20 décembre 2024

Temps de lecture : 6 min

Pascal Cübb (IAA France) : « un jour, je suis né, depuis j’improvise » 

« Vous n’aurez pas ma liberté de penser » : la chanson aurait pu être écrite par Pascal Cübb. Le président de l'International Advertising Association (IAA) France et producteur de contenus et d'événements btob répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige.
Pascale Cübb

INfluencia : votre coup de cœur ?

Pascal Cübb : j’aurais pu vous parler des Jeux olympiques qui m’ont emballé ou de la réouverture de Notre-Dame. Mais un autre événement m’a vraiment interpellé car il est, comme les deux autres d’ailleurs, significatif de beaucoup d’espérance – et on en a vraiment besoin aujourd’hui – : la chute de Bachar al-Assad. Bien sûr je reste très dubitatif sur la finalité car on sait que ce n’est pas gagné. Mais d’abord, cela pourrait avoir un impact sur les pays environnants et puis j’aime bien cette idée qu’effectivement un dictateur puisse être chassé de son pays et que cela ouvre une grande porte d’espoir pour ses habitants.

J’ai un vrai petit coup de colère quand on m’impose un menu uniquement vegan

IN. : et votre coup de colère ?

P.C. : ce qui me rend colérique, c’est la bêtise et l’injustice. Je ne veux pas faire de politique mais quand j’étais petit – et cela date des élections présidentielles qui opposaient Giscard et Mitterrand en 1974 – j’avais un professeur d’éducation civique qui nous avait posé la question suivante : « qu’est-ce qu’un homme politique ? ». Nous avions un peu ramé et je me souviens de sa réponse : « un homme politique, c’est un homme qui a fait déjà carrière et qui fait profiter le peuple français de son expérience et de son expertise et qui œuvre pour le bien commun ». J’ai vraiment l’impression que notre classe politique – quel que soit son bord – n’œuvre pas pour le bien commun. Et cela me met en colère.

Pour être moins solennel, j’ai un vrai petit coup de colère quand on m’impose un menu uniquement vegan. Je respecte les goûts et les croyances de tout le monde, mais je veux aussi qu’on me respecte et qu’on me laisse libre de mes choix… Quand j’organise un dîner, je demande au traiteur de prévoir un menu pour ceux qui mangent vegan, un autre pour ceux qui mangent cacher, de la viande et du fromage pour les gens comme moi, etc… Or l’autre soir, sur un évènement, on m’a imposé des plats 100% vegan. Comme j’étais en production, je suis descendu retrouver mon équipe qui, elle, mangeait des lasagnes et je me suis fait une bonne assiette. C’est même un running gag car, lors du même événement l’année dernière, il s’est passé la même chose. À la fin, nous nous sommes précipités dans la baraque à côté manger des saucisses et des frites…

IN. : la personne ou/et l’événement qui vous a le plus marqué dans votre vie ?

P.C. : c’est Nelson Mandela parce que j’admire sa résilience et sa cohérence dans son combat et dans la durée.

Quant à l’événement, c’est l’attaque contre les Twin Towers, le 11 septembre, date de l’anniversaire de l’une de mes filles. Comme tout le monde je me souviens exactement de l’endroit où j’étais : dans mon bureau pour la première, et sur le périphérique où tout le monde était quasiment à l’arrêt pour l’effondrement de la deuxième. C’était un moment d’arrêt, de peur, de sidération que je n’ai jamais revécu. Il y a un avant et un après.

  « J’ouvre prochainement le premier Club Med au Brésil, veux-tu venir avec moi ? ».

IN. : votre rêve d’enfant ou si c’était à refaire

P.C. : je trouve que ça ne sert pas à grand-chose d’avoir des regrets et, avec l’âge et l’expérience, j’ai appris à ne pas ruminer les choses. On ne maitrise pas tout – je dirais même qu’on ne maitrise presque rien – et ce qui s’est passé dans ma vie me l’a démontré. Je répète souvent cette phrase, qui n’est pas de moi : « un jour, je suis né, depuis j’improvise »**….

Mais si je dois vraiment réfléchir, j’ai un petit regret. J’avais une vingtaine d’années. J’étais au Club Méditerranée avec des copains hors vacances scolaires, on faisait la fête et on mettait le feu au village. Et à la fin de la semaine, le chef de village vient me voir et me dit : « j’ouvre prochainement le premier Club Med au Brésil, veux-tu venir avec moi ? ». Et je ne suis pas parti. J’aurais bien tenté l’expérience. Je le regrette un peu. Mais j’avais déjà un job. Pas dans la pub puisqu’à l’époque j’étais ingénieur commercial dans l’industrie lourde et que je travaillais sur des sujets comme les fluides, les nez de mirages, les cœurs et les respirateurs artificiels…

Ma réussite c’est aussi d’avoir gardé cette forme de candeur, de naïveté

IN. : votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)

P.C. : ce que j’ai peut-être réussi à faire, en tout cas que je maintiens jusqu’à présent et depuis pas mal d’années, c’est ma liberté et mon indépendance qui me permettent de penser et de parler. Attention, je ne juge pas ceux qui ont fait d’autres choix mais quand certains de mes camarades qui occupent de hautes fonctions dans des grands groupes me disent : « tu as de la chance », je leur réponds : « Oui, mais ça a un prix. Je la paye et l’ai payée souvent très cher… ». Ma réussite c’est aussi d’avoir gardé cette forme de candeur, de naïveté. Beaucoup moins qu’avant mais encore un peu. Je suis resté peut-être un peu enfant, j’ai du mal à penser que j’ai l’âge que j’ai. (rires)

Je suis une truffe en informatique

IN. : votre plus grand échec ? (idem)

P.C. : alors, des échecs, j’en ai eu beaucoup et ils m’ont tous permis d’avancer et d’enrichir ma connaissance de la nature humaine. Mais comme on ne peut pas parler de la vie professionnelle, je vais vous confier un secret : je suis une truffe en informatique et je n’arrive toujours pas à synchroniser toutes mes boîtes mail. Un coup, j’ai perdu ma boîte d’avant que je n’arrive pas à récupérer. Une autre fois, je ne retrouve pas un mail car je n’ai pas la même chose sur mon téléphone que sur mon ordinateur. J’égare continuellement mes mots de passe… Pour moi qui ai quand même la réputation de m’y connaître un peu en innovations, c’est un peu un échec…

Je fais partie de ceux qui sont beaucoup jugés par des personnes qui en fait ne me connaissent pas

IN. : un sujet qui vous met hors de vous

P.C. : il y en a beaucoup : la misère, les inégalités, l’indifférence… Mais il y a un comportement qui me met hors de moi : ce sont les jugements que chacun porte sur les autres. Je trouve que nous vivons dans une société de plus en plus radicalisée, on juge les gens à l’emporte-pièce sans savoir qui ils sont, sans connaître leur vie. C’est du manque de respect. Quand ça se produit sur les réseaux sociaux, je ne peux pas m’empêcher de réagir. Je fais d’ailleurs partie de ceux qui sont beaucoup jugés par des personnes qui en fait ne me connaissent pas ou qui ne voient que ce que j’ai envie de montrer parce que je suis en représentation.

IN ; quel personnage historique adorez-vous le plus ?

P.C. : ce pourrait être Victor Hugo mais en fait c’est Albert Einstein. Pour deux raisons. La première, c’est sa théorie sur l’univers et sa maîtrise mathématique de la physique. La deuxième, c’est sa vision sur la nature humaine, sur la croyance, ses pensées et ses réflexions philosophiques. Il est impressionnant de lucidité et de pertinence et je pense que c’est une personnalité très rare. Peut-être les philosophes grecs antiques étaient-ils à ce niveau-là, et encore… Mais de façon assez contemporaine, c’est le personnage qui m’interpelle le plus. J’ai lu beaucoup de ses textes, la citation que je préfère de lui est cette phrase qu’il a prononcée avant de quitter l’Allemagne pour partir aux Etats-Unis : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui les regardent sans rien dire ». Ceux qui me connaissent savent que je l’ouvre pas mal et que je ne peux pas ne pas réagir. Parfois, un peu trop spontanément…

Finalement, ça ne va pas si mal

IN. : quel roman ou quel écrivain emporteriez-vous sur une ile déserte ?

P.C. : Ma première réponse serait Victor Hugo -encore lui- car il a beaucoup écrit sur la société et l’humain, mais sachant que je vais être tout seul avec lui, en fait il ne va pas beaucoup me servir. Alors je choisirais plutôt une dystopie, j’emporterais 1984 de Orwell afin de me dire que c’aurait pu être pire et que finalement cela ne va pas si mal (rires).

* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint-Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».

** l’humoriste et acteur Kyan Khojandi

En savoir plus

L’actualité

– L’actualité de l’IAA France : Fondée en 1938, et en 1961 à Paris, l’International Advertising Association (IAA) est de retour en France depuis fin 2021, sous la présidence de Pascal Cübb.

Représentant toutes les sphères de l’industrie, du marketing, des médias, de la publicité et de la communication, l’IAA France accompagne ses membres sur les sujets de réflexion majeurs de nos métiers avec une vision internationale.

Elle organise régulièrement des rassemblements réunissant de nombreuses personnalités de l’industrie et au-delà.

Les projets de l’IAA France : affirmer son positionnement en France, participer au développement international de l‘IAA Worldwide, en particulier au niveau européen.

– Sur un plan personnel, Pascal Cübb réinvestit les Cannes Lions en juin prochain, avec un plateau TV en direct du Palais des Festivals, au cœur du Act responsible Hall, avec plusieurs émissions quotidiennes françaises et internationales.

– Et du 16 au 20 juin 2025, La French Connection – Saison 2, l’espace commun de toute l’industrie de la communication française (agences, média, tech, plateformes, marques…) qui prendra place au MGallery. L’année dernière La French Connexion a accueilli plus de 1000 personnes.

– Une matinée spéciale IAA « Cannes Lions à Paris » sera présentée au premier trimestre 2025 avec les Lions. 

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