1 novembre 2021

Temps de lecture : 4 min

Laurence Bonicalzi Bridier (M Publicité): « Nous devons offrir à nos annonceurs l’accès de nos audiences, même payantes »

À l’exception du HuffPost, toutes les marques du groupe Le Monde cherchent à réduire leur dépendance à l’égard de la publicité notamment en développant leur nombre d’abonnés. Mais si le poids de la publicité dans les recettes est moins important qu’il y a une dizaine d’années, passant d’environ 50 % à 20 %, sa fonction reste stratégique, comme l’explique à INfluencia la présidente de M Publicité, Laurence Bonicalzi Bridier.

Le Monde
INfluencia : entre la priorité accordée au développement des abonnements et le modèle publicitaire, où en êtes-vous ?

Laurence Bonicalzi Bridier : toutes les marques du groupe Le Monde, à l’exception du HuffPost, ont mis en place le freemium. C’est un modèle qui se base à la fois sur la publicité et sur l’abonnement. Nous avons l’objectif d’atteindre un million d’abonnés fin 2023 et nous finirons l’année 2021 avec 500 000 abonnés, dont 100 000 en print, contre 216 000 au total en 2016. Cela montre bien l’accélération du nombre d’abonnés ces dernières années. C’est un choix. Cela nous permet  de garantir un meilleur équilibre et de devenir moins dépendants de la publicité. À côté de la publicité classique on peut ainsi retrouver l’abonnement, la vente au numéro et la diversification.

IN : quelle place occupe la publicité désormais dans le modèle du groupe Le Monde ?

L.B.B. : la publicité génère entre 15 % et 20 % des recettes du groupe. Si on y ajoute les revenus des leviers de la diversification, cela passe à entre 30 % et 35 %. C’est certes moins que les 50 % que la publicité générait il y a dix ans. Mais la question de la place de la publicité dans notre stratégie ne se pose pas qu’en ces termes. Nos marques restent essentielles au plan média d’un grand nombre d’annonceurs. Nos audiences aussi, avec à la fois des décideurs et leaders d’opinion et des jeunes. Depuis 2011, nous avons recruté  plus de 300 000 lecteurs âgés de 15 à 24 ans supplémentaires. De ce point de vue, la publicité sur nos marques médias demeure centrale.

IN : comment la diversification se traduit-elle chez vous ?

L.B.B. : la diversification comprend l’offre d’événements BtoB et BtoC et le publishing. Dans le premier cas, je fais référence aux nombreux événements que nos marques médias organisent depuis une dizaine d’années. Ces derniers portent sur des thématiques et s’adressent à des publics très variés, comme le Festival international de journalisme, Le Festival du Monde, Le Club de l’économie, etc.  Nous venons nous adosser à ces événements avec des partenariats au long cours. Quant à l’activité de publishing – production de livres blancs, création de sites, curation de contenus, etc. – elle se fait en marque blanche. Ce sont des leviers de diversification extrêmement intéressants pour nous.

IN: pourquoi avoir choisi d’afficher la publicité à vos abonnés numériques ?

L.B.B. : nous considérons qu’en diffusant la publicité à nos abonnés sur le digital, nous assurons une continuité à l’expérience qu’ils vivent déjà sur le print. C’est une question de cohérence : nous devons offrir à nos annonceurs l’accès à toutes nos audiences. Comment justifier à nos annonceurs, qui payent cher pour être présents sur le quotidien imprimé, le fait que la publicité ne serait pas bienvenue sur le numérique ? Bien évidemment, l’expérience publicitaire de nos abonnées est surveillée de très près avec une pression très allégée et des formats beaucoup moins intrusifs.

IN : ne craignez-vous pas que vos abonnés digitaux rejettent cette démarche ?

L.B.B. : ce n’est pas le cas pour l’instant. Une explication possible est qu’ils ont déjà l’habitude de voir la publicité sur le print. De plus, tout est fait « à la main », en gré à gré. Nous sommes très vigilants sur le message, la répétition et la qualité de l’intégration. Nous le faisons avec beaucoup de parcimonie et de test and learn. Enfin, ce n’est pas nouveau : dès le départ nous avons fait ce choix d’intégrer la publicité à nos offres payantes sur le digital.

IN : quels sont vos autres leviers de croissance ?

L.B.B. : les opérations spéciales et le brand content sont en nette croissance au sein de notre chiffre d’affaires. Les raisons à cela sont multiples, à commencer par l’excellence d’exécution de la maison Le Monde. Nous disposons également d’un grand nombre de marques médias qui sont à la fois singulières et complémentaires et que nous pouvons associer à nos dispositions. Souvent aussi nos partenaires s’intègrent aux sujets que nos rédactions comptaient déjà traiter. Nous avons par exemple associé Harmonie Mutuelle au dossier que L’Obs souhaitait traiter sur l’aide aux aidants. Cela a donné naissance au dispositif « Les visages de la solidarité ».

IN : quelle est la participation du print dans vos recettes et son rôle dans vos stratégies.

L.B.B. : le print répond pour 65 % de nos recettes publicitaires, contre 35 % sur le digital. Chez nous, le print se tient aussi bien à l’égard de nos recettes que de nos audiences. C’est très spécifique à nos marques. Prenons l’exemple de M, le magazine du Monde. C’est un rendez-vous premium incontournable pour les marques de luxe. Nous n’avons pas enregistré de baisse ni de nos revenus ni de nos audiences. Ces dernières continuent de consommer le print mais également les déclinaisons de la marque sur Instagram ou en podcast. Même chose pour Télérama ou le Courrier International. Pour ces marques fortes, leurs différents canaux ne sont pas en concurrence.  C’est aussi pour cela que nous allons de plus en plus nous diriger vers une logique chaque fois plus décloisonnée. Aujourd’hui les campagnes hors opérations spéciales sont encore beaucoup traitées en silos. Dans un avenir proche, à l’horizon 2002-2023,  on va se baser davantage sur des stratégies d’audience quel que soit le canal. On pourra alors proposer aux annonceurs des programmes mêlant différents leviers digital et print suivant le timing  et la consommation qui correspondent au mieux aux audiences qu’ils cherchent à toucher. Nous ne sommes qu’au début.

IN : quels sont les autres chantiers prioritaires de la régie pour les semaines et mois à venir ?

L.B.B. : nous tenons à continuer de développer notre stack technique afin de garder notre indépendance à l’égard des GAFA, qui sont par ailleurs également nos partenaires. Nous avons beaucoup œuvré au développement technique côté éditeur et côté régie. Beaucoup de nos solutions sont propriétaires. Notre enjeu est de disposer de solutions valides pour toutes nos audiences, cookieless ou pas. C’est aussi d’être capables de répondre aux besoins de nos annonceurs y compris sans cookies tiers. Nous testons beaucoup de solutions et disposons déjà d’une grande capacité en contextuel, en sémantique et en first party data.

En résumé

Dans ce neuvième entretien qu’INfluencia consacre à la monétisation digitale, on s’intéresse au modèle économique du groupe Le Monde. Avec Laurence Bonicalzi Bridier, présidente de M Publicité, la régie du groupe, on apprend qu’à l’exception du HuffPost, dont le modèle est 100 % publicitaire, toutes les marques du groupe cherchent à réduire leur dépendance à la publicité. Cela passe notamment par le développement du nombre d’abonnés: on table sur 1 millions d’abonnés d’ici fin 2023 contre 216 000 en 2016. La publicité quant à elle ne pèse plus que 20 % des recettes du groupe voire 35 % si on y ajoute les activités de publishing et les partenariats autour de l’événementiel , contre 50 % il y a dix ans. Les marques du Monde ne négligent pas pour autant l’importance de la publicité dans leur modèle. Bien au contraire, celle-ci reste «centrale ». Dans le digital, Le Monde a d’ailleurs fait le choix d’afficher la publicité à tous ses lecteurs, y compris abonnés. Dans ce contexte de mutation, les frontières publicitaires entre le print et le digital devront s’atténuer même hors opérations spéciales, l’objectif pour la régie étant de développer un achat média basé sur les audiences quel que soit le canal – print, site, pages sociales, podcasts. À noter que le print répond encore pour la majorité des recettes publicitaires (65 %) du groupe.

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