Vous connaissez l’argent sale ? Avez-vous déjà entendu parler de l’argent qui lave plus blanc que blanc ou plutôt de celui qui vise à rendre la planète plus verte ? Un consortium international d’investisseurs mené par Invest-NL (le Bpifrance néerlandais), le fonds Sustainable Impact de la banque hollandaise ABN AMRO et l’actuel actionnaire suisse Quadia vient d’investir 49 millions d’euros dans Fairphone, la société néerlandaise de smartphones durables. Une partie de cette augmentation de capital sera consacrée au remboursement de prêts et à la sortie d’une partie des actionnaires, dont PYMWYMIC et 1000 crowdfunders. Le dernier financement de cette start-up fondée en 2013 datait de 2018 et ne dépassait pas 7 millions d’euros. Cette levée avait été complétée par un prêt de 13 millions d’euros et par une campagne de financement participatif à hauteur de 2,5 millions. Le tout nouveau tour de table, annoncé le 31 janvier, montre la confiance des investisseurs pour le modèle lancé par Fairphone mais cette enveloppe pourrait aussi être la dernière qui lui sera versée.
La marque a en effet du mal à trouver son public et à atteindre une taille critique suffisante pour assurer son essor. Dans une interview à WeDemain, la société batave a reconnu avoir vendu 88.000 smartphones en 2021 dont 17.600 en France, et réalisé un chiffre d’affaires compris entre 35 et 40 millions d’euros. Son objectif affiché est de commercialiser 200.000 portables cette année grâce notamment à une campagne de communication qui sera financée par sa récente levée de fonds. Mais même si ce but pour le moins ambitieux est atteint (ses dirigeants prévoyaient, pour mémoire, de livrer 500.000 smartphones en… 2020), Fairphone restera un nain dans un marché sur lequel 1,35 milliard de smartphones ont été vendus en 2021, selon IDC.
Des ventes poussives
Ses produits ne sauraient pourtant être plus tendance. Garanti 5 ans, le tout nouveau Fairphone 4 est fabriqué à partir ASI d’aluminium certifié responsable, avec une couverture arrière en plastique 100% recyclé. L’entreprise, qui est certifiée B Corp et labelisée Platine par EcoVadis, affirme, par ailleurs, « travailler dur pour intégrer du cobalt et du lithium plus équitables dans ses batteries » et elle est l’unique fabricant de smartphones dont la chaîne d’approvisionnement comprend de l’or provenant du commerce équitable. L’absence d’éléments collés permet également de pouvoir réparer facilement son téléphone avec un tournevis standard. La marque propose aussi une carte cadeau de 50 euros à toutes les personnes qui lui redonnent un Fairphone 2 d’occasion. Recyclable, écolo, plutôt bon marché (579 euros pour le tout nouveau modèle), ces smartphones devraient se vendre comme des petits pains. Et pourtant…
Ces portables ont, tout d’abord, longtemps souffert d’une image de piètre qualité. Les moyens limités de la marque néerlandaise l’ont également empêchée de pouvoir se battre à armes égales contre des géants comme Apple, Samsung ou Huawei. 2023 sera-t-elle l’année du renouveau pour cette entreprise qui va souffler ses dix bougies ? Ses investisseurs semblent le croire. Ils ne sont pas les seuls.
En 2021, plus de 2,2 milliards d’euros ont été levés en France par des start-ups vertes, soit presque le double de l’année précédente. Au premier semestre 2022, 55 nouveaux tours de table ont été bouclés pour un montant de près de 2 milliards d’euros, selon France Invest et EY. Le développement durable a la cote. Fairphone espère enfin pouvoir surfer sur cette vague qu’il a, peut-être, prise un peu trop tôt.
