4 septembre 2025

Temps de lecture : 3 min

McDonald’s et Pokémon : quand une campagne marketing frôle le bad buzz

Au Japon, McDonald’s a été rattrapé par l’effet pervers de la rareté marketing. Retour sur une opération devenue un cas d'école pour les spécialistes.

L’image est inhabituelle pour un pays connu pour sa propreté et son ordre. Pendant quelques heures, les trottoirs devant certains McDonald’s japonais étaient jonchés de sacs de Happy Meals remplis de nourriture. La cause de ce gâchis attristant ? Une promotion de la chaîne de fast-food (lancée le 8 août 2025) qui offrait des cartes Pokémon exclusives avec ses menus enfants. Les collectionneurs et de nombreux revendeurs sans scrupules se sont précipités pour acheter des Happy Meals par dizaines avant de jeter la nourriture sur place. L’affaire semblait en effet trop belle : sur eBay, les cartes distribuées avec ce menu vendu 510 yens (moins de 3 euros) se vendaient déjà près de 24 euros l’unité.

Dépassé par cet événement, McDo a stoppé net sa campagne promotionnelle, qui était censée durer trois jours, après quelques heures. « Nous regrettons d’informer nos clients que la distribution des cartes Pokémon a pris fin plus tôt que prévu, en raison de ventes nettement supérieures à nos attentes », a expliqué l’enseigne qui a dû, ensuite, présenter ses excuses, promettant de « travailler avec les plateformes de revente » pour contrer la spéculation et rappelant qu’il « ne tolère ni l’achat de menus en vue de revente ni l’abandon de nourriture ». Pour cause, une indignation du gaspillage alimentaire provoqué par les achats en nombre de quantité de repas non consommés a déferlé sur les réseaux sociaux. Dans une déclaration, McDonald’s a reconnu qu’il y avait eu certains cas d’« achats massifs par des clients, motivés par la revente » qui ont conduit « au gaspillage de notre nourriture », a souligné Le Monde.

Quand le marketing événementiel se retourne contre la marque

Cette opération s’inscrivait dans une stratégie plus large du groupe de restauration rapide qui multiplie, depuis quelques mois, les collaborations avec la pop culture pour renforcer son attractivité auprès des plus jeunes et générer du trafic dans ses restaurants. Depuis deux ans, le géant du fast-food multiplie les partenariats événementiels — peluches Squishmallows, menus thématiques autour de Minecraft, retour du Snack Wrap — qui s’adressent autant à la génération Z qu’aux trentenaires nostalgiques. Ces campagnes reposent sur la rareté et le sentiment d’urgence, deux leviers puissants du marketing moderne.

L’épisode japonais montre toutefois les effets pervers d’un « hype marketing » mal maîtrisé. Au lieu d’un moment familial autour du Happy Meal, la campagne a attiré une clientèle opportuniste cherchant à faire du profit rapide. Résultat : un détournement complet du message de marque et une couverture médiatique centrée sur le gaspillage, bien loin de l’image conviviale que McDonald’s voulait projeter.

Un succès commercial malgré tout

Paradoxalement, cette frénésie illustre aussi l’efficacité de la stratégie globale du groupe. Au deuxième trimestre, les ventes mondiales des restaurants ouverts depuis au moins treize mois ont progressé de 3,8 %, dépassant légèrement les attentes des analystes. Aux États-Unis, les ventes ont augmenté de 2,5 % après plusieurs trimestres en demi-teinte, grâce aux menus à bas prix, aux promotions ciblées et aux partenariats événementiels. Le titre McDonald’s a d’ailleurs bondi en Bourse de près de 12% en un an, signe que les investisseurs saluent la capacité de l’enseigne à capter l’attention du public et à stimuler la consommation.

Face à des concurrents comme Chipotle, Pizza Hut ou Wendy’s, qui peinent à convaincre les clients de la valeur de leurs menus, McDonald’s parvient encore et toujours à toucher deux cibles simultanément : les consommateurs à budget serré avec des offres comme le bundle à 5 $ et les jeunes fans de pop culture grâce à ses campagnes exclusives. La combinaison d’un marketing d’événement et d’une politique tarifaire attractive constitue aujourd’hui l’un des moteurs de son redressement.

Pokémon, une franchise qui déclenche la spéculation

L’incident japonais révèle également la puissance intacte de la marque Pokémon. Depuis 1996, la franchise a conquis le monde avec ses jeux vidéo, séries animées et cartes à collectionner. Aujourd’hui, certaines cartes rares ou en parfait état atteignent plusieurs centaines, voire milliers de dollars. Les collectionneurs passionnés côtoient désormais des investisseurs à la recherche de placements alternatifs. Chaque partenariat avec une grande marque devient ainsi un catalyseur de spéculation.

Leçons pour les marques : gérer la rareté et préserver l’image

Pour les spécialistes du marketing, cette opération offre un cas d’école. Créer l’événement par la rareté et la nostalgie fonctionne indéniablement pour générer du trafic et des ventes. Mais mal anticipée, cette dynamique peut se retourner contre l’entreprise si elle entraîne des comportements extrêmes : spéculation massive, rupture d’approvisionnement, gaspillage, critiques publiques. McDonald’s l’a reconnu : « La situation récente contredit notre philosophie d’offrir des expériences de restauration agréables aux enfants et aux familles. Nous prenons ce problème au sérieux et admettons que notre réponse a été insuffisante ».

La question est désormais de savoir comment les marques pourront continuer à utiliser le levier de la rareté sans dégrader leur image. Limiter les achats par client, mieux calibrer les stocks ou développer des systèmes de réservation pourraient éviter que des campagnes conçues pour créer de la joie ne génèrent du rejet. Plusieurs options existent mais laquelle peut-elle se révéler réellement efficace ?

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