Octobre rose : dépistages en baisse, « pink washing »… fin de vie d’une opération usée et parfois décriée ?
La Ligue contre le cancer diversifie ses actions, pour faire face à une baisse régulière des dépistages. Actions de terrain, opération d'influence, campagnes sociales... Avec l’espoir de reproduire l’impact de sa campagne "Va chier" sur le cancer colorectal.
DDB Paris
Chaque année, dès le 30 septembre et le 1er octobre, les communications autour d’Octobre rose et de la prévention contre le cancer du sein fleurissent.
Dans ce mois très saturé, certaines sont initiées par les hôpitaux et des centres de recherche, d’autres par les associations de patients, des compagnies d’assurance…
Parfois avec des images spectaculaires qui font le tour du monde, comme l’illumination en rose de la tour Eiffel, à l’initiative de Ruban rose, l’association qui a lancé le mouvement aux Etats-Unis sous l’impulsion d’Estée Lauder, et qui est associée en France au Groupe Marie Claire.
Les marques contribuent à cet élan en vantant leurs actions solidaires et collections spéciales, dont une partie des recettes est reversée en dons. Des initiatives parfois décriées, qui posent l’éternelle question d’une frontière floue entre opération commerciale et action caritative…
Moins d’une femme sur deux répond au dépistage organisé
Pour la Ligue contre le cancer, premier financeur associatif indépendant de cette recherche, l’objectif est tout autre, notamment encourager les femmes de 50 à 74 ans à répondre au dépistage organisé, envoyé tous les deux ans par l’Assurance maladie. Toujours inférieur à 50 % (sauf en 2011), le taux de participation reste bien loin des 70 % préconisé au niveau européen pour espérer avoir un impact sur la mortalité.
Il ne cesse de baisser : 46,5 % sur la période 2022-2023, 44 % en 2024 (-4 points sur un an), selon Santé publique France. Sandrine Jobbin, directrice de la communication de la Ligue, explique :
« Le taux de participation a encore perdu 2,5 points en 2025. Nous avons lancé cette année une enquête pour chercher à comprendre les freins au dépistage et imaginer des parcours plus accessibles, davantage compatibles avec la charge pratique et mentale des femmes »
Les résultats ?
5 % reconnaissent à avoir eu « la flemme », 3 % ont procrastiné et 2 % se disent sceptiques
20 % renoncent à leur mammographie à cause d’un examen jugé trop contraignant par rapport à leur organisation de travail, du fait des délais d’attente trop longs ou encore le manque de centres à proximité.
77 % sont favorables à ce que leur dépistage puisse avoir lieu dans des unités mobiles qui se déplaceraient sur leurs lieux de vie.
Dans cette optique, les déserts médicaux ont été ciblés. « Une camionnette a commencé à circuler dans le Gard sur 20 à 25 dates dans le cadre du dispositif Au fil de la Ligue, lancé en juin 2024 et qui se déploie de manière progressive.
Les actions de sensibilisation sont aussi menées par nos 103 comités. Réduire l’inégalité commence par permettre d’accéder à l’information », ajoute Sandrine Jobbin.
Le pari des « mots doux »
Pas toujours simple d’adopter le bon ton pour toucher le plus grand monde. La campagne 2023 (en illustration ci-dessous), qui montrait les décolletés de trois femmes d’âge différents afin de déjouer les stéréotypes, avait fait grincer quelques dents chez certains comités habitués à une langage plus institutionnel…
La directrice de la communication explique :
« Depuis, la Ligue est revenue à des messages plus doux pour créer une chaîne de bienveillance. On peut tous être concernés et que le cancer du sein est la problématique de chacun »
La campagne 2025 – toujours signée DDB Paris – s’articule cette fois autour « des mots doux ». Sur cette tranche d’âge des 50-74 ans, elle joue l’effet de sororité avec plusieurs tonalités, avec des messages de fille, de copine, de compagnon, de petit-fils…
Des « tutos palpation » lors de la soirée Influence
En plus de la campagne, une soirée au Michou Comedy à Paris, désormais propriété de Gad Elmaleh, a été organisée pour toucher des femmes plus jeunes et les 50-74 ans. Cinq humoristes sont montées sur scène pour parler de leur première mammographie et 45 influenceuses ont parlé de prévention.
Pendant la soirée, des exercices d’autopalpation ont aussi été proposés. Une manière ludique d’apprendre à détecter les signaux qui doivent faire office de première alerte.
(c) Cassandre Jallifier pour la Ligue contre le cancer.
Objectif : 30 millions de vues
Avec sa campagne Octobre rose 2025, la Ligue contre le cancer vise les 30 millions de vues. Le plan média s’est largement appuyé sur Facebook et Instagram, mais aussi sur Doctolib (qui développe les actions de prévention) et sur la presse dans des marques santé ou société…
Sur la première semaine, le post de lancement de la campagne a généré :
158 000 vues sur Instagram
98 700 vues sur Facebook
51 800 vues Linkedin
7 000 vues sur X
Tous posts confondus, la campagne a touché 383 600 personnes sur cette période.
57 millions de Français touchés avec la campagne Va chier
« Pour les années à venir, dans cette communication très saturée, il va falloir réfléchir aux moyens de sortir du lot en matière de communication pour nous adapter encore mieux à nos différentes cibles sans les inonder mais en allant chercher chirurgicalement le public que l’on veut toucher, reconnait Sandrine Jobbin. Beaucoup de questions stratégiques sont des questions transversales. Il faudrait peut-être réfléchir à des créer des alliances. »
L’une des solutions consistera à « user de plus en plus d’audace, avec des messages en phase avec la société, en étant certes bienveillant mais sans doute plus direct ». A l’image de lacampagne Va chier de DDB Parislancée à l’occasion de l’opération Mars Bleu 2025 autour de la prévention contre le cancer colorectal, qui a été très viralisée. Elle note :
« Mars bleu a touché 57 millions de Français. La campagne a fait parler en bien et en mal, mais elle a fait bouger les lignes. On attend de voir ce que cela donnera sur le taux de dépistage »
A défaut d’éviter tous les cancers, il reste une vraie promesse, celle d’un monde sans cancer non guéri.