19 décembre 2025

Temps de lecture : 5 min

L’imprimé publicitaire en crise… mais toujours stratégique pour les retailers

Malgré une chute de 9,6% des recettes de l’imprimé sans adresse (ISA) sur les neuf premiers mois de 2025, les catalogues et autres prospectus restent indispensables pour les enseignes spécialisées désireuses de générer du trafic en point de vente.

Covid, hausse des prix du papier et de l’énergie, puis expérimentation Oui Pub… L’imprimé sans adresse (ISA), qu’il s’agisse du prospectus ou du catalogue, souffre depuis des années. En témoigne la baisse de 40 % des recettes publicitaires du média entre 2019 et 2024.

Une dynamique qui ne s’inversera sans doute pas en 2025, malgré la fin de l’inflation et de Oui Pub : sur les neuf premiers mois de l’année, les recettes de l’ISA diminuent de 9,6 %, à 239 millions d’euros.

Cela malgré la digitalisation du format, dont les recettes augmentent de 11,6 %, à 56 millions d’euros.

Dès lors, on peut se demander comment évolue le mix média des retailers en cette période de fêtes de fin d’année, moment clé pour l’utilisation du média. L’occasion de découvrir que, malgré cette dynamique de baisse globale, la situation est bien plus contrastée selon le type d’enseigne.

Les catalogues et prospectus restent essentiels pour générer du trafic dans les magasins spécialisés

« La baisse est surtout imputable aux enseignes de la grande distribution alimentaire. Pendant les fêtes, elles pouvaient diffuser jusqu’à trois ou quatre catalogues par semaine, pour promouvoir les jouets ou les produits alimentaires liés aux réveillons. Désormais, elles se tournent vers la télévision ou digitalisent ces catalogues », indique Arnaud Dubin, directeur marketing et commercial associé de Pub Audit, centrale d’achat spécialisée dans le géomarketing.

Si des mastodontes comme Carrefour ou E.Leclerc ont théoriquement stoppé la diffusion du catalogue dans les boîtes aux lettres, ce n’est pas le cas des plus petits réseaux d’enseignes spécialisées, qui restent fortement dépendants du média imprimé pour générer du trafic en point de vente, selon Arnaud Dubin.

Un constat partagé par Saïd Belaggoune, directeur général adjoint Commerce de Mediaposte : « Les Français voient leur pouvoir d’achat baisser. Le panier moyen diminue, ce qui augmente la fréquence de visite des grandes surfaces alimentaires. Ces dernières désinvestissent l’imprimé publicitaire pour proposer des prix plus bas. » Des pratiques un temps partagées par des grandes surfaces spécialisées dans le bricolage ou l’ameublement, qui reviennent néanmoins aujourd’hui au print afin de travailler leur image prix dans des zones de chalandise très concurrentielles. « L’imprimé publicitaire est le média du pouvoir d’achat », tranche le DGA.

Ils sont rejoints par Laurent Landel, CEO de Bonial France : « Les GSA bénéficient d’une fréquence de visite très élevée. Les clients seront exposés à leurs offres quoi qu’il arrive, ce qui n’est pas le cas de certaines enseignes qui ne sont visitées que deux à trois fois par an… Quant aux fêtes, elles amplifient les pratiques observées tout au long de l’année. » Selon lui, une enseigne qui réalise 30 % de son chiffre d’affaires sur la période sera tentée de minimiser les risques et d’utiliser un média éprouvé comme l’ISA.

Confirmation avec Franck Mathais, porte-parole de JouéClub : « Le catalogue occupe une place essentielle dans notre mix média, a fortiori à Noël. Chaque année, 40 % de l’offre est renouvelée à cette occasion, et le catalogue est essentiel pour présenter ces nouveautés. » On a bien sûr en tête les enfants qui le découpent pour créer leur liste au Père Noël, mais le catalogue touche aussi les adultes, qui représentent 30 % de la clientèle de l’enseigne selon le responsable. Toutefois, Oui Pub a poussé JouéClub! à innover dans les zones de l’expérimentation.

« Le catalogue fait 400 pages. La digitalisation est fastidieuse et n’est pas adaptée aux enfants. Mais nous avons dû explorer des alternatives, comme envoyer des e-mails aux clients pour les prévenir de la disponibilité du catalogue en magasin. Pour la prospection, nous avons aussi noué des partenariats pour le distribuer via la presse et chez des buralistes, des restaurateurs ou des enseignes de mode pour enfants », indique Franck Mathais.

Des actions conservées par JouéClub malgré la fin de l’expérimentation, et même étendues à l’ensemble du territoire. Le but ? Mieux cibler la distribution des catalogues pour en diminuer le nombre et éviter les gaspillages. « 70 % des ventes sont physiques. L’enjeu prioritaire reste donc de créer du trafic en magasin. Le catalogue est un outil de visibilité, d’autant qu’il permet à la marque d’être présente dans le foyer pendant plusieurs semaines », rappelle Franck Mathais. Il reste donc le socle d’une stratégie d’activation plus large.

L’imprimé devient de plus en plus complémentaire du digital

« Quand on parle de digitalisation du catalogue, on veut trop opposer papier et digital, sans envisager la puissance de la combinaison des deux », prévient Lola Millet-Bourgogne, vice-présidente d’Azira, spécialiste des données géolocalisées. Elle est également membre du groupe de travail dédié à la question de la digitalisation du catalogue au sein de l’Alliance Digitale, groupe qui a publié un guide sur le sujet en septembre dernier.

« Pour la plupart des enseignes que nous avons sondées, l’enjeu est de conserver la force du papier tout en lui associant les capacités du digital, afin d’aboutir à un mix média plus efficace. On voit donc des enseignes garder une distribution en sortie de caisse, ou continuer à distribuer en boîte aux lettres en réduisant la pagination et en renvoyant vers une landing page via un QR code », explique Lola Millet-Bourgogne, vice-présidente d’Azira.

L’occasion pour Laurent Landel de rappeler qu’au moment d’arrêter son catalogue, Carrefour a sondé ses clients pour connaître leurs canaux préférés. L’enseigne a alors adressé ses catalogues à ceux qui voulaient toujours les recevoir. Un surcoût largement compensé par la digitalisation pour ceux qui préféraient recevoir des offres par SMS, WhatsApp ou autre.

Chez d’autres enseignes, le digital est aussi utilisé pour mieux caractériser les zones de chalandise, et ne distribuer le catalogue que dans les zones à fort potentiel, en réallouant les budgets économisés vers d’autres canaux. Attention toutefois à bien équilibrer son mix-média.

Avec Toluna, Pub Audit réalise en effet depuis quatre ans un baromètre analysant le rapport des Français à la publicité. En 2025, 46 % des sondés ont ainsi une opinion favorable de la publicité en boîte aux lettres, devant les médias historiques que sont la TV et la radio, mais aussi les canaux digitaux. Les pubs sur les réseaux sociaux et via SMS sont appréciées par seulement 32 et 23 % des sondés. Par ailleurs, la moitié des sondés indiquent être attentifs à la publicité reçue en boite aux lettres, contre un peu plus d’un quart pour celle reçue en ligne.

La boîte aux lettres, nouveau levier d’attention publicitaire ?

Ainsi, « la boîte aux lettres apparaît de plus en plus comme un « océan bleu », un espace où il est facile d’émerger du fait d’une pression publicitaire plus faible qu’en ligne, où certaines enseignes ne pourront pas rivaliser avec les budgets marketing des e-commerçants concurrents », estime Loïc Verley, directeur général de Pub Audit, qui fédère désormais les différents acteurs de l’écosystème au sein du Cercle d’Alliés.

« Temu consacre l’équivalent de 30 % de son chiffre d’affaires à son budget marketing, contre 2 % en moyenne pour les enseignes physiques classiques », confirme Laurent Landel, tout en relativisant : « Le digital se distingue de l’ISA, mais aussi de l’OOH et d’autres canaux historiques, car il peut être acheté à la performance. Quel que soit son budget, un annonceur peut s’y retrouver ! »

Reste que l’imprimé publicitaire offre aussi des résultats tangibles selon Mediaposte, citant une étude réalisée par Kantar auprès d’un panel de 20 000 consommateurs exposés : en moyenne, une campagne génère 9 % de trafic et de chiffre d’affaires additionnels, et jusqu’à 18 % pour certaines campagnes qui adoptent les bons formats, indique Saïd Belaggoune.

Période de fêtes oblige, il cite le calendrier de l’Avent. Un format notamment utilisé par les enseignes de restauration rapide précise Laetitia Caillaux, directrice conseil data et digital de Mediaposte : « Ces annonceurs ont effectué plus de dépôts d’imprimés publicitaires que l’an passé. Cela s’explique autant par la hausse de la concurrence sur ce secteur, qui dilue les parts de marché et entraîne une vraie guerre de la fréquentation, que par la période elle-même, assez creuse pour la restauration rapide, alors que les gens se projettent déjà dans les repas des fêtes !» Distribué en boite aux lettres sous la forme d’un jeu de grattage, un calendrier de l’Avent permet alors de mettre en avant différentes offres et jeux, tout en surprenant les consommateurs.

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