La singularité, clé d’émergence des marques pour se faire entendre
Dans un paysage médiatique où tout se ressemble... et tout s’oublie, Médiamorphose 2025 organisé par INfluencia en partenariat avec l’agence média UM et Media Figaro a exploré l'urgence stratégique pour les marques de sortir du bruit ambiant.
Organisée par le groupe INfluencia en partenariat avec l’agence média UM et Media Figaro, la matinée Médiamorphose 2025 (21 mai) a rassemblé plusieurs dizaines de professionnels du marketing, des médias et de la création autour d’un même constat : face à la fragmentation des audiences, à la défiance envers les discours institutionnels et à l’uniformisation des contenus induite par les algorithmes, les marques sont sommées de réinventer leur manière de prendre la parole.
L’événement a alterné keynotes, entretiens et tables rondes thématiques, avec la participation d’intervenants issus d’univers variés (publicité, tech, média, e-sport, retail…). En toile de fond, une série de chiffres marquants : selon Médiamétrie, 80 % du temps passé sur Internet se fait aujourd’hui via mobile ; chez les 15-24 ans, 60 % de ce temps est consacré aux réseaux sociaux. Par ailleurs, seuls 31 % des Français déclarent faire confiance à l’information qu’ils consultent, d’après le rapport 2024 du Reuters Institute for the Study of Journalism. Dans ce contexte instable, où l’intelligence artificielle génère déjà des milliers de contenus automatisés chaque jour, Médiamorphose a exploré une question structurante pour les annonceurs comme pour les agences : comment recréer de la différenciation et de la considération à l’heure où tous les récits tendent à se ressembler ?
Audiences éclatées et défiance généralisée
Le constat partagé lors de Médiamorphose 2025 est sans appel : jamais les publics n’ont eu accès à autant de contenus, sur autant de canaux différents. « Nous vivons une véritable infobésité, le public est submergé de messages en permanence », note Cyrille Frank, journaliste et consultant médias, lors de sa keynote d’ouverture à Médiamorphose 2025. Les générations plus jeunes délaissent les médias traditionnels au profit de plateformes numériques, tandis que les plus âgés restent fidèles à des canaux historiques – « La télévision reste le canal d’information principal pour la plupart des Français », poursuit ainsi Cyrille Frank. Résultat : l’audience se morcelle en une multitude de communautés éparpillées.
Parallèlement, la confiance envers les médias et la publicité s’est érodée, rendant le défi encore plus ardu pour les marques. Bertrand Beaudichon, président d’IPG Mediabrands France, souligne que « la considération est devenue le nouveau graal : pour émerger, il ne suffit plus d’acheter des parts de voix, il faut susciter un véritable intérêt ». Autrement dit, plus question de matraquer un message standardisé : il faut donner au public une raison de vraiment s’engager.
Informer en divertissant
Pour capter une audience volage, de nombreux intervenants ont insisté sur la nécessité de mêler l’utile à l’agréable. L’infotainment – ces contenus qui informent tout en divertissant – s’impose comme un moyen efficace de retenir l’attention. « On retient bien mieux un message quand on apprend en s’amusant », explique Laure Piot, directrice commerciale Social & Digital chez Prisma Media, évoquant le succès de formats ludiques intégrés aux offres éditoriales. Qu’il s’agisse de vidéos pédagogiques au ton décalé, de podcasts narratifs captivants ou de collaborations avec des créateurs populaires, le divertissement permet de toucher le public sans ennui.
Sonia Ventura, business partner chez UM Paris, abonde : selon elle, les marques ont tout intérêt à adopter les codes du divertissement pour émerger dans le flot de contenus. Rompre avec les discours publicitaires classiques et raconter des histoires plus humaines, incarnées et créatives, voilà une des clés mises en avant pour attirer l’attention et marquer les esprits.
Nouveaux formats, nouvelles opportunités
Face à la saturation des formats traditionnels, les marques explorent des terrains d’expression inédits. Lors de Médiamorphose, l’essor des formats courts et immersifs a été largement commenté. Des vidéos verticales éphémères aux stories interactives, en passant par les contenus en direct sur Twitch ou les expériences en réalité augmentée, tout ce qui sort des formats classiques attise la curiosité des audiences.
« Le gaming et l’e-sport offrent aux marques de nouvelles opportunités de prise de parole, à condition de respecter les codes de ces univers », a illustré Guillaume Merlini, fondateur de l’agence GamersOrigin, lors d’une table ronde dédiée. Ce dernier cite par exemple le succès de collaborations entre marques et streamers, qui permettent de toucher les jeunes sur leurs plateformes de prédilection.
Plus largement, l’innovation dans les formats – quiz participatifs, infographies animées, séries audio – est devenue un impératif. « Il faut oser expérimenter des formats auxquels le public ne s’attend pas », a affirmé en substance Stéphane Labrouche, Co-CEO & Co-Founder – Mediads, rappelant que la prime va souvent au premier entrant sur un nouveau format avant qu’il ne se banalise.
Bertrand Beaudichon, CEO – IPG Mediabrand
La multiplication des canaux impose la cohérence
Dans un paysage médiatique éclaté entre télévision, radio, presse écrite, réseaux sociaux, plateformes de streaming, podcasts et affichage urbain, la difficulté pour les marques est de rester visibles partout sans diluer leur identité. « On ne peut plus raisonner en silos : chaque campagne doit vivre sur un écosystème multicanal cohérent, adapté aux usages de chaque plateforme », insiste Emilie Thorel, planneuse stratégique chez UM. Autrement dit, il faut décliner le récit de marque à travers divers points de contact – du spot TV au post Instagram en passant par l’événementiel – tout en maintenant un fil rouge reconnaissable.
Sébastien Romelot, co-fondateur de Phenix Groupe, relève que cette diversification va de pair avec une contextualisation fine des messages : « Diffuser le bon message, au bon moment, au bon endroit : cette pertinence contextuelle peut décupler l’efficacité d’une campagne », assure-t-il. À l’heure où l’attention se disperse entre une multitude d’écrans et de supports, être partout ne suffit pas : il faut l’être de la bonne manière, en tenant compte des spécificités de chaque canal et de chaque audience.
La data au service de la créativité
La data et les nouvelles technologies jouent également un rôle central dans cette quête de singularité. Grâce aux données, il est possible de mieux comprendre les centres d’intérêt des consommateurs et d’adapter les contenus en temps réel. « Tirer parti des données culturelles ou comportementales permet de créer des expériences vraiment personnalisées », explique Anne Besson, directrice générale de Mattel EMEA, soulignant que ses équipes analysent de près les tendances pour nourrir leurs campagnes.
Toutefois, plusieurs intervenants ont tenu à nuancer l’enthousiasme ambiant autour de la data et des nouvelles technologies : personnaliser ne suffit pas, encore faut-il le faire avec sens. Lors de la table ronde sur les nouveaux récits médiatiques, Bertrand Beaudichon, CEO – IPG Mediabrands, a rappelé que « la considération est devenue le nouveau graal : pour émerger, il ne suffit plus d’acheter des parts de voix, il faut susciter un véritable intérêt ». Il a insisté sur le fait que les marques doivent aujourd’hui éviter de se réfugier derrière les seuls indicateurs de performance ou la pure automatisation, au risque de perdre en authenticité. « La technologie ne doit pas remplacer l’intuition créative, mais la renforcer », a-t-il ajouté, plaidant pour une alliance entre données et émotion, capable de générer de véritables liens avec les publics.
Cyrille Frank, journaliste et consultant médias
Convertir la notoriété en engagement
En filigrane de toutes ces discussions, un maître-mot émerge : singularité. Dans un univers saturé de sollicitations standardisées, c’est bien la capacité d’une marque à développer son propre langage et à occuper un territoire distinctif qui fera la différence. « Les marques doivent oser sortir des sentiers battus tout en restant fidèles à leur ADN : c’est ainsi qu’elles transforment une audience en communauté engagée », résume Olivier Deletombe, directeur marketing de Deliveroo France, pour qui l’authenticité et la cohérence de la démarche priment sur la simple visibilité.
Médiamorphose 2025 aura ainsi mis en lumière une nouvelle équation du succès médiatique : allier la compréhension fine des audiences, l’innovation dans les formats et la force d’une identité singulière. L’époque où il suffisait de répéter un slogan à l’antenne est révolue ; aujourd’hui, émerger passe par la création d’une véritable connivence avec son public.
Comme le conclut Bertrand Beaudichon, « pour émerger, il ne suffit plus d’investir dans des espaces publicitaires : il faut activer des points de passion ». En d’autres termes, trouver ce « supplément d’âme » – ce contenu, ce ton ou cette expérience unique – qui touchera les individus au-delà du bruit ambiant et fera naître chez eux bien plus qu’un intérêt : une véritable considération.