16 septembre 2025

Temps de lecture : 4 min

« Le modèle économique de la presse indépendante du XXIe siècle n’a toujours pas été trouvé » Jérôme Ripoull  (Comfluence) 

Baromètre Comfluence 2025 : défiance envers les médias, crise économique... Jérôme Ripoull, le co-fondateur de Comfluence, et Charles Collet, le directeur du pôle RP de l’agence nous expliquent les défis immenses que doivent relever les médias traditionnels.
MEDIA

Pour sa cinquième édition, le Baromètre Comfluence 2025, qui compile les réponses de 107 journalistes issus de divers médias (presse écrite, TV, radio, web, agences de presse) et l’analyse de dix entretiens qualitatifs, confirme la grave crise de confiance que traverse la presse depuis plusieurs années. Pour faire simple, personne ne croit personne.

Les citoyens se méfient des médias dits « traditionnels », les journalistes ne croient plus en la parole des entreprises et trouvent les attachés de presse incompétents et ils s’inquiètent de plus en plus de l’avenir de leur métier…

Jérôme Ripoull, le co-fondateur de Comfluence, et Charles Collet, le directeur du pôle RP de l’agence, nous expliquent les résultats de leur étude.

INfluencia : Pourquoi avez-vous choisi de publier un baromètre annuel pour étudier l’état d’esprit des journalistes français ?

Jérôme Ripoull : J’ai commencé ma carrière comme journaliste à Midi Libre avant d’entrer en politique notamment en tant qu’attaché parlementaire. Cette expérience m’a permis de comprendre que l’influence politique consiste notamment à diffuser ses messages dans les médias qui s’adressent à la société et cela passe par les relations presse.

Notre étude annuelle permet d’analyser l’état d’esprit des journalistes et de connaître leurs besoins et leurs attentes, car il ne faut pas oublier que ces professionnels peuvent être des auxiliaires de la démocratie.

IN : Les conclusions de votre baromètre ont-elles beaucoup évolué ces cinq dernières années ?

Charles Collet : Nous avons décidé de faire cette étude durant le Covid car cette période était très incertaine. Au fil des années, nous voyons certaines lignes de fond se confirmer et des signaux faibles prendre de l’ampleur.

La première priorité des journalistes des médias traditionnels, cette année, est de retrouver la confiance des Français. 47% des professionnels interrogés nous l’ont dit alors que l’année dernière, cet enjeu n’occupait que la troisième place de notre classement.

La recherche d’un nouveau modèle économique et de financement des médias (41%) et l’indépendance du journalisme par rapport à la concentration des médias (35%) sont leurs deux autres principales priorités du moment.

Ces préoccupations font écho au dernier baromètre de Vérian et à ceux de la Fondation Jean Jaurès sur ce sujet qui confirment une généralisation chez les Français d’un sentiment de fatigue informationnelle et de défiance vis-à-vis des médias.

Mais, à part ça, madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien… 

IN : Les journalistes se pensent-ils capables de relever ces difficiles défis ?

J. R. : Oui et non. Près de la moitié des journalistes (49%) se disent plutôt confiants quant à l’avenir de leur média et sa capacité à surmonter les défis à venir.

Par contre, à peine 2% affirment être très confiants. Cette confiance qui atteint 51% a chuté de…  18% en un an. On peut donc dire que la presse traverse une crise de modèle.

IN : Cette crise encourage-t-elle de plus en plus de journalistes à changer de profession ?

C. C. : Oui et non encore une fois. 80% des journalistes se projettent aujourd’hui dans leur métier dans les prochaines années. Ce chiffre a chuté de 8 points en un an mais il reste largement supérieur aux 62% enregistrés en 2023.

Par contre, 20% des professionnels questionnés envisagent une reconversion. Ils n’étaient que 10% à le déclarer l’an dernier… Leur lassitude concernant la précarité du métier et leurs inquiétudes liées à l’avenir des médias sont de plus en plus importantes.

IN : Votre étude montre également une défiance accrue des journalistes envers les entreprises…

C. C. : C’est tout particulièrement vrai concernant les discours RSE des entreprises. 78% des journalistes déclarent ne pas avoir confiance (68%) ou ne pas du tout avoir confiance (10%) dans les communications qu’ils reçoivent.

Ils jugent les communiqués qu’on leur envoie trop aseptisés et souhaitent plus de sincérité de la part des dirigeants qui leur parlent.

IN : N’est-ce-pas le rôle des attachés de presse de mieux communiquer auprès des journalistes et de s’assurer de diffuser les bons messages, aux bonnes personnes et au bon moment ?

J. R. : Sans aucun doute mais ces missions ne semblent pas être accomplies. Plus de la moitié des sondés (53%) jugent que les propositions des attachés de presse ne correspondent pas à leurs attentes.

Ils pointent notamment du doigt le mauvais ciblage des communiqués, le manque de prise d’informations auprès des journalistes et l’incapacité à s’inscrire dans l’actualité.

A peine 1% des personnes interrogées se disent totalement satisfaits du travail des attachés de presse et 71% jugent que seulement un quart des communiqués reçus sont pertinents.

IN : Les attachés de presse feraient-ils donc mal leur travail ?

J. R. : 90% des attachés de presse subissent la pression de leurs clients et diffusent les communiqués qu’on leur demande d’envoyer.

Etablir des relations de confiance avec les journalistes exige une connaissance des méthodes de travail de média. Cela demande aussi du temps et les attachés de presse en ont de moins en moins car les budgets liés à la communication ne cessent de se réduire.

IN : Comment expliquez-vous la défiance accrue des citoyens vis-à-vis des médias ? 

J. R. : La concentration des médias, la prise de contrôle de nombreux titres par des milliardaires, le journalisme de commentaire qui remplace le journalisme d’investigation… 

Tous ces éléments ont créé une véritable crise de confiance contre la profession de journaliste.

IN : Cette défiance est-elle appelée à durer ? Quelles pourraient être les conclusions de votre baromètre dans trois ans ?

C. C. : Les constats resteront les mêmes, je pense. Il pourrait y avoir des changements si les entreprises arrivent à faire évoluer leur logiciel de communication.

J. R. : Dans trois ans, le nombre de rédactions aura encore diminué, les médias iront moins bien et l’IA fera une partie du travail des journalistes

Le modèle économique de la presse indépendante du XXIème siècle n’a toujours pas été trouvé. Tant que cela sera le cas, les médias n’inverseront pas les tendances actuelles.

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