6 juillet 2016

Temps de lecture : 5 min

 » Mettre fin à la femme objet « 

La pub est souvent taxée, et pas qu'à tort, de ne pas assez œuvrer pour changer les mentalités. Dans la réaction plus que dans l'anticipation, ce secteur profite de sa mutation en cours pour arrêter de prendre le train de la société en marche. Le combat pour une meilleure représentation des femmes peut-il compter sur la pub ? La fondatrice de The Girl's Lounge, Shelley Zallis, le pense. Entretien pendant les Cannes Lions

La pub est souvent taxée, et pas qu’à tort, de ne pas assez oeuvrer pour changer les mentalités. Dans la réaction plus que dans l’anticipation, l’industrie profite de sa mutation en cours pour arrêter de prendre le train de la société en marche. Le combat pour une meilleure représentation des femmes peut-il compter sur la pub ? La fondatrice de The Girl’s Lounge, Shelley Zallis, le pense. Entretien pendant les Cannes Lions

Lieu de progrès qui accueille les idéaux humanistes de Bernie Sanders, la Silicon Valley ne ferait finalement pas mieux que les autres secteurs professionnels quand il s’agit de parité hommes-femmes. Si le pic de participation de la gente féminine dans l’industrie des hautes technologies remonte à la fin des années 80, aujourd’hui près d’une femme sur deux finirait par renoncer après dix ans de carrière. Une récente étude du Center for Talent Innovation a dressé un constat cinglant sur cette culture machiste sectaire. Dans l’écosystème de la baie de San Francisco, les chiffres sur le rôle et le poids du beau sexe dans la Tech reflètent un axiome incontestable : la femme est discriminée.

Fondé en septembre 2014, par le géant AOL, son seul propriétaire, le fonds BBG Ventures incarne la réponse possible d’un mastodonte du web contre cette injustice. C’est bien simple, Built By Girls investit uniquement dans des jeunes start-up de l’internet et du mobile fondées par au moins une femme. Comme la cause mérite une hégémonie d’initiatives ambitieuse et audacieuses, l’association nord-américaine, Brave Girls Alliance, lançait en 2015 une campagne pour débarrasser les médias de Photoshop aux Etats-Unis. Quelques mois plus tard, la marque de sous-vêtements, Dear Kate, défendait autrement la beauté authentique comme représentation sincère de la femme dans la pub. Comment ? En demandant à des cheffes d’entreprises de la Silicon Valley de poser en petite-tenue avec leurs ordis sur les genoux. La campagne a, parait-il, fait polémique. Pourquoi ? La question se pose.

La nécessité d’être conscient de son inconscient

La femme Barbie aux mensurations (faussement ?) parfaites restera sans doute toujours un argument esthétique marketing pour les marques et les médias. L’exposition publique de la gent féminine dans son plus simple appareil peut aussi servir à lever des fonds pour une bonne cause -comme les rameuses de l’université de Warwick en Angleterre- ou bien éveiller les consciences et faire sauter des tabous sur le sport féminin -à l’instar des joueuses de l’équipe nationale canadienne de rugby.

Si Dear Kate a suscité la controverse, c’est que la place de la femme dans la pub et les médias reste un sujet sensible et compliqué. Présent pour la quatrième année consécutive aux Cannes Lions, le mouvement collaboratif pour l’égalité des genres, The Girl’s Lounge, a martelé son message sur la Croisette. Pour bien le comprendre à travers le prisme publicitaire, INfluencia avait pris rendez-vous avec sa PDG et fondatrice, Shelley Zallis, sur une terrasse de l’hôtel Martinez.

INfluencia : quel changement prime aujourd’hui pour les femmes dans la publicité ?

Shelley Zallis : tout est important, que ce soit avoir des femmes créatives ou des femmes mieux représentées dans les pubs. Mais à la base, The Girls Lounge a été créé pour que les femmes puissent se rencontrer, qu’elles aient une place pour partager leurs challenges et trouver ensemble des solutions et instiguer des changements dans leur lieu de travail. On essaye aussi de connecter les leaders féminines d’aujourd’hui et de demain, de proposer des parrainages pour apprendre les unes des autres, sans jamais oublier d’impliquer bien sûr les hommes dans nos démarches et activités : ils représentent 50% de la population. Cela fait très longtemps que les problèmes sont pointés du doigt mais on ne travaille pas assez sur les solutions. On ne fabrique pas les bons outils pour induire de réels changements. En quatre ans, The Girls Lounge a connecté plus de 7500 femmes dans la communication, les nouvelles technologies, la finance…

IN : quel est le principal défaut selon vous de la représentation des femmes dans la pub ?

S.Z. : on vient de lancer un partenariat avec l’ANA (Association of National Advertisers) pour créer le hashtag #seeher. On se concentre sur la visibilité et le portrait de la femme dans les médias et la pub, avec une volonté claire : mettre fin à la femme objet. On veut montrer des femmes fortes, intelligentes, actives et idem pour les hommes. Je travaille actuellement sur un moyen de mesurer tous ces résultats afin de provoquer un sentiment de responsabilité auprès des publicitaires.

IN : ce sentiment passe par quelles prises de conscience ?

S.Z. : la première chose, c’est se rendre compte du problème et être conscient de son inconscient. On voit des femmes faire semblant de tailler une pipe pour un hamburger ou se glisser des bouteilles d’alcool entre les jambes, ce qui pour moi constitue un horrible exemple pour nos filles comme pour nos garçons. La priorité c’est d’abord de bien mettre le doigt sur la façon dont on représente les femmes aujourd’hui. Or, avec les réseaux sociaux, il n’est plus possible de cibler une tranche démographique précise car tout le monde a accès à toutes les pubs.

IN : la pub est-elle vraiment un levier essentiel pour ce changement ?

S.Z. : la créativité et les médias sont les meilleurs moyens de faire passer un message. Il faut contextualiser avec le storytelling et la pub. L’égalité des sexes au sein de l’entreprise donne de meilleurs résultats, la diversité en général donne de meilleurs résultats. Quand les femmes sont représentées d’une meilleure façon, c’est également mieux pour les achats, pour la réputation de la marque. C’est du long terme et il faut maintenant le faire savoir un maximum pour que les entreprises comprennent mieux l’importance de ce combat. Les millennials ne sont pas la prochaine génération, ils sont la génération actuelle et ils sont la génération de la raison d’être. C’est un nouveau chemin qui est en train de se construire. Bien sûr, il y aura d’autres problèmes qui feront surface et qui s’ancreront dans le débat, mais il faut qu’on comprenne que si on n’agit pas aujourd’hui sur l’égalité dans le travail, on ne verra pas de résultats pour les 150 prochaines années.

IN : agir maintenant est peut-être d’autant plus nécessaire qu’il est-il plus facile d’inciter les marques à changer, non ?

S.Z. : oui et c’est grâce aux réseaux sociaux. Avant, c’était très difficile de mettre les changements en place car il n’y avait pas d’obligation de rendre des comptes. Aujourd’hui, quand une entreprise fait quelque chose de bien elle va être mise en avant et donner envie aux autres de suivre l’exemple pour ne pas être à la traîne. Les entreprise ne peuvent plus se cacher, la technologie met en lumière toutes leurs pratiques. Les grosses entreprises ne peuvent plus s’asseoir sur leurs lauriers, elles doivent constamment innover et comprendre les changements de la société pour continuer d’exister.

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