16 février 2023

Temps de lecture : 3 min

Carrefour, H&M ou encore Apple, pourquoi nous mentent-ils sur leur neutralité carbone ?

Dans un rapport publié ce lundi 13 février, deux ONG passent au crible les politiques de neutralité carbone de 24 entreprises internationales – dont Carrefour, Apple ou encore H&M –. Surprise, si beaucoup d’entre elles aiment se présenter comme des précurseurs sur le plan environnemental, pour ainsi dire aucune n’est à la hauteur de la tâche. How dare you.

Au sens propre comme au figuré, le garde-fou représente toujours l’idée d’une barrière nous protégeant de la chute. Il est aussi celui qui nous empêche de commettre des folies ou des erreurs. Un dispositif permettant d’éviter les abus, les exagérations. Il est ce qui garde la folie. En écologie, sa meilleure incarnation s’appelle Carbon Watch Market et Dieu – en l’occurrence René Dumont – sait que l’ONG tient son rôle à coeur. En octobre dernier, nous avions déjà évoqué une de ses études qui venait épingler les crédits carbone des grandes compagnies aériennes.

Pour la faire courte, les compagnies doivent désormais compenser les émissions de gaz à effet de serre de leurs vols intérieurs en finançant des projets tiers pour empêcher qu’un volume de CO2 équivalent aux émissions par passager n’atteigne l’atmosphère. Carbon Watch Market était intervenue pour nous montrer que ces projets, généralement de piètre qualité, ne parvenaient pas à compenser réellement leurs émissions… pire, ils retardent la transition énergétique et technologique vers des vols plus propres. Merci le garde-fou.

 

Your watch is not over

Cette semaine, l’ONG créée outre-Rhin en 2015 revient avec une nouvelle enquête qui fait déjà parler d’elle. Ses cibles ? Tout simplement 24 des groupes les plus riches du monde. Cette nouvelle édition du CCRMCorporate Climate Responsability Monitor –, publiée aux côtés du think tank allemand New climate institute, nous révèle que malgré leurs belles promesses de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, aucune d’entre elles n’est réellement alignée sur les objectifs de l’Accord de Paris. Rappelons qu’elles représentent à elles seules 4 % des émissions mondiales et 3 200 milliards de dollars. Avant de rentrer dans les faits, présentons nos candidats du jour :  dans l’ordre mais non de manière exhaustive, Amazon, American Airlines, Apple, Carrefour, Google, H&M, Inditex, JBS, Mercedes-Benz Group, Microsoft, Nestlé, PepsiCo, Samsung Electronics ou encore Walmart.

 

 

« Les engagements des grandes entreprises analysées en matière de climat sont inférieurs de moitié à ce qu’il faudrait faire d’ici à 2030 pour rester dans les clous de l’Accord de Paris », estiment les auteurs du rapport. « Les engagements à long terme de neutralité carbone des entreprises servent à détourner l’attention du besoin urgent de réduire les émissions au cours de cette décennie ».

Dès lors, pourquoi, dans le détail, leurs plans de neutralité carbone ne sont-ils pas réalistes. Chacune des entreprises se voit attribuer un score selon des critères d’intégrité et de transparence concernant ses engagements climatiques à court et long terme soit,  la réduction prévue des émissions de gaz à effet de serre, le périmètre couvert ou encore le recours à la compensation carbone. Spoiler : aucune entreprise n’obtient la note la plus haute « d’intégrité élevée » et seulement une – le géant de transport maritime Maersk – se voit remettre la mention « intégrité raisonnable ».

 

Encore eux…

« La moitié des entreprises que nous avons évaluées font des revendications de neutralité carbone aujourd’hui une priorité, mais ces dernières ne couvrent que 3 % de leurs émissions, en moyenne », précisent les auteurs. Un coup d’épée dans l’eau. Pire, ces derniers stipulent que seulement cinq parmi les entreprises observées sur 24, s’engagent sérieusement vers une neutralité carbone. Les autres ne s’embarrassent d’aucun plan pour démontrer comment elles comptent y accéder. Un objectif qui demande pourtant énormément de préparation pour repenser ses process de production et/ou de distribution. Carrefour, par exemple, qui était déjà dans le viseur du rapport l’année dernière, ne semble toujours pas décidée à rectifier le tir. À l’heure actuelle, les engagements de neutralité carbone des 24 entreprises analysées ne conduiraient qu’à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 36 % d’ici 2050.

 

 

Pire encore « les trois quarts des entreprises prévoient de compenser ou de neutraliser une partie importante de leurs émissions à l’aide de crédits carbone provenant de projets forestiers et autres utilisations des terres ». Vous connaissez maintenant la réelle valeur d’une telle promesse. Comme le rappellent – une nouvelle fois – les auteurs, en misant sur ces fameux crédits compensatoires, les entreprises dans l’œil du cyclone laissent penser qu’elles prennent « des mesures sérieuses pour lutter contre la crise climatique alors qu’en réalité, elles balayent le problème sous le tapis et laissent aux autres et aux générations futures le soin de nettoyer leur gâchis », se désole Gilles Dufrasne, responsable des marchés mondiaux du carbone chez Carbon Market Watch.

 

Quelques bonnes nouvelles au moins ?

Les auteurs de l’étude précisent tout de même que certaines commencent, enfin, à réagir. Microsoft et Google, par exemple, assurent qu’ils fonctionneront bientôt 100% à l’énergie renouvelable et qu’ils n’en rachèteront plus uniquement pour compenser leur demande. L’allemand DHL, quant à lui, investit massivement dans l’électrification de sa flotte et l’intensification de la production de carburants à faible teneur en carbone pour le transport routier, maritime et aérien. Pour finir, et plus surprenant vu son passif , Walmart semble être la seule entreprise à ne pas faire appel à la compensation carbone pour atteindre ses objectifs, bien que ceux-ci ne couvrent qu’une petite part de ses émissions. On se rassure comme on peut.

 

 

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