7 septembre 2022

Temps de lecture : 4 min

LinkedIn, la plateforme qui permet de romancer son parcours professionnel

Selon plusieurs enquêtes publiées entre 2020 et 2022, la moitié, voire la majorité, des comptes publiés sur Linkedin contiendraient des informations « inexactes ou trompeuses ». Une situation qui ne surprendra finalement personne : qui d’entre nous n’a jamais enjolivé ou menti sur son CV ? Mais quels sont les risques encourus et surtout… quelles sont les chances de se faire prendre ?

Mentir sur son CV… Depuis la nuit des temps, romancer son parcours professionnel est un passage presque obligé pour tous les candidats qui cherchent à se distancer de la concurrence. Hier, il s’agissait d’étoffer son curriculum vitae et aujourd’hui sa page LinkedIn, mais la logique reste la même. Et Dieu sait – en l’occurrence Olivier Dussopt – que les exemples sont légion : bidouiller des périodes d’activité pas tout à fait exactes, s’inventer une foule de hobbies plus valorisants les uns que les autres – comme donner bénévolement 52h de son temps hebdomadaire à des associations,  renseigner l’obtention d’un diplôme alors même que vous ne l’avez jamais obtenu – pensez à rendre votre mémoire ou thèse en temps et en heure ! – ou encore spécifier un niveau bilingue en anglais complétement bidon… Autant d’exemples qui nous révèlent finalement que « vous êtes un être humain et, c’est un paradoxe, cela est plutôt rassurant, plutôt normal. Pas trop de culpabilité à avoir donc… », comme l’explique Gilles Payet, formateur et professeur à la Skema Business School, sur… sa page LinkedIn justement.

 

Le royaume du faux

Au dernier décompte, le réseau social se vantait d’habriter 850 millions de comptes individuels. Des chiffres qui ne cessent de grandir et qui ne font que conforter sa place de leader dans le champ des réseaux sociaux professionnels. Cependant, à moins qu’un utilisateur ne prenne le temps de remplir un formulaire identifiant certaines informations fausses ou inexactes sur un compte fallacieux, il est presque impossible pour la plateforme de déterminer si ces profils contiennent de fausses allégations sur le niveau d’éducation et/ou professionnel de leurs utilisateurs. Selon une enquête commanditée par LendEDU, 34 % des profils LinkedIn contiendraient des informations inexactes ou trompeuses. De quoi laisser penser que sur les 66% restants, beaucoup n’ont tout simplement pas oser l’avouer – oui nous sommes pessi… réalistes –. Sur les 1 252 personnes interrogées, 64 % ont ainsi répondu qu’elles ne renseignaient que des activités qu’elles avaient réellement effectuées, là où 23 % ont répondu que leur page contenait « quelques mensonges » et 11 % que leur profil était « presque entièrement constitué de choses que je n’ai jamais faites ».

 

Une dernière étude conduite par Babel en début d’année sur le sol britannique nous informait que « les hommes étaient plus enclins à mentir que les femmes ».

Dans le détail, 55 % des sondés affirment mentir avant tout sur leurs « compétences » et 26% sur les dates de travail des emplois renseignés. Il est intéressant de constater que le champ des compétences remporte haut la main le titre de catégorie la plus fallacieuse, quoi que logique : il semble beaucoup plus facile de mentir sur ses attributs que de falsifier une expérience professionnelle ou des résultats scolaires. En effet, il n’existe aucun moyen de vérifier qu’un candidat possède réellement les compétences qu’il revendique. En revanche, un simple coup de fil aux entreprises ou aux établissements académiques suffit à démasquer les plus « fourbes ». Enfin, une dernière étude conduite par Babel en début d’année sur le sol britannique nous informait que « les hommes étaient plus enclins à mentir que les femmes ».

Le parcours des combattants

Difficile, pourtant, de leur jeter la pierre. Gilles Payet le premier : « Vos mensonges me disent aussi que les process de recrutement nous poussent tous à nous présenter comme des champions et parfois comme des moutons à 5 pattes : compétences, qualités, expériences, connaissances, réseau, expertises, talents, personnalité, liens intuitu personae avec des influenceurs qui m’intéressent… Et que tout cela crée évidemment une pression. Et que cette pression pousse à cacher certains manques ou défauts ou absences. Oui, cacher des absences…». Une mise en concurrence poussée à l’extrême que certain.e.s vivent encore plus difficilement que d’autres :

« Dès mon arrivée en France en 2021, je me suis mis à chercher furieusement du travail en Newbiz. Fort d’un parcours académique solide dans mon pays d’origine, je me suis dit, candidement, que cela ne me prendrait que quelques semaines. Quatre mois plus tard, et à peine deux rendez-vous d’embauches passés pour une centaine de candidatures envoyées, j’étais toujours au même stade. Désespéré, je me suis mis à gonfler mon CV et ma page LinkedIn, dans la limite du raisonnable… Un mois et trois entretiens d’embauches plus tard, j’étais embauché dans l’entreprise pour laquelle je travaille toujours aujourd’hui », nous révélait ainsi un jeune diplômé tunisien qui, surprise, a choisi de garder l’anonymat.

 

 

Le jeu du chat et de la souris

Mais pour tous ces pauvres diables, expatriés ou non, qui ont chacun leurs raisons de céder aux sirènes de la tentation – et vivre, pour beaucoup, dans la crainte d’être, un jour, démasqués – quels sont les risques de se faire choper la main de sac, et surtout pour quelles sanctions ? En 2015, LinkedIn annonçait avoir déposé un brevet de 82 pages intitulé Interactive Fact Checking System. Comme son nom l’indique, il s’agissait de développer un système de vérification instantanée d’informations capable de « vérifier l’exactitude des informations » en les comparant à d’autres renseignements trouvés sur Internet. En somme, si LinkedIn décidait de mettre en œuvre ce système de fact-checking sur son site Internet, il agirait un peu comme un correcteur d’orthographe, appliqué aux faits. « Décidait », oui, car depuis cette annonce il y a maintenant sept ans… plus rien. Aucune date officielle, aucun renseignement sur son développement… silence radio. La plateforme a-t-elle sous-estimé le chantier qui s’offrait à elle ?

Pour Chris Harper, CEO de ZippedScript, interrogé sur le sujet par le média américain Fast Company : « Il est clair que le processus de vérification des candidats doit passer d’un système analogique à un système automatisé qui exploite la technologie actuelle. À l’ère de la blockchain et aux vues des progrès récents réalisées dans les technologies de collecte des données, cela ne devrait pas être si difficile à réaliser (…). Il y aura toujours des personnes qui se méfieront de ce genre de technologie de tracking, mais vérifier la véracité de ce qu’une personne a publié sur son profil n’a pas à être invasif et ne nécessitera pas forcément de cookies de suivi comme la publicité numérique actuelle. La technologie EST disponible, il est temps que nous l’utilisions ». Alors profitez de ce pseudo vide technologique tant que vous le pouvez. Le temps joue contre vous. En attendant, il est bon de rappeler qu’une loi qui date de 1992 prévoit que l’employeur a le droit – et même le devoir – de vérifier les informations inscrites sur un CV et que s’il ne le fait pas, c’est lui qui sera en tort aux yeux de la justice.

 

 

 

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