17 juin 2025

Temps de lecture : 3 min

Du Losange au Luxe : le transfert inattendu de Luca de Meo

Personne ne l’avait vu venir : le patron de Renault, artisan du redressement du groupe via la "Renaulution", rejoint l’empire du luxe Kering. Un transfert inattendu qui fait chuter Renault en Bourse… et bondir Kering.
LUXE

La surprise est totale. Aucun analyste financier, pas un salarié ou journaliste spécialisé n’avait prédit cette nouvelle. Alors que ses Alpines tournaient en boucle sur le circuit de Formule 1 de Montréal, le groupe Renault a annoncé, dimanche, le départ de son directeur général Luca de Meo. Personne mais alors vraiment personne ne s’y attendait. Il suffit de lire la presse hier et de regarder le CAC 40 pour en prendre conscience. « Départ surprise » pour le HuffPost, « démissionnaire surprise » pour Le Monde, « séisme » pour Le Point, cette démission laisse « Renault au milieu du gué », selon Les Echos. Derrière ce mercato se cache un transfert plutôt étonnant.

Les investisseurs s’emballent

Après toute une carrière dans l’automobile, le dirigeant milanais, qui a étudié à la prestigieuse université de Bocconi, a choisi à 58 ans de rejoindre le monde du luxe en prenant la commandes de Kering. François-Henri Pinault, l’actuel PDG de cet empire, qui possède notamment Gucci, Saint Laurent, Bottega Veneta, Balenciaga, McQueen, Brioni et Boucheron, avait récemment déclaré qu’il travaillait « à la dissociation des fonctions de président et de directeur général de son groupe ». Il a tenu parole même s’il n’a toujours pas confirmé l’arrivée de Luca de Meo. Personne toutefois n’est dupe. 

À la Bourse de Paris, le titre qui a enregistré la plus forte hausse hier (près de 10% durant la séance) était… Kering alors que celui qui dégringolait le plus (près de 7%) était, vous l’aurez deviné… Renault. Étonnant ? Pas vraiment. 

Lorsqu’il est arrivé à la tête de la firme au losange en 2020, le constructeur venait d’afficher « une perte abyssale de 8 milliards d’euros », pour reprendre les termes de son Chief Marketing Officer qui a récemment répondu à nos questions.

Une remise à plat complète

« Cette situation était liée au fait que la marque avait privilégié pendant des années les volumes plutôt que la valeur, analyse Arnaud Belloni. Or tout le monde sait que les remises tarifaires détruisent la valeur d’une entreprise et sont des ennemies de la création. L’image de Renault était donc très écornée. Notre première décision a été de passer d’une stratégie de volume à une stratégie de valeur car quand la valeur se développe, les volumes finissent à terme par repartir à la hausse. Il nous a fallu, pour cela, changer en très peu de temps le visage de Renault. » La formation d’une direction marketing Monde de 50 personnes et la création de films publicitaires chocs, qui ont reçu ces quatre dernières années plus de 350 prix publicitaires dans le monde entier, ont aidé à redorer l’image de marque du groupe. Le lancement réussi de nouveaux modèles a également été clé. Cette année, la Renault 5 E-Tech electric et l’Alpine A290 ont ainsi remporté en duo le prestigieux titre de voiture de l’année 2025, décerné par le jury européen « The Car of the Year». Douze mois plus tôt, la Scénic E-Tech electric avait gagné le même prix. Pour mémoire, le constructeur n’a eu, à ce jour, que huit de ses véhicules primés. Les conséquences de ces innovations n’ont pas été longues à se faire sentir.

Des ventes en hausse

L’an dernier, Renault Group a vu ses ventes progresser de 1,3%, à 2,26 millions de véhicules (+1,3 % vs 2023) dans le monde. Ses marques automobiles, Renault (+1,8%), Dacia (+2,7%) et Alpine (+5,9%) ont fait encore mieux. Au premier trimestre 2025, ses ventes étaient en hausse de 2,9% en un an. Une grande partie de cette performance est liée à la stratégie de Luca de Meo baptisée « Renaulution ». Le patron s’apprêtait d’ailleurs à annoncer son programme pour les prochaines années qu’il avait appelé « Futurama ».

Un nouveau départ

Son arrivée aux commandes de Kering n’a pas uniquement été saluée par les investisseurs. Olivier Billon, le CEO d’Ykone, a trouvé cette idée « géniale ». « Un choix audacieux. Une belle surprise. Une excellente nouvelle pour les actionnaires et les clients. Je vais acheter des titres Kering demain matin », commentait à chaud le dynamique patron de l’agence de marketing d’influence sur son compte LinkedIn. Le directeur général du Journal du Luxe et cofondateur de Paris School of Luxury Éric Briones détaillait, lui, les cinq raisons stratégiques positives derrière cette nomination. Voir Kering assumer son identité italienne et nommer à sa tête un « sauveteur du désir (avec) un vrai regard produit (…) qui parle clair » lui donnait notamment des raisons d’espérer. Certaines surprises sont meilleures que d’autres.

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