9 avril 2024

Temps de lecture : 3 min

Etude Recommerce: « Notre marché attire toujours beaucoup de cowboys qui ne respectent pas la loi », Augustin Becquet

A l’occasion de la publication de son Baromètre annuel sur le marché du mobile d’occasion, Augustin Becquet, le directeur général de Recommerce, nous dévoile les dessous de son étude et de son marché en plein boom mais pas encore très mature.

INfluencia : Vous venez de publier la 7ème édition de votre Baromètre annuel sur le marché du mobile d’occasion. Quels sont les principaux enseignements de cette étude ?

Augustin Becquet : Notre étude montre que le marché du reconditionnement continue de progresser année après année. En 2024, 1 smartphone sur 5 vendu en France sera un modèle d’occasion. Ce chiffre atteignait tout juste 7% en 2018. Aujourd’hui, 45% des Français affirment avoir déjà possédé un smartphone usagé contre à peine 27% en 2018. En Europe, seuls les Britanniques achètent plus de mobile reconditionné (25%). Notre pays a toujours été un marché assez pionnier car les opérateurs ont organisé très tôt des programmes de reprise.

IN : Les jeunes semblent également apprécier les smartphones d’occasion…

A.B. :  C’est en effet le deuxième principal enseignement de notre étude. 44% des Français des moins de 16 ans possèdent un mobile reconditionné. Ce chiffre est porteur d’espoir pour notre secteur. Nous ne sommes pas dupes pour autant. Nous savons que les jeunes sont attirés par les grandes marques et que leur budget limité les contraint souvent à acheter un modèle d’occasion mais ce chiffre de 44% reste positif pour nous.

IN : D’où proviennent les smartphones que vous reconditionnez et revendez ?

A.B. : Il existe deux types d’acteurs sur notre marché. Les premiers achètent des surplus et les revendent directement et les autres, dont nous faisons partie, reprennent, reconditionnent et revendent d’anciens modèles. En France, 1,3 million de mobiles sont repris et reconditionnés. Le marché de la revente représente, lui, 3,1 millions de portables. 1,8 million d’unités proviennent donc des surplus qui sont principalement importés des Etats-Unis car dans ce pays, les opérateurs continuent d’inciter leurs clients à changer de téléphone tous les deux ans. Ce n’est plus le cas en France et c’est un bien quand on sait qu’il faut 160 kilos de matières pour produire un smartphone neuf.

IN : Cet équilibre est-il appelé à perdurer ?

A.B. : Non et c’est une bonne nouvelle. A partir du 28 décembre 2024, les importations de produits qui n’ont pas de prise USB-C sera interdite. Cette réglementation, qui inclut les produits reconditionnés, va bénéficier aux entreprises européennes et nous permettre d’augmenter le prix moyen que nous versons aux propriétaires qui nous revendent leurs anciens mobiles et qui atteint actuellement 131 euros. Aujourd’hui, 30% des Français considèrent qu’un prix de reprise peu élevé reste le principal frein à la revente de leur smartphone. Du coup, on estime que près de 160 millions de portables prennent la poussière dans nos tiroirs et ce chiffre augmente de 10 millions d’unités chaque année. La nouvelle réglementation pourrait changer cette donne. Dans notre étude, près d’un sondé sur deux (47%) affirme vouloir revendre leur smartphone usagé à un professionnel. Ce chiffre a bondi de dix points en un an. C’est très encourageant pour nous

IN : Avez-vous les capacités pour gérer cet afflux de portables ?

A.B. : Nous sommes une entreprise « Fabless ». Nous sous-traitons le reconditionnement de nos smartphones à des entreprises extérieures. Lorsque nous recevons un mobile, nous changeons sa batterie et son écran et parfois nous remplaçons certains petits modules comme la caméra ou le micro. Un employé peut être rapidement formé pour remplir ces tâches. Lorsque nous avons évité de peu la faillite en 2014 cinq ans après notre création, nous avons choisi de faire appel à des sous-traitants en Roumanie. Aujourd’hui, même si nous sommes restés fidèles à ce partenaire, nous reconditionnons près de la moitié de nos smartphones en France. Nous faisons également appel à des sociétés basées en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas.

IN : Vous avez changé d’actionnaires en 2022 en passant sous le giron de la famille Mulliez. Pourquoi avoir pris cette décision ?

A.B. : Notre chiffre d’affaires est passé de 125 à 150 millions d’euros entre 2022 et 2023 mais nous continuons à nous battre, année après année, pour être à l’équilibre, ce qui est le cas aujourd’hui. Bouygues Telecom Initiatives a été notre premier investisseur et il est toujours un de nos actionnaires. En 2018, le family office de la famille Mulliez a pris le contrôle de 25% de notre capital et il y a deux ans, il a racheté la majorité de nos parts avec le soutien de ses holdings qui contrôlent notamment DecathlonLeroy Merlin et Boulanger. Nous avons privilégié ces repreneurs car nous préférons travailler avec un pool d’actionnaires industriels qui a une vision sur le long-terme et qui est engagé dans l’économie circulaire.

IN : Votre faible rentabilité ne risque-t-elle pas de les encourager à se désengager ?

A.B. : Je ne le pense pas. Notre business model n’est pas encore mature. Notre marché attire toujours beaucoup de cowboys qui ne respectent pas la loi. Nous travaillons malheureusement dans une zone un peu grise. Les taux d’intérêt bas ont permis à de nombreux acteurs de se lancer sur notre marché. Maintenant que l’argent ne coule plus à flot, beaucoup d’entreprises vont faire faillite et seuls les acteurs les plus sérieux vont survivre. C’est une bonne nouvelle pour nous.

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