24 mai 2023

Temps de lecture : 5 min

« L’expérience de réalité mixte offre au visiteur une meilleure capacité de restitution », Scarlett Greco (Paris Musées)

Suivre les faits et gestes d’un résistant à la Libération de Paris, c’est ce que propose Le Musée de la Libération à ses visiteurs grâce à la réalité mixte. Une aventure des sens et de mémorisation menée par Scarlett Greco, détentrice de l’un des premiers masters spécialisés en patrimoine numérique. Aujourd’hui, responsable du Service Numérique de Paris Musées, avant d’avoir officié au musée du Quai Branly, et au Château de Versailles, cette dernière explique cette expérience avec ses partenaires Microsoft,  les casques Hololens 1 et 2, ainsi que Realcast, spécialiste des expériences interactives et immersives dans le secteur culturel. Xavier Perret (Microsoft) apporte aussi son éclairage technologique. Let’s go.

On sait, en médiation numérique, que plus nous impliquons le visiteur dans une expérience immersive, plus il se souvient et est capable de restituer ce qu’il a vécu

INfluencia : vous avez lancé avec Microsoft, et le casque Hololens ainsi que Realcast, cette visite assez unique en réalité mixte. Pouvez-vous nous dire en quoi cela consiste ?

Scarlett Greco : la réalité mixte est une technologie qui demande à la fois une haute qualité d’exécution, de la scénarisation, une histoire à raconter (notre objectif n’est pas simplement de montrer des tableaux ou des oeuvres), et ainsi de découvrir par identification à notre personnage, -un résistant dans le cas qui nous intéresse-, l’expérience telle qu’elle a été vécue.

IN. : est-ce une technologie que vous compter développer ?

S.Gr. : Le musée de la Libération de Paris est le seul dans l’immédiat du groupement Paris Musées, à bénéficier de cette opération unique. Nous n’excluons rien mais diverses technologies se présentent à nous, il faut que l’expérience corresponde à une nécessité de notre part. Comme je le disais, c’est à partir d’archives que nous avions en notre possession que Realcast a mis en scène via une application, le parcours de ce résistant, et à Hololens qui développe ces casques Microsoft que nous avons pu concrétiser cette expérience. Le visiteur est ainsi immergé, – non pas à la manière des expositions immersives que nous connaissons désormais bien-. L’idée est de faire participer le spectateur à un événement historique, du point de vue d’un personnage qui via un scénario, va nous faire partager son expérience… Ici, la libération de Paris.

IN. : comment les visiteurs accueillent-ils cette expérience ?

S.Gr. : nous n’avons pas mené d’enquête, mais nous nous sommes appuyés sur les commentaires et appréciations laissées dans notre livre d’or, chaque jour. Il faut savoir que ces visites se déroulent par sessions de 10 personnes, trois fois dans la journée. Or ces commentaires sont très positifs, ce qui est réjouissant puisque pour ces visiteurs, cette expérience de réalité mixte est une première.

IN. : quelles qualités sont elles requises pour pouvoir accéder correctement à cette expérience ?

S.Gr. : la visite est autorisée à partir de 12 ans (faute de casques plus petits !) Il n’y a aucune chose particulière à savoir, si ce n’est d’enfiler ce casque et de se laisser porter. Ce qui est impressionnant, c’est aussi l’âge des visiteurs, les plus âgés, aiment énormément, les plus jeunes adorent.

IN. : allez vous étendre cette technologie à d’autres musées?

S.Gr. : nous recensons 14 musées de la ville de Paris, au sein de Paris Musées, aujourd’hui nous n’avons pas encore incrémenté ce type de dispositifs dans d’autres musées Mais nous l’envisageons pour certains lieux patrimoniaux.

IN. : quels sont les freins ? Pourquoi attendre?

S.Gr. : il n’y a pas de freins, c’est surtout qu’aujourd’hui, plusieurs technologies coexistent. La réalité mixte en est une, elle s’adapte parfaitement à l’apprentissage de l’histoire, celle de ce résistant qui raconte La Libération de Paris, aux archives que nous avons entre nos mains, au scénario qui va être écrit, et à la volonté de plusieurs partenaires de la mener à bien. Mais si vous prenez une exposition dite classique et de courte durée, l’outil ne conviendrait pas tout à fait. Le tout immersif est une autre option qui ne répond pas aux mêmes besoins… En fait à chaque fois, nous cherchons, la bonne technologie.

IN. : est-ce la première expérience culturelle pour Microsoft?

Xavier Perret : il y a eu une expérimentation sur la maquette du Mont Saint Michel au musée de Seattle, (NDLR, Le Musée de l’histoire et de l’industrie de Seattle (MOHAI), a accueilli l’exposition  « Mont-Saint-Michel: Perspectives numériques sur le modèle » résultat d’une coopération entre le musée des Plans-Reliefs de Paris, Microsoft ainsi que les startups Iconem et Holoforge. Son ouverture coïncidait avec le 40ème anniversaire de la désignation du Mont-Saint-Michel comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Une deuxième, au sein du Muséum national d’Histoire naturelle, en coproduction avec le studio SAOLA, qui redonne vie à 11 espèces d’animaux aujourd’hui éteintes ou en danger d’extinction grâce à un parcours de réalité augmentée inédit au sein de la Grande Galerie de l’Évolution

Et une exposition exceptionnelle qui court actuellement au musée 104 et sera ensuite transposée au musée Georges Pompidou. Noire  : l’exposition immersive qui plonge dans l’Amérique ségrégationniste des années 50, au travers de Claudette Colvin, (NDLR, Si Rosa Parks refusait de céder sa place à un blanc dans un bus de Montgomery en Alabama. Neuf mois avant elle, dans la même ville, le 2 mars 1955, une frêle lycéenne de 15 ans a eu le courage de dire « non » à une femme blanche qui exigeait son siège : elle venait d’étudier la Constitution et se savait dans son droit).

D’une certaine manière, plus on s’affranchit de l’écran entre l’humain et le lieu, plus on lui permet d’exploiter l’ensemble de ses sens, son attention, sa capacité à restituer ce qu’il a vécu

IN. : est-ce l’avenir ? Ces expériences vont-elles remplacer les expériences muséales, l’apprentissage…

S.GR. : je suis convaincue à 100% que cette technologie est parfaitement adaptée à notre sujet. Je n’ai aucun doute sur cette technologie. On sait, en médiation numérique, que plus nous impliquons le visiteur dans une expérience immersive, plus il se souvient et est capables de restituer, la contextualisation, de ressentir, de transmettre leurs émotions, l’histoire. Et c’est notre mission. D’une certaine manière, plus on s’affranchit de l’écran entre l’humain et le lieu, plus on lui permet d’exploiter l’ensemble de ses sens, son attention, sa capacité de raconter. Donc cela fonctionne mieux en matière d’apprentissage. Ce qui n’est pas étonnant, à l’heure ou en Suède, des groupes d’enseignants tirent la sonnette d’alarme au sujet de l’utilisation des écrans à l’école, car leurs élèves mémoriseraient moins leurs cours…

IN. : réel et virtuel cohabiteraient naturellement alors?

X.P. :  moi, je ferai l’analogie avec notre propre expérience de formation chez Microsoft, et l’on sait que l’on apprend beaucoup mieux de cette manière…

S.Gr. : il y a plusieurs expériences possibles. Le numérique va-t-il remplacer l’expérience du musée ? Non. Comme toujours, on se pose la question. L’accès aux musées ne se fera pas sur écran, n’a pas remplacé la visite in situ. Et ne le fera pas. Jamais les lieux, monuments, musées n’ont connu une aussi grande fréquentation…

La politique des droits d’auteur qui veut que dès qu’une œuvre tombe dans le domaine public, elle appartient à tous, nous permet de faire vivre les œuvres, de es rendre vivantes, d’expérimenter, de partager, de diffuser… C’est très structurant pour nous.

 Xavier Perret: je ferai l’analogie avec notre propre expérience de formation chez Microsoft, et l’on sait que l’on apprend beaucoup mieux de cette manière…

IN. : vous imaginez des utilisations culturelles à vos technologies industrielles, mais quel est le rôle de la réalité mixte au sein de Microsoft ?

X.P. : cette technologie, on l’utilise dans les secteurs industriels, ce que l’on appelle aussi le metavers industriel, il s’agit de simuler des actions, de modéliser par exemple en 3D la gare de tramway sur la ligne 13, de former des gens à distance, ou bien d’assister un ingénieur ou un opérateur tout en sécurisant ses actions. Les guider pour qu’ils fassent les bons gestes.

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