est une excuse pour créer la connexion ». Tant qu’il y a des rapports humains… et des bons repas, il y a de la vie.
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