INfluencia : Parmi vos dernières actualités, la réalisation de l’habillage de T18 (CMI France), la nouvelle chaîne de la TNT lancée le 6 juin dernier, qui illustre votre expertise. Pourriez-vous nous présenter Gédéon ?
Emmanuelle Lacaze : En effet, Étienne Robial a créé l’identité graphique et visuelle de T18 à partir de laquelle nous avons conçu l’ensemble de l’habillage. Ensemble, nous avons voulu créer une identité vivante, qui reflète l’ambition éditoriale de la chaîne, donner à voir, à comprendre et à débattre. Ce projet incarne véritablement notre savoir-faire sur l’identité visuelle animée. En effet, notre spécialité est de concevoir des identités et des outils de communication en mouvement, car pensé pour les écrans. Une expertise héritée de notre spécialité d’habilleur de chaînes. Nous avons travaillé et nous travaillons pour toutes les chaînes du paysage audiovisuel français. Car, Gédéon est au départ une agence indépendante de design spécialisée média intervenant majoritairement pour les chaînes de télévision. Nous sommes à la fois une agence de branding, une agence de communication 360° et une société de production. 80% de nos clients sont aujourd’hui des médias et 20% du hors média comme la régie RTL AdAlliance, ADP ou les JO de Paris 2024. Nous nous développons aujourd’hui sur ces marques hors média, c’est un des axes forts de notre développement.
Nous avons travaillé avec Thomas Jolly sur l’animation en vidéo du sol d’une barge, synchronisée avec les mouvements des soixante danseurs, un des tableaux de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Ce dispositif a été un défi à la fois créatif et technologique pour synchroniser les images sans répétition, 14 minutes de vidéo sur 30 mètres.
IN. : Vous évoquez les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, un nouveau périmètre pour votre agence ? Sur quels projets êtes-vous intervenu ? Quelle a été votre valeur ajoutée ?
E.L : Les JOP sont venus nous chercher pour notre savoir-faire en identité visuelle animée. Cela a débuté par un premier appel d’offres sur l’emblème des Jeux auquel nous avions répondu avec Havas Sports et l’agence W malheureusement, nous n’avons pas été retenus. Par la suite, nous avons été contactés par Havas Sports (en contrat avec Paris 2024) pour travailler sur la révélation de l’emblème, et produire tous les assets vidéo pour le reveal au grand public et à la presse. C’est un travail qui a démarré cinq ans avant les Jeux. Ensuite, nous avons remporté plusieurs appels d’offres du Cojo sur plusieurs projets variés, comme l’animation c’est-à-dire l’identité visuelle des Jeux imaginée par Paris 2024 et l’agence W que vous avez pu voir sur les écrans dans les stades, sur les réseaux sociaux… Ensuite, nous avons réalisé la présentation des athlètes dans les stades en motion design, et de nombreux films mettant en scène la mascotte comme celui de sa révélation, la campagne des écogestes et celle du recrutement des volontaires. Nous avons également conçu et produit de nombreux films portant par exemple sur les nouveaux sports, le relais de la flamme, l’Équipe de France… Enfin, deux mois avant l’ouverture des Jeux, nous avons remporté un nouvel appel d’offres du Cojo, celui de la cérémonie d’ouverture. Sept semaines avant le Jour J, nous avons travaillé avec Thomas Jolly sur le film diffusé lors du passage de la cavalière sur la Seine, des trompe-l’œil en vidéo sur la Conciergerie, l’habillage de la cérémonie et l’animation en vidéo du sol d’une barge, synchronisée avec les mouvements des soixante danseurs, un des tableaux de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Ce dispositif a été un défi à la fois créatif et technologique pour synchroniser les images sans répétition, 14 minutes de vidéo sur 30 mètres. Nous avons développé des solutions spécifiques à cette cérémonie. L’événement allait être vu par des milliards de personnes à travers le monde, nous n’avions pas le droit à l’erreur, la pression était extrêmement forte.
Les marques dialoguent directement avec leurs publics et via des écrans qui demandent une identité et des éléments en mouvement, nous pouvons leur apporter ce savoir-faire.
IN. : Cette expérience avec une visibilité internationale vous a-t-elle apporté de la notoriété auprès de nouvelles marques hors média ?
E.L : C’est difficile à dire, en revanche le lendemain de la cérémonie d’ouverture des Jeux tous nos clients étrangers nous ont écrit pour nous féliciter et nous dire combien ils avaient été bluffés par le travail de Paris 2024. Le monde des médias n’est pas le même que celui des marques hors média, les univers sont segmentés. En France, les agences travaillent beaucoup en silo. Nous sommes très connus dans notre secteur, mais j’espère que cette expérience avec Paris 2024 sera un marchepied pour aller vers d’autres marques, c’est notre gros challenge. Aujourd’hui, les marques sont devenues des médias via les réseaux sociaux et leur site Internet, elles dialoguent directement avec leurs publics et via des écrans qui demandent une identité et des éléments en mouvement, nous pouvons leur apporter ce savoir-faire.
Un logo doit avoir du sens, il est conçu en fonction de ce que la marque veut raconter. Nos talents y mettent la dimension du mouvement, un mouvement qui donne un sens supplémentaire.
IN. : Vous parlez d’identité en mouvement, de quoi s’agit-il précisément ?
E.L : Nous travaillons pour des écrans et donc avec des images et des signes visuels en mouvement. Depuis nos débuts en 1985, nos créatifs pensent la conception d’un logo avec l’idée du mouvement -sans parler de toute la grammaire graphique d’une marque, ses formes, ses couleurs, sa typographie-. Un logo doit avoir du sens, il est conçu en fonction de ce que la marque veut raconter. Nos talents y mettent la dimension du mouvement, un mouvement qui donne un sens supplémentaire. Un exemple, nous avons réalisé le logo de la marque flamande Play, c’était un de nos plus gros projets depuis quatre ans, nous avons donné une forme au P qui en tournant exprime trois valeurs de la marque : la lettre P, initiale du nom, un signe Play pour sa dimension servicielle et un cœur pour la dimension émotionnelle et son lien fort avec son public. Grâce à cette dimension du mouvement, nous racontons une marque avec tout son ADN.
IN. : Où en sont les marques sur cette notion d’identité visuelle en mouvement ?
E. L : Les marques font bouger leur identité visuelle depuis qu’elles s’expriment en vidéo mais elles ne le font pas nécessairement en y mettant énormément de sens, même si certaines le font extrêmement bien, notamment les marques anglo-saxonnes et quelques marques en France. Néanmoins, la prise de conscience de la part des agences de design et des annonceurs devient plus forte et plus importante depuis une dizaine d’années. Mais penser dès le départ une identité en mouvement, beaucoup d’agences en parlent sans vraiment savoir le faire. Et l’apprentissage du « motion » (mouvement) n’est pas intégrée de manière massive dans les écoles d’art et de design.
Notre valeur ajoutée : la créativité liée à notre héritage de la télévision, notre histoire et la formation de nos talents (…) et le développement d’outils spécifiques pour les marques.
IN. : Quelle est la valeur ajoutée de Gédéon aujourd’hui ?
E. L : En premier lieu, la créativité liée à notre héritage de la télévision, notre histoire et la formation de nos talents. Mais aussi et surtout, notre ultra-expertise est en phase avec les besoins actuels du marché où les marques communiquent sur des écrans de téléphone mobile, d’ordinateur ou des affiches animées et donc en vidéo avec des images et des signes visuels en mouvement. Elle nous offre une longueur d’avance sur le marché du branding et du design. Ensuite, nous créons des outils spécifiques pour les marques afin qu’elles puissent utiliser nos chartes graphiques de manière automatisées et simplifiées pour habiller leurs contenus sur leur plateforme ou leurs réseaux sociaux. C’est un savoir-faire unique.
IN. : On imagine que, aussi bien dans la création que la conception d’outils spécifiques, vous utilisez l’IA depuis un moment ?
E.L : En effet, ça fait longtemps que l’IA est dans nos métiers. Nos logiciels et les kits automatisés que nous livrons intègrent de l’IA. Ce qui a vraiment beaucoup changé aujourd’hui c’est l’image générative que ce soit ChatGPT ou la production d’images. Nous nous intéressons à tout ce qui se fait et testons des choses. Il y a beaucoup de débats autour de ce sujet avec les mêmes peurs et les mêmes espoirs qu’il y a 25 ans avec l’arrivée d’Internet. La grosse différence avec l’IA générative c’est la rapidité, elle apprend et progresse extrêmement vite. Je ne crois pas pour l’instant qu’elle peut reproduire l’émotion et la création. Je vois bien la différence entre un travail de création fait en mettant autour de la table trois générations 25-35-40 ans et un travail généré avec l’IA. Le projet qui gagne est celui pensé par des êtres humains. On peut se servir de l’IA dans notre process de création mais il faut savoir la maîtriser.
IN. : Quels sont les challenges de l’agence pour demain ?
E.L : Nous voulons élargir notre périmètre à d’autres types de clients, nous pensons avoir un savoir-faire et une spécificité en phase avec les besoins du marché et nous développer à l’international. Aujourd’hui, l’international représente entre 30% et 50% de notre chiffre d’affaires sur le marché européen en Belgique, en Espagne, et nous venons de remporter un projet au Luxembourg. Nous avons la volonté de grandir, notamment de faire monter nos équipes, mais de manière intelligente, sans perdre notre âme pour garder notre culture d’entreprise.
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En bref :
Une trentaine de chaînes sont actuellement habillées par Gédéon dans le monde.
Ces cinq dernières années, Gédéon a remporté plus de 140 nominations et awards dans les plus prestigieux festivals de design et de direction artistique en France (Grand Prix stratégies du design, Grand prix stratégies de l’innovation, Club des DA, Grand prix des médias CB news, Top comm, Paris Design week) et dans le monde (German design Awards, Communicator Awards, Red Dot Awards, Eyes & Ears, Clio Entertainment, EBU Connect, NY festival, Promax BDA / Gema Europe et Global).
Désormais, ces récompenses concernent aussi des projets de design réalisés pour des clients hors médias comme Paris 2024 ou la régie publicitaire européenne RTL Ad Alliance.