L’intelligence artificielle peut-elle révolutionner la médecine sans remplacer les médecins ?
À travers un article publié la semaine dernière, un journaliste du Wall Street Journal avance qu’une IA conçue par Google s’est déjà installée avec succès dans les services hospitaliers américains. Dans un scénario tout droit sorti d’un film d’Alex Garland – il faut bien renouveler la référence à Black Mirror –, le vénérable média étasunien nous apprenait que Med-PaLM 2, le modèle linguistique en question dédié au milieu médical, était déjà testé dans plusieurs hôpitaux et cliniques outre-Atlantique.
Il serait même déjà capable, selon Google, d’atteindre « une précision de 86,5 % sur les questions de l’examen américain sanctionnant l’obtention du diplôme de médecin, soit un bond de 19 % par rapport aux résultats de Med-PaLM » premier du nom. Pour rappel, l’IA générative tire son expertise des données avec lesquelles elle a été entraînée. Google a donc abreuvé Med-PaLM 2 avec une montagne d’informations médicales afin de la spécialiser davantage que ses concurrents, GPT-4 d’OpenAi ou LLaMA de Meta en tête.
Une pilule encore difficile à avaler
Pourtant la firme de Mountain View l’affirme : l’objectif de son nouvel outil est uniquement d’accompagner les médecins. Pas de les remplacer. Dans un mail diffusé en interne, Google estime que le plus important est de s’implanter dans « les pays qui manquent cruellement de médecins ». Bientôt la fin des déserts médicaux ? Avant de s’emballer, il convient à Google de répondre aux nombreuses interrogations soulevées par son projet, notamment au sujet du respect de la vie privée des patients.
Comme nous l’avons expliqué, ces modèles de langage ont besoin d’absorber une grande quantité de données communiquées par leurs interlocuteurs. Des data souvent sensibles, surtout dans un contexte sanitaire, qui se retrouvent compilées dans leur corpus d’informations au risque d’être réutilisé plus tard lors d’un échange avec un autre utilisateur. Bien décidé à rassurer ses futurs clients, Google affirme que les données traitées seront chiffrées et stockées par les hôpitaux eux-mêmes et qu’elles ne serviront pas à entraîner son IA. Un entrainement dont Med-PaLM 2 aurait pourtant bien besoin puisqu’elle manquerait encore de précision et aurait tendance à « halluciner », soit à générer des informations erronées avec aplomb. D’après certains professionnels interrogés, l’IA a donc besoin d’autres tests avant de pouvoir recommander les traitements adéquats, de quoi rassurer Google dans son choix de la déployer progressivement.
Des outils au service de leurs clien… de leurs patients
Mais pas de quoi se tourner les pouces, au risque de voir ses concurrents lui griller la politesse. Si l’on en croit les résultats d’une étude récente, ChatGPT serait bientôt apte à suppléer les médecins pour des taches bien précises. Concrètement, les soins de santé dispensés virtuellement se sont considérablement développés pendant et après la pandémie de COVID-19. Chez la plupart des prestataires de soins de santé, les patients peuvent désormais envoyer un message à leur médecin par l’intermédiaire d’un portail en ligne. Dans beaucoup de ces échanges, les patients posent des questions médicales sérieuses qui demandent une certaine expérience. Une charge de travail supplémentaire – et facturée aux patients – qui alourdit les emplois du temps déjà bien chargés des prestataires de soins de santé.
L’éclosion de ChatGPT a motivé le Dr John Ayers, vice-chef de l’innovation à la division des maladies infectieuses et de la santé publique mondiale de la faculté de médecine de l’université de San Diego, à vérifier en avril dernier si le chatbot pouvait répondre avec précision et empathie aux interrogations de ses patients. De quoi soulager le corps médical et réduire les coûts pour les patients. Les résultats obtenus par cette série de test ont été compilés dans un article publié dans la revue JAMA Internal Medicine. Après avoir sélectionné au hasard 195 échanges de questions-réponses publiés en octobre dernier sur Reddit /r/AskDocs, John Ayers et ses co-auteurs ont demandé à la fois à de vrais médecins et à ChatGPT – version 3.5 – d’y répondre. Ils ont ensuite montré les échanges à un groupe de professionnels de la santé afin d’évaluer les réponses des médecins et de l’IA en termes de qualité et d’empathie sur des échelles de 5 points.
Un chatbot pour les rassurer tous
Afin que les évaluateurs ne sachent pas si les réponses ont été écrites par ChatGPT ou par un médecin, les chercheurs affirment que « les réponses ont été classées au hasard, dépouillées de toute information révélatrice et étiquetées réponse 1 ou réponse 2 afin que les évaluateurs ne connaissent pas l’identité de l’auteur ». Et qu’elle ne fut pas leur stupeur : les résultats ont largement favorisé ChatGPT par rapport à leurs confrères de chair et d’os. Les évaluateurs ont préféré la réponse de l’IA dans 78,6 % des cas, donnant aux réponses de ChatGPT une note de qualité moyenne de 4,1 sur 5 contre 3,26 pour les médecins humains. Encore plus surprenant, les réponses de ChatGPT ont été jugé comme 9,8 fois plus empathique que les réponses des médecins.
Le Dr John Ayers estime dans un communiqué « les possibilités d’améliorer les soins de santé grâce à l’IA sont énormes » et même que « les soins augmentés par l’IA sont l’avenir de la médecine ». Pour conclure et pour vous permettre de vous faire votre propre idée, nous vous retranscrivons en le diagnostic d’un médecin et celui de ChatGPT à propos d’un patient ayant reçu de l’eau de Javel dans l’œil. Le premier explique au patient que « tout va bien se passer. Vous devez vous rincer l’œil chaque fois que vous recevez un produit chimique ou un corps étranger dans l’œil. Vous pouvez également contacter le centre antipoison au 1-800-222-1222 ».
ChatGPT, de son côté, commence par exprimer son désarroi « d’apprendre que vous avez reçu des éclaboussures d’eau de Javel dans l’œil ». Avant d’enchainer : « Il est important de rincer l’œil dès que possible après une éclaboussure de produit chimique afin d’éliminer le maximum de produit chimique et d’éviter toute irritation ou dommage supplémentaire. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous devez rincer votre œil avec de l’eau propre ou une solution saline dès que possible ».
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