26 avril 2016

Temps de lecture : 3 min

De l’utilité des intentions

La communication digitale s’inscrit dans un mouvement de fond où la complexité des enjeux et les répercussions de l’action imposent de se poser la question de l’utilité. Une notion qui mérite d’être reconsidérée et introduite systématiquement dans toute réflexion, voire d’en constituer le préambule.

La communication digitale s’inscrit dans un mouvement de fond où la complexité des enjeux et les répercussions de l’action imposent de se poser la question de l’utilité. Une notion qui  mérite d’être reconsidérée et introduite systématiquement dans toute réflexion, voire d’en constituer le préambule.

Nous avons, particulièrement en France, un passif assez délicat avec la notion d’utilité. On l’assimile couramment à une contingence avec laquelle il faut composer, mais sans l’inclure pour autant dans un process de réflexion et de création. Théophile Gautier le clamait haut et fort « il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien », opposant ainsi une fin de non- recevoir à toute velléité d’impliquer la notion d’utilité dans une démarche incluant, entre autre, une ambition esthétique. Or, c’est bien là que se situe l’enjeu : l’utilité ne doit plus être considérée comme un simple objectif, mais comme un véritable engagement.

Engagement d’utilité

On parle aisément d’engagement lorsqu’il s’agit de performance ou de résultat. Mais comment faire désormais l’impasse sur les conséquences de nos actions ? C’est pourtant bien là que nous sommes attendus : sur notre capacité à prendre conscience de nos responsabilités et nous engager fermement sur les tenants et les aboutissants de nos décisions.

Il est donc essentiel de bien comprendre ce qu’induit la notion d’utilité. Elle doit être entendue dans son acception la plus large et la plus impliquante. Nous devons être utile à l’entreprise en répondant à ses objectifs, mais également à l’utilisateur dans la réponse à ses attentes de plus en plus segmentées et individualisées, tout en intégrant les répercussions sociétales et environnementales de nos actes. Penser utilité induit une vision globalisante d’un projet et de ses effets individuels et collectifs.

Or, personne ne peut mesurer individuellement toutes les conséquences qui vont de pair avec une solution proposée. L’engagement utilité doit donc prendre une forme collective dans laquelle tous les intervenants d’un projet se mettront préalablement d’accord sur une vision claire des intentions pour lesquelles ils souhaitent apporter leurs compétences et leur volonté de contribution. L’utilité est donc le socle sur lequel repose toute volonté d’avancer. On peut imaginer explorer de nouvelles voies, chercher des solutions nouvelles tant que l’on ne déroge pas au cadre fixé de manière collective et en amont sur l’utilité de l’action engagée. L’utilité est une éthique. A partir du moment où elle est actée par les contributeurs d’un même projet, elle devient non négociable.

Tension des intentions

Cet engagement d’utilité, ce respect de l’intention collective ne peut être une posture de circonstance. Elle peut et doit amener à des confrontations inscrites dans le domaine du non négociable. L’actualité nous en offre un exemple flagrant, parfaite illustration de cette tension des intentions, opposant des engagements d’utilité inconciliables. On y voit le FBI sommer la firme Apple de débloquer le téléphone d’un des auteurs de l’attentat de San Bernardino qui a fait 14 morts en Californie début décembre 2015. Soutenue par Google et Facebook, Apple refuse catégoriquement d’ouvrir les protections de données privées pour un organisme étatique, au nom de l’intérêt d’état. Ici se joue l’enjeu entre une vision sécuritaire et le principe d’un respect de la confidentialité des données personnelles. Une confrontation qui ne peut se résoudre que par l’infraction, le hacking de données. Une infraction, suggérée par la firme Apple, qui permet à chaque acteur de rester fidèle à son engagement. Car rompre l’engagement, dans tous les sens du terme, c’est pour chacun menacer le sens de son existence.

On peut voir dans cette recherche permanente d’utilité un effet d’époque. Dans un monde en perpétuel changement et d’une grande complexité, l’action individuelle n’a d’intérêt que si on en comprend le sens. On peut être parfois dépassé par l’ampleur d’un projet dont on ne maîtrise pas toutes les subtilités techniques ou les enjeux en termes d’application, mais si on en saisit et on en partage l’intention finale avec les autres intervenants, alors le projet et l’action qui lui est inhérente prennent tout leur sens pour chaque individu impliqué dans son avancée. Cette conscience collective qui se met en marche au service d’un engagement commun est devenue une nécessité.

Ethique par l’action

L’émergence de nouvelles approches conceptuelles, comme le Design Thinking qui implique la co-créativité et le travail collectif, est à ce titre parfaitement en phase avec la nécessité d’utilité. Avec des niveaux de corrélation et d’interconnexion permanents, le Design Thinking suppose que l’intention d’un projet, en d’autres termes le « challenge », serve de feuille de route à chacun des acteurs engagés.  C’est cet accord sur l’intention qui instaure le climat de confiance nécessaire pour une action collective.

En poussant la logique à l’extrême, il permet même de se tromper en offrant toute latitude pour rebondir. Si l’on s’égare sur une façon de faire, tout en suivant l’intention, le travail effectué renforce quoi qu’il en soit la finalité attendue. Il s’agit seulement de savoir corriger son erreur. L’envie de poursuivre au nom d’une même utilité reste intacte et avec elle, la motivation insuffle la dynamique pour animer et stimuler les esprits. Où que l’on aille, quoi que l’on fasse, que l’on échoue ou que l’on réussisse, c’est décidément l’intention qui compte. Ainsi l’éthique n’est pas dans une démarche, elle est La démarche.

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