8 juillet 2014

Temps de lecture : 6 min

Les marques deviennent partenaires du citadin

En acceptant de mettre en place des dispositifs aboutis, interactifs et malins, les marques prennent une vraie place dans la ville. Preuve que les consommateurs sont prêts à les laisser entrer dans leur quotidien, pour peu que la valeur ajoutée soit suffisamment forte en termes de praticité, ludisme et émotions.

Street marketing, affichage événementiel, flyers, dégustations, dispositifs digital/ville, pop-up stores… autant de concepts qui prouvent le déploiement des marques dans la ville. Jouant sur les leviers de présence et d’extraordinaire, elles ponctuent le parcours du citadin, que ce soit sur les routes, dans la rue, sur les places de stationnement, les façades, les lieux de rassemblement ou encore dans le métro…

Au sein de cet espace, tout devient prétexte à prendre la parole pour à la fois faire découvrir son produit, son positionnement, son histoire mais aussi pour mettre en avant sa capacité à adopter une posture tactique, maline, en phase avec les comportements des gens d’aujourd’hui. Une omniprésence qui ne semble pas pour autant être perçue comme intrusive. Les marques, en activant les leviers de l’accompagnement, du jeu et de l’intégration, trouvent un équilibre vis-à-vis de l’habitant : elles font un va-et-vient constant entre anonymat et promotion plus affirmée.

Terrain de rencontre entre marques et consommateurs

Face à un contexte communicationnel en pleine mutation, certaines marques tendent à cristalliser leur statut. Dans cette confrontation, il est intéressant de voir que la ville est souvent perçue comme un terrain de prédilection : elle permet aux marques de se mesurer aux urbains de façon concrète puisqu’elle engendre une rematérialisation de la relation. On voit ainsi se multiplier les caméras cachées où le passant se retrouve pris au piège dans la ville, comme Garnier qui accuse les passantes de ne pas prendre suffisamment soin de leurs cheveux au Portugal. Faire vivre des scènes d’angoisse et surprendre les gens par des dispositifs toujours plus intégrés devient donc très fréquent, l’objectif étant de bouleverser les habitudes de l’habitant et de profiter d’un moment de faiblesse pour forcer l’interaction.

De façon plus tactique, les marques entrent également en interaction avec le consommateur en le happant dans la rue : Cacau Noir, chocolat brésilien, drague ainsi les passants via l’application Tinder grâce à de faux profils. La mise en scène de produits géants glissés dans l’espace urbain résulte de la même volonté de domination : de la malle Louis Vuitton aux Lego géants glissés sur les trottoirs, il est impossible d’échapper aux marques.

Changer la ville

Dans un climat morose, la ville peut parfois être synonyme de routines voire d’agacement. Les marques se positionnent alors souvent comme une échappatoire en jouant la carte de la surprise et de la complicité. Elles proposent une interaction ludique ou pratique avec le consommateur pour lui offrir une vision différente de sa ville et donc de sa vie. Elles s’imposent pour créer de l’étonnement et être dans la rupture vis-à-vis du quotidien. Elles offrent une parenthèse où l’interaction et l’expérience priment sur l’annonceur pour une présence qui s’incarne au-delà du discours publicitaire. Autant de dispositifs qui peuvent permettre de dessiner une nouvelle relation entre marques, consommateurs et villes, une relation apaisée et renouvelée dans un contexte de communication chamboulé.

La ville, terrain de jeux

Si cet apaisement entre marques et consommateurs est possible, c’est surtout grâce à la dimension ludique des dispositifs. Le jeu, de par sa légèreté et son insouciance, peut en effet convaincre les passants de jouer avec les marques. Les dispositifs sont finalement assez simples dans la mécanique : des chasses aux œufs comme celle de Vélib lors des festivités de Pâques ; André qui crée des affiches avec une ligne blanche guidant les passants du panneau publicitaire jusqu’aux boutiques ; Reebok qui rhabille les statues dans la ville de baskets… L’ensemble de ces opérations montre des marques fun, qui cherchent à créer un lien avec l’urbain, un lien tangible et créateur de connivence, plutôt décorrélé de la marque. Mais cette dimension de jeu peut également être activée par des dispositifs où cette fois, c’est bel et bien le produit qui est mis en scène. L’amusement reste central, mais pour offrir cette fois une expérience de marque : par exemple, voir la vie en Ray-Ban avec un dispositif dans le tram où les vitres prennent la couleur des verres des lunettes.

Cette dimension positive est largement préemptée sur les autres points de contact (nombreux repositionnements de marques sur l’optimisme, la joie de vivre, l’audace), mais la ville permet d’être dans une relation plus immédiate et une interaction choisie. C’est en effet le consommateur qui fait partie intégrante de la mécanique de jeu et qui décide. C’est dans cette spécificité propre à la ville que l’équilibre entre marques et consommateurs peut prendre tout son sens.

Être malin et intégré dans la ville

La quête de légitimité se retrouve également dans la valeur ajoutée des dispositifs proposés. Les marques dans la ville doivent s’intégrer, se fondre dans le décor pour offrir une expérience de la ville adoucie et facilitée. Une posture « smart » qui est très forte dans les opérations de communication urbaines. Se fondre dans le décor, c’est savoir utiliser le mobilier et les espaces emblématiques des villes pour se les approprier et les transcender. Ikea en est un adepte, en glissant des pièces de vie dans les transports en commun ou sur les places et carrefours. Tout comme McDonald’s qui détourne le passage piéton en un cornet de frites. L’intégration dans la ville passe également par la prise en compte du contexte de communication. Smart, avec ses affiches publicitaires adaptées à chaque lieu de prise de parole, crée à son tour de la connivence et montre toute sa connaissance de la ville. Même comportement lorsqu’Apotek – une marque de cosmétiques capillaires suédoise – communique via un panneau d’affichage interactif où les cheveux du mannequin réagissent au souffle du métro.

Se fondre dans le décor, c’est enfin bien connaitre le consommateur et devancer ses habitudes pour lui proposer plus de facilitation : comme Neutrogena, qui glisse des petits mots en hiver sur les scooters « À toi, qui n’as pas de manchon sur ton guidon » ou encore IBM, qui propose des panneaux publicitaires malins, protégeant de la pluie ou rendant possible une pause dans la ville pour les piétons. Dans la lignée, Lufthansa est plein de petites attentions auprès des habitants américains avec son opération « Upgrade Chicago » (distribution de café, de parapluies, de repas dans la ville…).

La ville, terrain de co-construction

Les marques présentes dans la ville font tout de même irruption dans le quotidien du consommateur, en cherchant à créer une interaction, un rituel et sont donc en recherche de légitimité. Car pour avoir un discours efficace, elles ne peuvent trouver un sens que dans la construction d’un partenariat avec l’habitant : sans lui, ces interactions deviennent nulles. Cette intégration peut être activée par la co-construction du discours.

Face à la crispation de la relation entre annonceurs et consommateurs, il est intéressant de voir émerger de plus en plus un état de détente : vis-à-vis des marques qui acceptent de lâcher prise et vis-à-vis du client qui accepte un droit à l’erreur et est de plus en plus « cool ». L’investissement de la ville par les marques montre des dispositifs qui laissent place à plus d’interactivité vis-à-vis de l’urbain. La ville devient donc un terrain de co-construction dans le sens où les opérations des marques ne font sens que par la réaction et les actes des citadins.

Anticiper les réactions, connecter le réel et le virtuel, accompagner le passant au-delà de l’instant… autant d’objectifs que les marques doivent garder à l’esprit pour attiser la curiosité et ressortir gagnantes de façon plus pérenne. Un exemple emblématique : Citadium, avec le déploiement de sa campagne sur les jeunes, s’amuse des clichés concernant cette cible. La marque a réussi à anticiper les possibles tags de ses annonces, en réalisant une communication en deux temps, avec l’ajout aux accroches de la mention « pas que » dans la deuxième phase.

Autre marque : Converse, qui collabore avec des graffeurs pour ses affiches dans le métro de Paris… preuve de sa capacité à accepter de ne pas pouvoir tout maitriser dans ce climat de tensions. De façon plus générale, cette co-construction prend son essor surtout du fait du développement du digital et de dispositifs où c’est bel et bien l’urbain connecté qui est maitre de la situation. Depuis Twitter, les fans de « Game of Thrones » pouvaient par exemple faire tomber la statue du roi Joffrey disposée dans la ville d’Auckland. En acceptant de mettre en place des dispositifs aboutis, interactifs et malins, les marques réussissent donc à prendre une place singulière dans le champ de la ville. Elles sont intégrées, pour permettre un apaisement et renouveler le rapport vis-à-vis de l’espace urbain. Une ville qui bouge, se raconte et se renouvelle plus facilement grâce à ces stratégies.

Les marques deviennent donc partenaires du citadin. Preuve que les consommateurs sont prêts à laisser les marques entrer dans leur quotidien, pour peu que la valeur ajoutée soit suffisamment forte en termes de praticité, de ludisme et d’émotions.

Solenne Faure

Illustrations : Elodie Lascar

Article paru dans la revue digitale n°10 : La Ville, Bienvenue à bord

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