13 décembre 2023

Temps de lecture : 3 min

L’étau antitrust se resserre autour des géants de la tech après la défaite de Google contre Epic

La victoire inattendue du studio Epic Games contre Google a ouvert une brèche dans la domination de l'économie mobile par le duopole Google-Apple, qui ne semblent désormais plus à l'abri d'un bouleversement de leur modèle.

Google abuse de son pouvoir pour étouffer la concurrence sur le marché des applications mobiles selon neuf jurés californiens, qui ont donné raison sur toute la ligne à l’éditeur du jeu Fortnite lundi.

Là où les élus américains et la justice des Etats-Unis ont jusqu’à présent botté en touche, échouant à changer la loi ou à sanctionner les entreprises concernées, le jury a fait voler en éclats le statu quo.

« Les géants de la tech ne sont pas au-dessus des lois », a commenté Matt Stoller, directeur de recherche à l’American Economic Liberties Project, car « c’est le premier échec de n’importe quelle grande entreprise technologique en matière de droit de la concurrence ».

Cette décision « crée un précédent », continue cet expert très critique des pratiques commerciales de la Silicon Valley.

Elle consacre l’existence du marché de la distribution d’applications mobiles, contestée par Google.

Et surtout, « l’entreprise sera désormais considérée comme présumée coupable. (…) Les juges et les jurys devront désormais trouver une raison de statuer en faveur de Google. Si, par exemple, le juge Amit Mehta à Washington choisit de laisser Google s’en sortir, cela ne fera pas bonne impression », détaille-t-il.

Le chercheur fait référence au procès antitrust historique des Etats-Unis contre Google, qui s’est tenu à l’automne dans la capitale américaine. Le verdict n’est pas encore connu.

Mesures correctives

Comme Epic Games, le ministère de la Justice accuse l’entreprise d’avoir bâti et entretenu son monopole – sur la recherche en ligne, dans ce cas – grâce à des pratiques illégales, comme de signer des contrats d’exclusivité illégaux pour que son service soit installé par défaut sur les appareils d’Apple et Samsung, notamment.

La balle est désormais dans le camp des juges, celui de Washington, et celui de San Francisco qui doit décider l’année prochaine des mesures correctives contre Google.

« La décision d’Epic de renoncer à des dommages-intérêts monétaires, et de demander à la place une injonction du juge, garantit que ce verdict permette de remodeler fondamentalement le monopole de Google », estime Katherine Van Dyck, conseillère juridique à l’American Economic Liberties Project.

Mais la résolution concrète du litige va certainement prendre des années. Google a déjà promis de faire appel de la décision.

La cour d’appel sera probablement la même que celle qui a en grande partie rejeté l’appel d’Epic contre Apple, après qu’une juge fédérale ait tranché en faveur du fabricant de l’iPhone en 2021, sur le même sujet.

Toutefois, « les cours d’appel n’annulent pas à la légère les verdicts des jurys et les mesures correctives », indique à l’AFP John Lopatka, professeur de droit à la Penn State’s School of Law.

L’affaire pourrait monter jusqu’à la Cour suprême. Epic et Apple lui ont déjà demandé de se saisir de leur différend.

Apple aussi

Même si Apple n’a pas perdu de bataille juridique aux Etats-Unis, la victoire d’Epic le menace tout autant que Google.

Le groupe a déjà dû céder du terrain à l’international. De la Corée du Sud à l’Europe, des lois obligent le fabricant de l’iPhone à assouplir les règles sur le téléchargement d’applications mobiles hors de l’App Store et le recours des méthodes de paiement alternatives (réclamé par les développeurs pour échapper à la commission d’Apple).

Via leurs systèmes d’exploitation mobiles Android et iOS, et les commissions sur les achats des utilisateurs, Google et Apple dominent de très loin l’économie mobile mondiale.

Un marché de taille: au premier semestre 2023, les consommateurs ont dépensé plus de 67 milliards de dollars dans les applications mobiles, selon data.ai.

« Le droit de la concurrence n’oblige pas Google à offrir ses services gratuitement », a fait valoir lundi Jonathan Kravis, avocat de Google, au tribunal.

Epic et ses partisans se défendent de chercher à payer moins. Le studio « veut que la cour force Android à garantir des magasins d’applis et des systèmes de paiement alternatifs », a souligné sur X (ex-Twitter) Adam Kovacevich, fondateur de Progress Chamber, une association technologique.

« Ce serait une décision assez radicale, qui transformerait Android », a-t-il ajouté, notant que Google expliquerait certainement dans son appel que « cela causerait le chaos en termes de sécurité pour les consommateurs ».

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