23 janvier 2023

Temps de lecture : 5 min

Olivier Nusse (Président Universal Music France): « Nous sommes leader dans le développement des femmes artistes sur le marché français »

Directeur général de Mercury Music Group (2009-2016) et d’Universal Classic & Jazz (2014-2016), Olivier Nusse est depuis 2016 à la tête d’Universal Music France. 7 ans qu’il a mis à profit pour développer et lancer des artistes féminines au sein de la première major française, dans un monde à la teinte très masculine. Interview réalisée à l’occasion du Midem+ qui s’achevait ce samedi.

Lorsque je suis arrivé il y a sept ans à la tête d’Universal Music France, la première chose que j’ai faite a été de nommer Natacha Krantz à la tête d’un de nos gros labels qui était Mercury à l’époque…

INfluencia: depuis que vous êtes à la tête d’Universal Music France, on vous doit d’avoir signé et co-construit les carrières de Clara Luciani, Juliette Armanet, Angèle, Louane, November Ultra ou Pomme. Diriez-vous que c’est de votre fait, que les femmes deviennent enfin « intéressantes » ou que la société a muté ?

Olivier Nusse : je pense effectivement que c’est un mélange des deux. Nous sommes très sensibilisés par les problématiques d’équilibre hommes-femmes, bien plus que par le passé. Lorsque je suis arrivé il y a sept ans, la première chose que j’ai faite a été de nommer Natacha Krantz à la tête d’un de nos gros labels qui était Mercury à l’époque. C’est la première fois qu’une femme prenait la tête d’un label chez Universal Music France. Donc, oui nous avons un rôle important dans la féminisation de ces métiers, et à cœur de faire grandir plus de femmes au sein des labels à tous les postes*, qu’il s’agisse des métiers du marketing, de la direction artistique, du commercial, du digital… Aujourd’hui notre service de Stratégie digitale est très féminin et dans tous types de responsabilités.

Parallèlement à cette volonté, ne me demandez pas pourquoi, il y a plus de femmes au juridique et aux PR, cela doit être historique, et c’est le cas dans beaucoup d’entreprises…

dans le top 200 des meilleures ventes d’albums sur toute l’année 2022, il y a 28 artistes féminines, 16 « locales » produites en France, dont 9 chez Universal, les 12 autres sont internationales.

IN. : diriez-vous que vous êtes personnellement plus en phase avec ces jeunes femmes qui ont des messages féministes à faire passer ? Dans un milieu, ce business, qui était très déséquilibré entre femmes et hommes ?

O.N. : 17% d’autrices compositrices sont inscrites à la Sacem, ce n’est pas beaucoup mais elles sont très brillantes. Il y a aussi quelques artistes qui sont uniquement interprètes. Parmi les jeunes artistes actuels, on a regardé de manière plus précise quelle était la répartition hommes-femmes, et où Universal France en était. On est clairement très investis et leader sur le développement des femmes sur le marché francais. En effet, dans le top 200 des meilleures ventes d’albums sur toute l’année 2022, il y a 28 artistes féminines, 16 « locales » produites en France, dont 9 chez Universal, les 12 autres sont internationales.

dans le top 200 des meilleures ventes d’albums sur toute l’année 2022, il y a 30 artistes féminines, 14 « locales » produites en France, dont 10 chez Universal, les autres sont internationales.

IN. : pourtant, vous le dites aussi,  les hommes continuent à sortir gagnants en termes de business?

O.N. : c’est exact, les albums d’artistes locaux (français) qui ont le plus marché sur l’année 2022, sont ceux interprétés par des hommes. Le top 200 des meilleures ventes d’albums, est composé de 85% d’artistes masculins. La place des artistes féminines progresse mais c’est lent. Aujourd’hui la musique urbaine est prépondérante et en grande partie masculine. La consommation de la musique se fait essentiellement sur les plateformes de streaming. Il y a quelques années seule Diams avait émergé en France. Un cas unique. Universal Music France soutient ses artistes féminines avec beaucoup de ferveur et elles sont aujourd’hui incontournables, reconnues et reçoivent de nombreux prix musicaux. Louane, Pomme, Clara Luciani, Juliette Armanet, Angèle…Artistes de pop, de chansons à texte, elles ont leur propre style des singularités diverses, des talents pluriels et des sensibilités particulières.

Nous on est là pour les découvrir, les accompagner, les porter au plus haut avec leur vision artistique.

Ces artistes ont des publics très engagés et fidèles. La société est en pleine transformation, on casse les stéréotypes, les idées reçues intimement, socialement, politiquement.

IN. : comment expliquez-vous que vos concurrents ne « révèlent pas » plus d’artistes femmes ?

O.N. : je ne sais pas. Il y a eu principalement Aya Nakamura et Hoshi.  En tous cas, je peux vous dire, que chez Universal on continue de se battre pour tous les styles.

IN. : vous dites que les artistes féminines que vous représentez sont très engagées…

O.N. : oui, sur le respect et le droit des femmes. Angèle avec « Balance ton quoi », Clara Luciani, avec « La grenade », Pomme, cela va sans dire. Et nous sommes fiers de produire des talents féminins qui portent des messages forts.

IN. : quels autres messages par exemple ?

O.N. : Pomme a demandé depuis le début à ce que tous les produits dérivés liés à son image, soient recyclés…, fabriqués en France… La seconde main leur tient aussi à cœur. Les artistes incarnent souvent une démarche éco-responsable…

IN. : dénicher de nouveaux talents, est-ce différent aujourd’hui ?

O.N. : tout est possible. On est dans un métier de haute couture, il n’y a pas de formule, chaque histoire est unique, chacun l’incarne d’une manière différente. Chez Universal, nous menons de front le développement de 250 à 300 artistes. Chacune évolue à son rythme, avec ses bons et ses mauvaises surprises.

par certains aspects, notre métier ressemble à la pub. Il y a la manière de raconter une histoire, de la mettre en scène, le timing, les occasions de ponctuer des événements et de bien les choisir.

Toutes les sources donnent leurs fruits : le réseau des patrons de label, les concerts, les premières parties, les festivals, TikTok… En tout cas une chose est claire, mais c’est un autre sujet, il n’y a pas de miracle : une carrière ne se construit pas avec un extrait de titre sur une plateforme. A quoi est dû le succès ensuite ? À l’artiste bien évidemment, aux équipes qui se battent et construisent à ses côtés. Ce constat, je le fais tous les jours.

IN. : lancer une carrière, la faire grandir, est-ce plus difficile aujourd’hui ?

O.N. : par certains aspects, notre métier ressemble à la pub. Il y a la manière de raconter une histoire, de la mettre en scène, le timing, les occasions de ponctuer des événements et de bien les choisir. Nous avons des équipes créatives, faisons des analyses d’audience, nous intégrons en permanence l’arrivée des nouveaux acteurs, de nouveaux media pour les intégrer nos stratégies quand c’est pertinent. Il est important aussi de déceler les tendances. Les succès sont remplis d’humain. Cela reste extrêmement artisanal avec une grande place à l’intuition malgré tous nos outils d’analyses d’aujourd’hui.

IN. : la musique, c’est quoi aujourd’hui?

O.N. : Des croisements, des fusions… Rock, pop, ethnique, urban, electro… je ne sais pas très bien où ça s’arrête. Les gens écoutent plusieurs styles musicaux et surtout les jeunes.

 

*Midem : Les femmes connaissent la musique et aimeraient en changer !

Du 19 au 21 janvier dernier se déroulait à Cannes, Le Midem+. Parrainé par Jean-Michel Jarre, cette édition était tournée vers le Metavers… Mais pas que. Entre autres rendez-vous, une table ronde réunissait l’artiste et patronne de label China Moses, Natacha Krantz, présidente de l’association All Access musique, Neeta Ragoowansi, présidente de l’ONG Women In Music, et Alma Rota, éditrice et rédactrice en chef du pôle numérique du magazine Rolling Stone France. Conclusion : si les femmes sont surreprésentées à certains postes (attachées de presse, communication, marketing, services juridiques), « elles demeurent encore très rares dans les domaines techniques. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, il n’y a que 2 à 4% d’ingénieures du son. « Encore aujourd’hui, on se tourne toujours vers un homme en croyant que c’est lui le boss », plaisante à peine China Moses, chanteuse et patronne de son propre label. Pour sa part, la directrice de la communication chez Universal présentait le travail d’All Access, une structure initiée par le Snep (Syndicat national de l’édition phonographique), dont le rôle est d’accompagner cinquante jeunes femmes dans les majors et les labels indépendants chaque année.

 

 

 

En résumé

Dans la droite ligne de She is the music initié en 2018 par Alicia Keys, et sa complice, l’ingénieure du son Ann Micieli, Salomé David coordinatrice artistique au sein d’Universal Music Publishing lançait à Paris en octobre dernier un writing camp d’une semaine réunissant 50 femmes du monde entier impliquées dans la musique à tous les niveaux. Cette rencontre a permis notamment de créer des groupes de compositrices, parolières, ingénieures son, qui ont pu en studio, créer de nombreux titres. November Ultra en était la marraine. Cette dernière est par ailleurs nommée dans la catégorie révélation féminine aux Victoires de la Musique,  qui aura lieu le 10 février prochain. Alors on danse d’avance !

 

 

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