16 juin 2025

Temps de lecture : 5 min

Dakar Chronicles : quand Red Bull et mk2.alt transforment un documentaire sportif en levier de marque

À la croisée du récit, de l’expérience sensorielle et de la stratégie de marque, ce long-métrage (sortie le 18 juin) illustre l’essor d’un brand content narratif, lent et ambitieux. La preuve, une nouvelle fois que le documentaire est aujourd’hui perçu comme l’un des formats les plus fiables du paysage médiatique.

Le 18 juin 2025, Dakar Chronicles sortira en salles dans un circuit de diffusion événementialisé. Ce film documentaire, réalisé par Jalil Lespert (Iris, Yves Saint Laurent), plonge au cœur de l’édition 2023 du mythique Rallye Dakar, disputé en Arabie saoudite. Mais l’ambition dépasse de loin le simple reportage de course. Pensé comme un récit humaniste et cinématographique, le projet s’attache à explorer l’intimité des pilotes — légendes et jeunes pousses confondues — dans leur confrontation au désert, à l’effort, au doute et à eux-mêmes.

« Je ne voulais pas réaliser un film de sports mécaniques », confie Jalil Lespert dans le dossier de presse. « Ce qui m’a touché, ce n’est pas la course en soi, c’est ce qui pousse ces gens à s’y confronter ». Ce parti-pris narratif se retrouve à tous les étages du projet : du choix des séquences à la bande-son atmosphérique signée M83, en passant par une photographie sensorielle captée à l’épaule, entre sable, silence et tension.

Du côté de la production, Red Bull Studios, filiale audiovisuelle de la célèbre marque de boissons, assure la fabrication du film. La distribution est assurée par mk2 alt, la branche de mk2 spécialisée dans les contenus hybrides et le récit de marque. Ensemble, ils misent sur un objet cinématographique capable de séduire un triple public : fans de sport, amateurs de grands récits humains et professionnels de la création.

Red Bull : de la performance au récit

Ce n’est pas la première incursion de Red Bull dans la production documentaire. Depuis plusieurs années, la marque opère un glissement stratégique : de la performance brute captée en vidéo (sauts extrêmes, records, sports de niche) vers des formats plus narratifs, incarnés, et éditorialement exigeants. Dakar Chronicles en est l’aboutissement le plus manifeste. « Ce film est l’expression d’une volonté forte de Red Bull Studios de créer des formats cinématographiques et sensoriels qui laissent une trace, qui engagent et qui dépassent la simple performance », explique le producteur Jérémie Rilling.

Le pari est de renouveler le storytelling de marque en valorisant l’émotion, la durée, la subjectivité, et en s’affranchissant des codes de l’auto-promotion. Le documentaire agit ici comme une passerelle entre les valeurs de la marque et celles de son public cible — jeunes adultes, amateurs d’aventure, de dépassement, et de récits incarnés. Cette stratégie s’inscrit dans un mouvement plus large d’évolution du brand content vers des formats plus culturels, plus lents, et plus profonds. Et les résultats sont là.

Le documentaire, nouvel eldorado des marques ?

Loin d’être un cas isolé, Dakar Chronicles s’inscrit dans un contexte où le documentaire explose dans le paysage du brand content. Comme le révélait INfluencia le 9 avril dernier, dans un article relayant l’étude France Culture x BVA Xsight, 89 % des Français déclarent faire davantage confiance au format documentaire qu’aux autres types de contenus médiatiques, et 93 % estiment qu’il leur permet de mieux comprendre les enjeux du monde contemporain.

Ce capital de confiance exceptionnel positionne le documentaire comme un format stratégique pour les marques souhaitant travailler leur crédibilité, leur engagement ou leur univers de valeurs. Exit le spot de 30 secondes : les marques veulent aujourd’hui raconter des histoires vraies, en lien avec leur ADN, tout en s’inscrivant dans le temps long. Plus encore, l’étude souligne que le format documentaire est perçu comme “inspirant” (74 %) et “authentique” (81 %) — deux qualités recherchées par les marques en quête de pertinence sociale. En misant sur ce format, Red Bull ne cherche pas simplement à montrer l’exploit, mais à s’ancrer dans un récit universel : la quête de sens, le rapport au risque, la solitude dans l’effort.

Une distribution événementielle au service de la désirabilité

La sortie de Dakar Chronicles ne se limite pas à une mise en ligne ou à une diffusion confidentielle. mk2. alt orchestre une sortie cinéma en salles, dans un réseau ciblé de salles partenaires, renforçant la portée culturelle du projet. Ce mode de diffusion confère au film un statut d’œuvre cinématographique à part entière, augmentant sa valeur perçue auprès du public et des médias. Ce choix stratégique s’inscrit dans une logique de premiumisation du contenu de marque. Le documentaire n’est plus un outil parmi d’autres : il devient un totem narratif, autour duquel peuvent se déployer d’autres formats — capsules sociales, interviews, behind-the-scenes, playlists musicales — diffusés en ligne ou dans des espaces partenaires.

Le film met en scène une galerie de pilotes aux parcours hétérogènes. On y retrouve des légendes comme Sébastien Loeb, neuf fois champion du monde des rallyes, qui revient sur le Dakar en quête d’un titre manquant. Ou encore Cristina Gutiérrez, première femme à avoir remporté une étape du Dakar en auto. À leurs côtés, des figures montantes comme Mason Klein (20 ans), Mitchell Guthrie, ou Seth Quintero (le plus jeune pilote à avoir gagné une étape).

Au total, onze portraits de pilotes traversent le film, chacun filmé dans l’intimité de ses préparatifs, de ses doutes, de ses blessures. « Ce que j’ai trouvé bouleversant, c’est leur rapport à la peur, à la solitude, au danger. Ils sont dans une forme de dépouillement total. Le désert agit comme un révélateur », explique Jalil Lespert. Cette diversité de regards donne au documentaire une portée universelle, bien au-delà du cercle des fans de rallye.

Le brand content narratif : nouvelle grammaire du marketing ?

Dakar Chronicles illustre une tendance de fond : le passage du contenu publicitaire au contenu culturel. Dans un monde saturé de messages commerciaux, le public recherche de plus en plus des formats qui prennent leur temps, qui donnent à penser, à ressentir, à découvrir. Pour les marques, cela signifie sortir de la logique push, pour entrer dans celle de la cohabitation narrative. Ce virage vers des formats longs, culturels et émotionnels s’observe aussi chez d’autres annonceurs, qui redéfinissent eux aussi leur rapport au récit.Des cas similaires confirment ce basculement. En 2024, DS Automobiles confiait au réalisateur Quentin Dupieux la création de Mister Yves, une mini-fiction absurde et stylisée imaginée comme un hommage décalé au luxe à la française, diffusée en ligne dans le cadre d’une campagne de marque.

La même année, VanMoof, marque néerlandaise de vélos électriques, lançait The Road Ahead, une série documentaire portée par des témoignages réels sur la mobilité urbaine et le changement climatique, diffusée sur sa plateforme propriétaire. En 2021, AXA proposait Unquiet Voices, une série de portraits documentaires engagés produite avec Publicis Conseil et diffusée sur YouTube, pour sensibiliser aux risques psychosociaux. Quant à WeCrashed, bien qu’il s’agisse d’une série dramatique produite par Apple TV+ en 2022, elle raconte l’ascension et la chute de WeWork, incarnant un cas de branded entertainment indirect, où Apple capitalise sur un récit entrepreneurial contemporain pour incarner son positionnement culturel auprès des jeunes adultes.

Tous ces projets empruntent au langage du documentaire, du film ou de la série pour créer un territoire d’expression différenciant et cohérent avec leur ADN. Il ne s’agit plus de promouvoir un produit, mais d’inscrire la marque dans la culture, de provoquer l’adhésion par les valeurs et de nouer un lien émotionnel avec leur audience. Et sur ce terrain, le documentaire s’impose comme un levier narratif puissant, capable d’articuler vérité, esthétisme et récit.

Une œuvre-manifeste pour une nouvelle ère du contenu de marque

Avec Dakar Chronicles, Red Bull et mk2 alt ne signent pas seulement un film : ils signent une démonstration de force éditoriale. Celle d’un brand content qui a compris que pour toucher les publics d’aujourd’hui, il faut raconter autrement, filmer autrement, diffuser autrement. En misant sur un format long, distribué en salles, porté par un réalisateur reconnu, une bande-son exigeante, et des personnages puissamment incarnés, le film dépasse le simple statut de contenu de marque. Il devient une œuvre-manifeste, à la croisée du cinéma et de la stratégie d’image.

Pour les professionnels du marketing et des médias, c’est un signal fort : la prochaine bataille de l’attention ne se gagnera pas à coups d’algorithmes, mais à travers des récits puissants, ancrés dans le réel, portés par des voix sincères. Le documentaire, longtemps cantonné aux marges de la publicité, est en train de devenir le cœur battant du nouveau brand storytelling.

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