Emilie Thorel (UM France) : « J’ai pleuré à la mort de la princesse Diana, et repleuré en regardant ses obsèques à la télé »
Son échec le plus cuisant remonte à longtemps, mais elle ne l’a pas oublié. Une histoire de cheveux… Emilie Thorel, DG d’UM France répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’Hôtel Littéraire Le Swann* – Proust oblige.
INfluencia : Votre coup de cœur ?
Emilie Thorel : Après avoir couru pendant très longtemps, j’ai finalement investi dans un tapis de course, sur lequel je fais de la marche inclinée à 15% ou 12%. C’est une révélation. Aujourd’hui, j’ai peur de courir à l’extérieur à cause de tout ce qu’on entend. De plus, il est difficile de trouver un moment dans la journée pour le faire.
. Avec ce tapis, je fais maintenant du sport tous les jours. Cela fatigue beaucoup moins et on puise moins dans l’énergie mentale, tout en brûlant des calories sans se fatiguer. On peut faire 4 à 5 kilomètres sans avoir de courbatures, sans être dégoûté et sans danger. Cela fait travailler le ventre, les jambes, les cuisses, les mollets et le cardio. Surtout, ce n’est pas violent, contrairement au running.
J’aurais dû acheter un tapis de course tellement plus tôt
C’est un vrai moment rien que pour moi – je regarde une série ou j’écoute un podcast – et c’est facile parce que c’est à la maison. Je n’ai pas besoin de me motiver. C’est du pur plaisir et un vrai bien-être. Dans nos métiers, et même dans la vie de tous les jours, on a parfois besoin de décompresser. Quand on se dispute avec nos enfants ou notre chéri, cela permet d’aller se calmer et de repartir un peu plus serein, soit pour commencer sa journée soit pour la finir. C’est vraiment mon coup de cœur du moment et je me dis : « Mais j’aurais dû acheter ça tellement plus tôt ».
La violence croissante parmi et envers les mineurs m’effraie profondément
IN. : Et votre coup de colère ?
E.T. : Mon coup de colère ne porte pas sur un phénomène passager, mais sur une réalité actuelle qui m’effraie profondément : la violence croissante parmi et envers les mineurs. Il semble qu’il ne se passe pas un jour sans qu’un adolescent ne soit victime d’une attaque au couteau. En tant que mère de deux adolescents, cette situation me terrifie et m’inquiète pour l’avenir de notre société.
J’ai vécu dans les Yvelines pendant de longues années, à seulement deux kilomètres de Trappes. À l’époque, il y avait des bagarres, comme il y en a toujours eu à la sortie des lycées ou des collèges, mais elles ne dégénéraient jamais en drames aussi horribles. La violence n’était pas aussi extrême.
Je trouve cette escalade de la violence chez les jeunes particulièrement choquante et marquante. Quand je pense à l’histoire du jeune Elias, âgé de seulement 14 ans, qui sortait de son entraînement de football, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec mon propre fils. Il a le même âge, lui ressemble presque et pratique aussi le football. Je me dis que je pourrais le déposer à son entraînement et, une heure et demie plus tard, le retrouver sans vie dans le caniveau. C’est une pensée insupportable.
On a l’impression que rien n’est fait pour endiguer ce phénomène. Je ne suis ni juge ni policière, mais j’ai le sentiment que la police est dépassée, que la justice ne suit pas et que les lois, souvent anciennes, ne sont pas adaptées à la réalité actuelle. En tant que parents, ces sujets nous mettent en colère. Parce que mourir à 14 ou 17 ans, c’est bien trop jeune.
IN. : L’évènement qui vous a le plus marquée?
E.T. : Deux événements m’ont marquée. Le premier est l’élection de Barack Obama en 2008, qui a été selon moi un tournant dans la vie politique. C’était la première fois que les États-Unis avaient un président différent de tous ceux qu’ils avaient connus auparavant. Je me souviens très bien de cette liesse qui régnait aux États-Unis. Et aussi d’avoir écouté une musique qui parlait de son élection et qui avait fait le tour du monde dans les clubs à l’époque. Tout le monde était joyeux, notamment au sein de la communauté afro-américaine. Bien sûr, il y a certainement eu des instants moins festifs et des choses qu’on n’a pas vues. C’était peut-être un moment où je commençais à être un peu plus adulte dans ma tête, mais cela m’a plus marquée que d’autres événements.
Je citerais aussi un autre événement, beaucoup moins gai : la mort de la princesse Diana en 1997. Je pense que j’ai pris conscience à ce moment-là que rien n’est acquis – elle était à un moment où elle pouvait enfin profiter de sa vie – et qu’en deux secondes tout peut s’écrouler. J’habitais encore chez ma mère, j’étais en train de regarder la télé. et j’ai pleuré, alors que je n’étais pas spécialement attirée par la royauté en Angleterre ou le personnage de Diana. J’étais jeune et je n’avais pas d’enfants, mais j’ai pensé à ses deux garçons et j’ai trouvé cette tragédie extrêmement triste. Quelques jours après son décès, je suis passée par le Pont de l’Alma et c’était fou de voir le monde, les gens qui déposaient des fleurs, des mots… Je n’avais pas assisté à son mariage, mais j’ai voulu regarder ses funérailles. C’est la première fois de ma vie que je regardais des funérailles à la télévision. Autant vous dire que j’ai repleuré, bien évidemment.
Je viens d’une famille d’artistes où tout le monde dessine, peint et joue de la musique.
IN. : Votre rêve d’enfant ou si c’était à refaire
E.T. : J’ai deux petits regrets dans ma vie. Le premier concerne une période de ma jeunesse. J’avais un ami qui, comme moi, adorait la radio, et nous avions le projet de devenir animateurs. J’aimais aussi beaucoup le théâtre et j’en ai fait quand j’étais jeune, ainsi que de l’improvisation. C’était un univers qui me plaisait bien. Cependant, je n’ai pas laissé libre cours à ces deux envies et j’ai choisi plutôt la raison en continuant sagement des études assez classiques, en littérature et histoire de l’art.
Mon deuxième regret est de ne pas avoir su, ou en tout cas de ne pas avoir franchi le pas, pour apprendre la musique, particulièrement le piano, et/ou le dessin. Je viens d’une famille d’artistes où tout le monde dessine, peint et joue de la musique. Mon père a été longtemps architecte, décorateur et musicien. Ses deux frères sont également musiciens. Ma mère a fait Penninghen, puis a été maquettiste pendant très longtemps. Et moi, je suis le seul ovni de la famille qui n’a pas suivi leurs traces (rires).
Je suis capable de ne pas fumer pendant un mois, et cela ne me manque pas
IN. : Votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)
E.T. : Elle n’est peut-être pas très grande mais pour moi elle est très importante :J’ai quasiment arrêté de fumer les 10 cigarettes ou plus par jour que je fumais depuis mon adolescence. Aujourd’hui, je suis capable de ne pas fumer pendant un mois, et cela ne me manque pas. Certes, j’utilise la cigarette électronique comme béquille, mais c’est une vraie victoire face à cette addiction, non seulement à la nicotine mais surtout au geste. À 48 ans, il était temps de me débarrasser de cette mauvaise habitude. Le tapis de course dont je parlais tout à l’heure aide aussi. Quand on se sent moins stressée, on a moins besoin de fumer. Et plus on vieillit, plus on prend conscience des mauvaises habitudes.
Mon arrière-grand-mère m’avait dit en me voyant : ‘’Tu ressembles à un rat’’
IN. : Votre plus grand échec ? (idem)
E.T. : c’est un petit échec mais je m’en souviens encore des années plus tard. Je devais avoir 13 ou 14 ans. À cette époque, j’ai décidé de me faire couper les cheveux à la garçonne, parce que c’était la mode et que, pendant très longtemps, je n’aimais pas mes cheveux. Je voulais être brune aux cheveux lisses. J’ai donc harcelé ma mère pendant des mois et j’ai finalement obtenu gain de cause. Bien évidemment je suis sortie de chez le coiffeur en pleurant, car ce n’était pas du tout ce que je voulais. Pendant très longtemps, jusqu’à ce que mes cheveux repoussent un peu, tout le monde me prenait pour un garçon. Je devais être odieuse, je suppose, à râler tout le temps et à pleurnicher. Mon arrière-grand-mère, qui vivait avec nous à l’époque, m’avait dit en me voyant : « Tu ressembles à un rat ». Cela m’avait achevée. Je garde un très mauvais souvenir de cet évènement capillaire. C’est une petite leçon de vie à 14 ans que j’ai amèrement regrettée. Et depuis, je ne me suis plus jamais fait couper les cheveux aussi courts, d’ailleurs pas courts du tout…
IN. : Votre héroïne préférée dans l’histoire, récente ou ancienne
E.T. : Simone Veil. Vous vous doutez bien pourquoi. C’était quelqu’un de très visionnaire sur beaucoup de sujets et pas seulement sur le droit des femmes ou l’IVG, etc. Mais sur l’Europe, et un tas d’autres sujets, par exemple sur les conditions de vie des prisonniers. C’est un modèle de courage et de persévérance dans un monde qui, à l’époque, était très difficile pour les femmes. Mais si je remonte dans le temps, je vous répondrais Jeanne d’Arc, un peu pour les mêmes raisons : visionnaire pour son pays, un courage absolu dans un monde totalement masculin où les femmes n’avaient aucun poids, la force de ses convictions, son abnégation et la puissance du sacrifice.
On verra si dans un an je suis devenue une pro de l’IA. En tout cas c’est mon défi pour 2025
IN. : Un défi pour l’avenir
E.T. : L’intelligence artificielle. Autrefois je voyais cela plutôt d’un mauvais œil. Mais quand on s’y intéresse et commence à passer du temps sur le sujet – il y a des formations en ce moment au bureau, bien sûr- c’est un sujet passionnant, avec ses bons et ses mauvais côtés. J’aimerais devenir plus pro dans ce domaine. Soit pour pouvoir transmettre aux autres ou pour accompagner mes clients. Mais aussi même à titre personnel. Je serais prête à passer du temps sur mes loisirs, par exemple le week-end pour progresser dans ce domaine. On verra si dans un an je suis devenue une pro de l’IA. En tout cas c’est mon défi pour 2025.
Tout Maupassant sur une île déserte
IN. : Quel objet emmèneriez-vous sur une île déserte ?
E.T. : Si je suis rationnelle et pragmatique, j’emmènerais quelque chose d’utile pour ma survie, comme un couteau ou un harpon pour pêcher du poisson, par exemple. Si je l’étais moins et un peu plus rêveuse, je pense que je prendrais un très gros livre, comme l’intégrale des œuvres de Guy de Maupassant. Ce sont des ouvrages qu’on lit quand on est adolescent, mais qui ennuient sans doute un peu à cause des nombreuses descriptions et détails interminables. À cet âge, on n’a pas la maturité ni la disponibilité d’esprit nécessaires pour les comprendre pleinement. Sur une île déserte, je pense que je prendrais plaisir à cette lecture que je n’ai pas appréciée à sa juste mesure quand j’étais jeune. Là, j’aurais le temps.
* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu »
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L’actualité
Emilie Thorel a été nommée DG d’UM en octobre 2024.
UM est une agence du groupe IPG Mediabrands, présente dans plus de 100 pays et vient d’annoncer un nouveau positionnement, « Full Color Media ».
Principaux budgets en France : Dyson, Ionos, Amex, Levi’s, Vinted, Honda, Mattel…