2 juin 2025

Temps de lecture : 9 min

Christopher Baldelli (T18) : « La télévision ne doit pas s’interdire de proposer ce qui fait aussi l’intérêt des réseaux sociaux »

Le 6 juin prochain à 19h45, T18 prendra l'antenne sur le canal 18 de la TNT. Une chaîne généraliste grand public lancée par le groupe MCI qui affiche son ambition : faire "une télévision de qualité et accessible, à la fois informative et divertissante". Christopher Baldelli, son directeur général nous en dit plus sur ce projet et la vision qui le porte.

Nouvelles frontières, nouvelles opportunités

En 2025, le paysage de la publicité « Total Video » (T.V.) — englobant la télévision linéaire, la télévision connectée (CTV), la télévision adressable et la vidéo on-line — sera marqué par plusieurs enjeux majeurs.

Rendez-vous le 04 juin 2025 au Pullman Montparnasse (Grand Ballroom) – Paris 14e de 8h30 à 12h30.

INfluencia : Après avoir dirigé Public Sénat et d’autres médias… lancer une nouvelle chaîne est un challenge, un projet enthousiasmant ?

Christopher Baldelli : Oui, c’est un challenge et très enthousiasmant. D’ailleurs, les animateurs comme Laurent Ruquier ainsi que mon équipe de professionnels venus de TF1, Mediawan et France Télévisions nous ont rejoints, portés par l’énergie et l’enthousiasme du projet, car c’est une occasion unique, dans une vie professionnelle, de lancer une nouvelle chaîne. Il y a une vraie ambition sur ce projet. Nous avons démarré il y a seulement un peu plus de six mois pour monter une chaîne en partant de 0, certes avec le soutien du groupe CMI mais nous avons vraiment construit cette nouvelle chaîne, de la première brique à ce qu’elle sera au moment de son lancement. Aujourd’hui, nous sommes très concentrés dans la dernière phase puisque maintenant nous sommes rentrés dans le « money time » comme on dit en sport.

IN. : Qui vous a sollicité pour construire cette nouvelle chaîne gratuite sur la TNT ?

C. B : C’est Denis Olivennes qui dirige le groupe CMI France et Editis. Nous avons naturellement beaucoup échangé ces derniers mois, j’ai eu un soutien très fort et très important de sa part. C’était indispensable, parce que pour monter une chaîne en espérant qu’elle soit la meilleure chaîne possible au lancement — et ensuite, bien sûr — mais surtout en aussi peu de temps, on n’a pas une minute à perdre. Il faut que tout le monde soit très aligné et que nous marchions au même rythme. C’est ce qui s’est passé, et cela a été essentiel.

Sur des chaînes plus petites, on entre véritablement dans le détail.

IN. : En quoi votre dernière expérience chez Public Sénat vous a guidé pour définir la vision de ce nouveau projet ?

C.B : Le vrai paradoxe c’est que quand vous dirigez de très grandes maisons comme France 2, la première chaîne publique ou RTL, la première radio de France à l’époque où je l’ai dirigée pendant dix ans, vous avez beaucoup de moyens et de collaborateurs. Votre vue du média n’est alors pas aussi poussée que sur des médias qui sont par leur taille plus petits, c’est le cas évidemment de Public Sénat et de T18. J’avais vécu ce choc quand j’ai quitté la direction générale de France 2 pour diriger toutes les chaînes numériques du groupe M 6 (10 chaînes dont W9, Paris Première… sauf M6) et tout d’un coup je me suis retrouvé sur des chaînes qui étaient cent fois plus petites que France 2. De fait, vous apprenez une autre économie, une autre façon de travailler. Et surtout, j’ai toujours été un dirigeant très opérationnel : sur des chaînes plus petites, on entre véritablement dans le détail. Quand on a dirigé Public Sénat, une chaîne de taille à peu près équivalente à T18, normalement si on la dirige bien on sait exactement ce qui se passe dans une chaîne de A à Z.

Nous sommes une chaîne privée, généraliste et grand public. Mais cela n’empêche pas, qu’un média – même privé – ait aujourd’hui une véritable responsabilité sociétale.

IN. : Si Public Sénat et T18 jouent dans la même cour en termes de taille, elles sont néanmoins très différentes tant sur le plan éditorial qu’économique, mais ne peut-on pas faire quelques parallèles ?  

C.B : Oui, T18 est radicalement différente de Public Sénat, c’est une chaîne privée et non publique, qui sera entièrement financée par la publicité. Par ailleurs, Public Sénat a des spécificités, comme être une chaîne parlementaire. Nous sommes une chaîne privée, une chaîne généraliste et une chaîne grand public. Mais cela n’empêche pas, je crois, qu’un média – même privé – ait aujourd’hui une véritable responsabilité sociétale. Il est là, selon moi, pour permettre à nos concitoyens de s’informer, d’apprendre, de disposer de clés pour réfléchir. De ce point de vue, il est vrai que l’on peut établir un parallèle avec une chaîne comme Public Sénat. Il y a aussi plutôt la volonté chez T18 d’élever le téléspectateur que de le ramener parfois vers des sentiments qui peuvent être divertissants mais qui ne sont pas nécessairement le meilleur de l’humanité, ce que l’on peut trouver dans certaines émissions de télé réalité par exemple.

Nous voulons une chaîne de qualité, c’est aussi la raison pour laquelle nous aurons une émission quotidienne de débats sur l’actualité, ce n’est pas si fréquent sur une chaîne généraliste.

IN. : S’informer, apprendre, donner des clés de réflexion… Quel est le fil rouge de la grille de T18 et pourquoi ce positionnement ?

C.B : Il y a deux dimensions. La première dimension, il y a 25 chaînes de TNT, nous avons cherché, à certains endroits, à différencier notre offre. Prenons deux exemples. Le documentaire sera très présent sur la chaîne avec plus de 3000 heures parce que, d’une part je pense que ce programme est un bon moyen de compréhension du monde et, d’autre part qu’il n’est pas le genre le plus présent sur les autres chaînes à l’exception d’une chaîne thématique dédiée aux documentaires. Le deuxième exemple a trait au divertissement. Nous allons proposer des programmes de lifestyle, décoration, cuisine, découvertes, etc. C’est aussi une offre assez peu présente sur les autres chaînes. Si je parle maintenant d’un point de vue global, c’est une chaîne généraliste et non une chaîne élitiste. Nous voulons une chaîne de qualité qui apporte aux spectateurs des contenus qui l’intéressent, c’est aussi la raison pour laquelle nous aurons une émission quotidienne de débats sur l’actualité, ce n’est pas si fréquent sur une chaîne généraliste.  

Le carrefour du pré-access est très encombré pour les émissions autour de l’actualité ou les « talk », nous avons donc pris la décision de mettre notre rendez-vous quotidien en deuxième partie de soirée.

IN. : Vous avez choisi de programmer « Pour tout dire », une émission quotidienne traitant de l’actualité, animée par Matthieu Croissandeau, plus tardivement dans la soirée. Un choix pour vous démarquer face à la concurrence ?  

C.B : La télévision linéaire, c’est à la fois l’art de proposer des bons programmes et l’art de les proposer au bon moment. Dans un paysage où 25 chaînes sont en concurrence, nous avons constaté que le carrefour du pré-access est très encombré pour les émissions autour de l’actualité ou les « talk », nous avons donc pris la décision de mettre notre rendez-vous quotidien en deuxième partie de soirée mais assez tôt à 22h30.

IN. : Je reviens au lifestyle dont les contenus sont plébiscités sur les réseaux sociaux auprès d’une large audience. Peut-on dire que cette tendance a joué un rôle dans votre réflexion et le développement de ces programmes ?

C. B : Bien sûr, c’est évident, le développement du lifestyle sur les réseaux sociaux montre une appétence et un intérêt. À ce sujet, le groupe édite plusieurs marques référentes sur la décoration, la cuisine… Elle Décoration, Elle à table et Art & Décoration. Les réseaux sociaux font partie de l’offre, mais je pense que la télévision ne doit pas s’interdire de proposer ce qui fait aussi l’intérêt des réseaux sociaux. Car aujourd’hui, les consommations pour beaucoup ne sont pas alternatives, elles sont souvent complémentaires. Depuis vingt ans, j’entends que la télévision est en crise et condamnée mais la réalité aujourd’hui est que la télévision, y compris linéaire, quand on regarde les audiences, continue à être très solide.

IN. : Une télévision qui s’inscrit également dans un espace numérique en constante évolution. Comment appréhendez-vous cette question ?

C.B : Nous serons bien sûr une chaîne 360 numérique, présente sur les réseaux sociaux et en replay. Lancer une chaîne dans un délai court est un exercice très complexe, alors au moment du lancement, nous nous sommes vraiment concentrés sur la chaîne linéaire qui représente l’essentiel de l’audience pour toute chaîne de télévision et sur le linéaire. Le replay chez les différents opérateurs et sur notre propre site va arriver au fur et à mesure dans les mois qui viennent.

Il y a déjà des collaborations. Nous travaillons d’ores et déjà avec Loopsider, un acteur numérique du groupe.

IN. : T18 est une chaîne de CMI France, éditeur de presse magazine, de contenus multi-supports et de solutions digitales. Des passerelles vont-elles se faire avec les autres entités du groupe ?

C.B : Nous avons toujours dit, T18 n’est pas une chaîne qui a vocation à être l’assemblage des médias et des titres de presse du groupe car la télévision est vraiment un média différent. En revanche, il y a déjà des collaborations. Nous travaillons d’ores et déjà avec Loopsider, un acteur numérique du groupe, pour les réseaux sociaux. Par ailleurs, la rédactrice en chef du magazine Elle Ava Djamshidi animera une émission autour d’un sujet de société qui peut être traité dans Elle. Il y aura sûrement d’autres collaborations mais fondamentalement nous sommes la télévision du groupe, un média en soi.

IN. : Retransmission de spectacles, achat de documentaires et films, création de programmes…, quels sont les axes majeurs de votre politique d’acquisition des contenus ?

C.B : Pour le lancement de la chaîne, il y aura beaucoup d’inédits,1300 heures par an. Pour une chaîne de la TNT, c’est un niveau très élevé, parmi les plus élevés, notamment à travers les trois émissions que nous montons d’entrée de jeu, la quotidienne et les deux hebdos. Par ailleurs, vous avez raison, une chaîne de la TNT c’est aussi une politique d’acquisition en documentaires, en cinéma et en magazines. Je suis entouré des bons professionnels, et c’est un métier que je connais bien. Nous travaillons sur tous les catalogues disponibles et nous avons constaté que beaucoup de programmes intéressants n’avaient pas été diffusés depuis longtemps alors que nous pensons qu’ils ont toujours un intérêt pour les spectateurs. C’est le cas par exemple du premier film que nous diffusons le jour du lancement de la chaîne (6 juin 2025), Yves Saint Laurent réalisé par Jalil Lespert (2014) avec Pierre Niney qui a reçu le César du meilleur acteur pour sa prestation dans ce film.

IN. : 1300 inédits par an. Représentent-t-ils la part d’investissement la plus importante ?  

C.B : Ce sera une part en volume inférieur évidemment aux programmes faisant l’objet d’achat mais en termes de budget, ce sont deux enveloppes sensiblement égales. Les moyens que nous allons consacrer à l’inédit sont à près aussi importants que ceux consacrés aux achats.

Nous avions lancé un dispositif spécial pour des annonceurs qui souhaitaient accompagner notre lancement. Ce dispositif réservé à neuf annonceurs a rempli son objectif.

IN. : Votre modèle économique repose sur la publicité dans un marché à la fois très concurrentiel et tendu. Les annonceurs sont-ils au rendez-vous ?  

C.B : C’est la régie publicitaire de TF1 (TF1 Publicité) qui nous commercialise et je peux effectivement vous dire que dès le mois de janvier beaucoup d’annonceurs se sont manifestés. Nous avions lancé un dispositif spécial pour des annonceurs qui souhaitaient accompagner notre lancement. Ce dispositif réservé à neuf annonceurs a rempli son objectif. À ces neuf annonceurs s’ajoutent bien sûr les autres annonceurs sur les écrans publicitaires classiques. Alors à ce stade, nous pouvons dire que le démarrage sur le marché publicitaire est très positif et la chaîne est visiblement très bien accueillie.

Nous nous sommes fixé un objectif d’équilibre en 4e année.

IN. : Quels sont vos objectifs à moyen et/ou long terme sur le plan économique et en termes d’audience ? Vous appuyez-vous sur des indicateurs précis ?

C.B : Nous considérons qu’une chaîne de télévision sur la TNT, ce qui a été parfois le cas pour certaines chaînes, n’a pas comme objectif de perdre éternellement de l’argent et d’être en déficit. Donc, nous nous sommes fixé un objectif d’équilibre en 4e année. Notre équipe en place va continuer à grandir mais cela renvoie à l’équilibre économique, nous nous organisons avec une grande efficacité. Concernant les audiences, nous n’avons pas d’objectif public la première année.

IN. : T18 prendra l’antenne à 19h45 le 6 juin prochain avec l’émission « T18, c’est maintenant » présentée par Laurent Ruquier. L’animateur incarne-t-il en quelque sorte le porte-drapeau de votre chaîne ? Pourquoi ce choix ?

C.B : Nous avons fait le choix dès le début d’incarner la chaîne avec trois professionnels à la fois reconnus et des personnalités fortes, Laurent Ruquier, Matthieu Croissandeau et Ava Djamshidi. C’est vrai, Laurent Ruquier est une véritable star de la télévision. Pour lancer une chaîne, avoir un « médiateur » reconnu du public, un animateur à la fois populaire et apprécié pour la qualité de son travail, est une chance. Ce n’est pas l’ex-patron de RTL qui l’a nommé aux commandes des Grosses Têtes qui vous dira le contraire ! En effet, il incarne en quelque sorte le porte-drapeau de ce lancement, et c’est pourquoi nous lui avons confié l’émission inaugurale de la chaîne « T18, c’est maintenant ». Cela dit, il ne représente qu’une partie de la chaîne, d’autres visages y sont déjà présents, et de nouvelles personnalités viendront nous rejoindre dès septembre.

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