INfluencia : Vous venez d’annoncer l’arrivée de Time en France avec la parution d’un premier numéro en fin d’année 2025. Comment allez-vous adapter l’ADN américain de Time aux attentes du lectorat français ?
Dominique Busso : L’idée est de garder l’ADN américain de Time, qui a prouvé sa force éditoriale, mais de le nuancer avec une approche plus francophone, plus latine. L’exigence journalistique reste la même, mais son ton sera parfois ajusté pour mieux correspondre à la culture française. C’est un magazine centenaire qui est remarqué depuis toujours pour ses couvertures iconiques de personnalités qui ont ou marquent leur temps. Nous serons fidèles à cette signature avec des « unes » marquantes adaptées au paysage français et francophone.
L’objectif est de mettre en lumière des “achievers” (en français les performants), ces personnalités qui font bouger les lignes.
IN. : Concrètement, à quoi ressemblera Time version France ?
D.B : Nous lançons un trimestriel de 200 pages, centré sur des sujets de fond. Time en France sera un magazine sociétal qui s’appuiera sur des enquêtes d’investigation dans tous les secteurs et des interviews sélectionnées dans l’édition américaine de Time, mais également sur des sujets et des reportages originaux produits par une rédaction locale d’une dizaine de journalistes. Je suis en train de recruter une équipe éditoriale française qui couvrira la France et les régions francophones d’Europe avec une vision locale des défis majeurs d’aujourd’hui – de la politique et de l’innovation à la société, au climat et à la culture. L’objectif est de mettre en lumière des “achievers” (en français les performants), ces personnalités qui font bouger les lignes. Ce sera un travail collectif, collégial.
IN. : Allez-vous reprendre les formats emblématiques de Time, comme les numéros spéciaux ?
D.B : Oui, nous comptons adapter certains formats iconiques comme le Time 100 ou le Time 100 AI, en les déclinant avec des figures francophones influentes dans leur domaine. L’idée est de valoriser celles et ceux qui façonnent le monde de demain, à l’échelle de la francophonie.
L’information que nous proposerons devra être utile, engageante et de qualité.
IN. : Envisagez-vous d’autres formats comme les podcasts, la vidéo ou des formats immersifs ?
D.B : La signature du contrat est toute récente… Mais tout est ouvert, nous allons brainstormer avec les équipes, faire émerger des formats à impact, innovants, qui apportent de la valeur. Ce qui est certain, c’est que l’information que nous proposerons devra être utile, engageante et de qualité.
IN. : Quelle autonomie avez-vous sur la ligne éditoriale ?
D.B : Je garde une vraie liberté éditoriale. Évidemment, nous allons travailler en concertation avec les équipes américaines, notamment sur les premiers numéros. Ils ont un vrai savoir-faire, une culture de l’excellence, et m’accompagneront. Il y aura parfois des débats, mais le pluralisme, c’est ce qui fait la qualité d’un média.
Nous organiserons des summits à Paris, en lien avec un palmarès ou un sujet fort du magazine, ou encore une thématique d’actualité.
IN. : Vous avez signé un contrat de licence pour Time France. Pouvez-vous nous en dire plus et quel sera le modèle économique de Time ?
D.B : J’ai signé une licence pour plusieurs années avec un contrat qui prévoit une diffusion sur la France, le Luxembourg, la Belgique, la Suisse et Monaco. Sur le plan économique, nous misons sur un modèle tripartite, équilibré à terme avec d’abord le print, comprenant la vente au numéro et l’abonnement – le tarif du magazine reste à préciser mais il sera autour des 9 à 10 euros. Ensuite, la publicité sur la version papier et digitale et enfin, l’événementiel. Nous organiserons des summits à Paris, en lien avec un palmarès ou un sujet fort du magazine, ou encore une thématique d’actualité. Le premier événement est prévu pour le premier semestre 2026. Les journalistes et les équipes marketing travailleront de concert pour proposer un contenu à forte valeur ajoutée.
IN. : Des marques ou des annonceurs se sont-ils déjà montrés intéressés pour vous accompagner dans ce lancement ?
D.B : Le contrat a été signé il y a seulement quelques jours. Personne n’était informée avant l’annonce officielle faite ce jeudi 12 juin à 8h. C’est un vrai pari, mais la marque Time est puissante. Si on la décline avec justesse et pertinence, elle peut résonner auprès des marketeurs français et francophones.
IN. : Comment cette opportunité s’est-elle présentée à vous ?
D.B : Time m’a contacté l’an dernier. Ils avaient suivi le travail que j’ai mené pour adapter Forbes au marché français, et le lancement de Oniriq il y a trois ans. Ces expériences les ont convaincus. Dans leur volonté d’internationalisation, ils ont choisi de commencer par la France.
Un beau magazine statutaire – imprimé sur un papier de qualité, bien distribué – reste un levier puissant.
IN. : Vous avez lancé Forbes en France il y a huit ans. Quel bilan en tirez-vous ? Cette expérience vous a-t-elle servi de modèle pour Time en France ?
D.B : Forbes France, c’est aujourd’hui un tirage de 100 000 exemplaires, réparti à parts égales entre la vente en kiosque et la diffusion qualifiée. Chaque numéro compte environ 182 pages, dont une quarantaine de publicité. Nous organisons aussi une dizaine d’événements par an, comme celui qui s’est tenu récemment 50 femmes de plus de 50 ans en partenariat exclusif avec L’Oréal. En huit ans, nous avons trouvé un équilibre : un tiers print, un tiers digital, un tiers événementiel. Et oui, le modèle est rentable ! Je vois aussi Time France comme un projet hybride. Nous savons que le print seul n’est pas rentable aujourd’hui. Même les meilleurs magazines ne vivent plus uniquement des ventes en kiosque ou des abonnements. En revanche, un beau magazine statutaire – imprimé sur un papier de qualité, bien distribué – reste un levier puissant. Il permet de crédibiliser le digital et l’événementiel. Pour Time dont nous allons gérer la distribution dans un premier temps, nous travaillons déjà avec des hôtels 5 étoiles/palace, des lieux d’affaires, des organisateurs de conférences.
IN. : Le marché média est sous pression, entre crise du papier, concurrence numérique et transformation technologique. Cela ne vous inquiète pas ? Le pari est ambitieux ?
D. B : C’est vrai, le marché est tendu, très concurrentiel. Mais c’est aussi un moment de bascule. L’arrivée d’un nouvel acteur permet de regarder autrement, de réinterroger les formats, les usages, les récits. Et Time a, selon moi, toute sa place dans cette mutation. C’est une marque plus que centenaire, une marque crédible, respectée, qui bénéficie d’un capital de confiance immense. C’est un média qui a toujours eu un rôle de décryptage et de lutte contre la désinformation. En France, l’idée est d’apporter cette même exigence de rigueur et de fiabilité, avec une ligne éditoriale indépendante, non partisane. Je suis optimiste : c’est un pari, certes, mais un beau pari.
IN. : Votre ambition est-elle de faire de Time en France une voix influente sur les grands enjeux sociétaux ?
D.B : J’espère que Time France deviendra un acteur écouté sur les sujets de société, de transition, de transformations économiques et culturelles. C’est un média avec une notoriété très forte, un potentiel immense. Le but est de créer un espace de débat, de réflexion, sans dogme ni polarisation. Je vais m’entourer d’une équipe solide et compétente pour porter cette ambition.
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360BusinessMedia
Création par Dominique Busso en 2016 lors de la création et le lancement du Magazine Forbes en France. Création du OniriQ Magazine en 2022.
360BusinessMedia propose des déclinaisons digitales (web et médias sociaux) print et organise une série d’évènements.