Pourquoi les Cannes Lions ne sont plus tout à fait la fête de la créativité

Une première donc avec ce Grand Prix Titanium décerné à la campagne Axa Three Words. Un projet fort qui a consisté à ajouter dans les contrats d’assurance d’Axa une clause garantissant aux femmes victimes de violences conjugales un relogement d’urgence d’une durée d’une semaine. Une transformation d’envergure pour la Compagnie d’assurances, qui innove constamment en matière de protection. Mais interrogeons-nous. Cette démarche est celle d’une entreprise qui travaille sur des sujets engagés. Axa n’aurait-elle pas mérité à elle seule d’être annonceur de l’année ?

Un Grand Prix pour Paname 24, récompensée pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Ici aussi, la question se pose : quelle est la place dans un concours publicitaire, pour une association entre agences événementielles (Auditoire, Havas Events, Ubi Bene, Obo et Double 2), chargée de la production exécutive de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 ? De fait, si cette cérémonie contribue à porter haut le savoir-faire français, elle n’en est pas pour autant une grande publicité au sens premier de la manifestation cannoise qui fête sa 71^ème édition.

McCann France, dotée d’un grand prix, elle aussi pour son documentaire dédié à Ilon Specht, créatrice du slogan emblématique de la marque L’Oréal« Parce que je le vaux bien » n’aurait-elle pas été plus convaincante en remportant un prix spécial de pérénité ?

Enfin Havas Play, se distingue pour son partenariat entre LVMH et les Jeux olympiques de Paris 2024. Soit. « Les Cannes Lions sortent de leur rôle de la fête de la créativité, de la communication, pour devenir promoteur d’événements qui semblent hésiter entre rayonnement international, et l’avénement de la France », explique un habitué des Cannes Lions. Et l’on ne peut s’empêcher d’évoquer le changement de propriétaire intervenu l’an dernier. Le groupe britannique Informa, déjà propriétaire sur la Côte d’Azur du Monaco Yacht Show, a peut-être une toute autre idée de ce qu’est la création publicitaire…

« Cette évolution n’est pas nouvelle, affirme Mathieu Elkaïm, directeur de la création et coprésident de l’agence Ogilvy Paris, qui se réjouit de cette visibilité française, néanmoins, ce dernier relève de grandes incohérences, « voir DDB Paris remporter de l’or pour un post McDo devenu viral, (2,3 milliards d’impressions), me paraît relever de la catégorie « buzz de l’année par exemple », ironise-t-il, « il n’est pas raisonnable de placer sur un pied d’égalité des campagnes construites sur le long terme, le travail réalisé pour Publicis sur Renault par exemple, avec un coup de com ».

« Il n’y a pas si longtemps les Cannes lions étaient un événement où les créatifs d’agence étaient les sachants qui jugeaient de la production mondiale, aujourd’hui ce n’est plus le cas, explique David Leclabart, président d’AustralieGad. Les annonceurs font contrepoids et cela se voit, « Sans oublier comme le rappelle Dimitri Guerassimov, DC de VML&R, dans La Réclame, « par le passé, une campagne ne pouvait pas remporter 10 ou 20 Lions à travers toutes les catégories, avec une surpondération pour une campagne ou une agence ». Si bien que « les Cannes Lions semblent ne plus savoir où caser toutes ces campagnes qui n’en sont, plus forcément », commente un fidèle de Cannes.

D’un autre côté, l’édition 2025 des Cannes Lions confirme une tendance de fond : la créativité n’est plus seulement un vecteur d’image ou d’émotion, elle devient un outil de transformation culturelle, sociale, voire politique et activiste. Les terme de Game Changer est sur toutes les langues.

Au final, cette 71ᵉ édition aura finalement été assez convenue, et pour tout dire sans étoiles dans les yeux. Pas de grande annonce, même la présence d’Elon Musk pour une conférence de 45 min avec Mark Read (WPP) tombe mal au cœur d’une actualité dont il n’est plus le centre névralgique. Lors de la cérémonie, pas d’émotion, et même si les lauréats sont heureux de monter sur scène pour recevoir leur sculpture, ils ne semblent pas surpris, le secret des Gold et des Grands Prix ayant fuité bien avant l’arrivée du speaker vedette de la soirée Juan Señor. En effet, dès le jeudi, les jeux semblaient faits, et le Grand Prix décerné à une certaine agence française déjà sur toutes les lèvres. Seule (mauvaise) surprise ? DDB Paris qui grâce à un post McDo (lire plus haut) obtient un Gold comme un pétard mouillé.

Quoi qu’il en soit, et après un palmarès 2024 remarquable, Publicis Groupe continue de trôner avec 63 % des Lions français cette année, dont 37% qui tombent dans l’escarcelle de Publicis Conseil. « À la direction de la communication de l’agence, on rend à Marco Venturelli ce qui lui revient, un art de la gagne et du réseautage. Le président en charge de la création de Publicis préparerait les Cannes Lions cette édition à peine achevée et travaillerait jusqu’à 25 fois les cases des campagnes soumises au Festival. Un art du storytelling dans lequel brillent les Américains et qui jouerait beaucoup dans les résultats, comme le souligne la neswletter E.Marketing. Mais pas seulement, la créativité s’observe aussi dans l’art de “peser” dans les jurys, comme l’explique un créatif, via des groupes WhatsApp, par réseau ou par pays où l’on joue de son influence et du sentiment d’appartenance de chacun. Un jeu auquel les nord et sud-américains étaient passés maîtres par le passé…

Reste, le retour aux Cannes Lions des agences indépendantes, ou hot Shops qui tentent leur chance avec raison. La preuve, Josiane qui avec sa campagne « L’anniversaire de trop » remporte un Lion d’Or parfaitement mérité… Laurent Allias, patron de l’agence très chaton, en parle à Influencia dans une interview ci-jointe !