4 avril 2023

Temps de lecture : 3 min

Xavier Charpentier (Free thinking) décrypte les années 83 et 84 dans son livre Quatre saisons à l’envers.

Après avoir étudié l’année 1973, Xavier Charpentier, co-fondateur du cabinet Free Thinking se plonge, dans son nouveau livre « 1983-1984. Quatre saisons à l’envers » dans les années 1980. Des années paradoxales pendant lesquelles la France change, et découvre la rigueur : La Marche des Beurs arrive à Paris, le FN fait un score historique. Et en même temps la publicité des chaussures Éram se déchaine, les créateurs français deviennent des stars internationales et Canal + bouleverse le paysage audiovisuel…

INfluencia : pourquoi avoir choisi cette année ?

Xavier Charpentier : Parce que c’est une année charnière pour la société française, comme 1973 avec le choc pétrolier et la fin de la prospérité insouciante que j’évoquais dans L’été indien des Trente Glorieuses**. Un de ces rares moments dont on peut dire qu’ils marquent un avant et un après. Avant, l’espoir que « la crise » va être surmontée, que la gauche qui prône la rupture avec le capitalisme va tout changer, qu’on est maître, collectivement, de notre destin, qu’au fond, les choses sont encore simples. Après, la gauche qui fait tout autre chose que ce pourquoi la plupart des gens l’avaient élu, le sentiment que tout se complique et que beaucoup de choses nous échappent, l’apparition des mots « contrainte extérieure », « déficit commercial », « endettement » au JT… Et l’idée qu’il va falloir vraiment « faire avec », la crise, le chômage de masse, de nouvelles formes de pauvreté, de tensions.

Et en même temps, une vitalité incroyable, une effervescence culturelle jamais vue, les créateurs français qu’on voit imposer leur style partout, Starck, Alaïa, JP Gautier, Garouste et Bonetti… Et puis, Le Palace et la musique, la fête… Et la pub, qui participait pleinement à ce mouvement, d’ailleurs c’était amusant de voir des foules de Millennials agglutinés devant les films d’Étienne Chatiliez ou Jean-Paul Goude à l’exposition Années 80, aux Arts Déco. C’est ce contraste qui était génial à redécouvrir.

Et puis en 1983, j’étais khâgneux et j’ai la chance d’avoir eu des maîtres exceptionnels, et surtout une professeure de philosophie inoubliable. Il était temps de lui témoigner ma reconnaissance, par l’écriture.

INf. : il flotte un peu comme un parfum d’illusions perdues. Était-ce mieux avant ?

X.C. : politiquement c’est évident. Gauche, droite, c’était clair, le FN était à 11% et tout le monde trouvait ça insensé, invraisemblable, effrayant, délirant… Quand on lit la presse de l’époque le contraste avec aujourd’hui est saisissant.

Économiquement, même si Quatre saisons à l’envers est tout sauf un livre d’économie, on est bien obligé aussi de se dire que ce qui paraissait inacceptable à l’époque ne l’est plus : en 1981, pendant le débat d’entre-deux tours, F. Mitterrand accusait VGE de mener la France tout droit vers les 2 millions de chômeurs… On s’est depuis 30 ans habitué à ne jamais le voir descendre sous des niveaux très élevés, les Français voient leur pouvoir d’achat constamment sous pression. En 1983 la France avait une industrie très puissante, une dette très faible… On était très, très loin des débats d’aujourd’hui.

Mais sur le reste, la culture, la musique, les moeurs, l’information, c’est difficile de comparer les époques, et en fait ça n’a pas grand sens. L’idée n’est pas de regretter ce qui est passé et était très différent mais de voir ce qui a changé pour mieux comprendre notre époque. Quand on pense à la culture justement, ou aux médias, ou à la musique, comment comparer une époque qui découvrait le minitel avec émerveillement et une époque qui s’interroge sur ChatGPT ? Et bien sûr ça s’applique totalement à nos métiers.

INf. : s’il y avait un moment à retenir plutôt qu’un autre, quel serait-il ?

X.C. : le 22 mars à mon avis, le jour de l’allocution de F. Mitterrand qui commence le livre. Parce que c’est le jour où il annonce la fameuse « rigueur » qui marque la fin d’une époque pour la gauche et la France, et le début de la séquence dans laquelle nous sommes encore aujourd’hui, même si on ne sait pas pour combien de temps.

INf. : vous vous êtes attaqué aux années 70 et à l’été indien des trois glorieuses, puis aux années 80. Les années 90 méritent-elles un autre livre ?

X.C. : je ne sais pas si elles le méritent ! Elles me semblent nettement moins joyeuses que les années 70, et moins excitantes que les années 80.  Mais justement, elles gagnent sans doute à être connues, ou redécouvertes… Il va falloir que je réfléchisse…

 

*1983-1984. Quatre saisons à l’envers. Éditions Plein Jour, février 2023

**1973. L’été indien des Trente Glorieuses. Editions Plein Jour, 2021

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