17 octobre 2023

Temps de lecture : 4 min

Que nous prépare vraiment Elon Musk pour X (ex-Twitter) ?

Le grand pope de Tesla et de SpaceX n’en a toujours pas fini de détruire — pour mieux reconstruire ? — les fondations de son réseau social bien aimé. Un travail de démolition au service d’une vision radicale pour transformer X en une sorte de « super-application ». Tant que l’architecte ne se plante pas dans ses plans…

« Maintenant que je me suis immergée dans l’entreprise et que nous avons un bon regard sur ce qui est prévisible », il est possible d’affirmer « qu’au début de 2024, nous réaliserons des bénéfices ». C’est ce que déclarait Linda Yaccarino, PDG de X, lors d’un entretien avec Julia Boorstin de CNBC en préambule de la Code Conference début octobre. L’occasion pour la dirigeante en poste depuis mai dernier de défendre les mesures entreprises depuis le rachat de la plateforme par Elon Musk il y a un peu plus d’un an. Pas de bol, ses déclarations pleines d’optimisme ont été accueillies par un certain scepticisme de la part du public…et pour cause. Coté à la bourse de New York depuis 2013, Twitter a affiché une perte nette chaque année, sauf en 2018 et 2019.

Pourtant, cette sortie s’inscrit dans la lignée d’autres commentaires formulés par la PDG cette année. En juillet, elle déclarait ainsi que X n’avait jamais autant attiré les foules et en août, elle affirmait carrément que l’entreprise était « proche du seuil de rentabilité ». Lors de la conférence, la dirigeante s’est permise d’avancer que 90 % des 100 principaux annonceurs étaient revenus sur la plateforme au cours des 12 dernières semaines et que X comptait environ 225 millions d’utilisateurs actifs quotidiens… contre 238 millions avant l’acquisition – de quoi remettre en cause, en moins en partie, son discours –.

 

 

Rassurer pour mieux vendre de l’espace pub

Au cours de cette conférence qui devait lui permettre de préciser la stratégie entreprise ces derniers mois, Linda Yaccarino a également mentionné que X avait réduit drastiquement ses coûts de personnel en ramenant ses effectifs à 1 500 employés – contre 8 000 avant l’acquisition – et que le temps passé par les utilisateurs ne faisait qu’augmenter depuis juin. Une tendance rapidement contestée par son interlocuteur en se basant sur des données du cabinet Apptopia : X serait en réalité victime d’une baisse de trafic et du nombre de ses utilisateurs, et ses téléchargements auraient chuté de 30 % au cours des deux mois qui ont suivi le changement de direction.

Depuis son arrivée, Linda Yaccarino cherche à dissiper les doutes et à retrouver la confiance des investisseurs. Mais en a-t-elle seulement les capacités ? Une question qui devait également trotter dans la tête de la journaliste de CNBC au moment de demander à la dirigeante si son mogul de patron l’avait consultée avant de lancer ses chantiers. « Nous parlons de tout », lui a-t-elle répondu… Pourtant, depuis sa prise de pouvoir au « sommet » de la pyramide, la directrice peine à s’émanciper de l’aura d’Elon Musk. Même si cette dernière assure « avoir de l’autonomie », elle semble en réalité dépendre au jour le jour des décisions prises par le patron de Tesla, Neuralink et Space X et annoncées dans la foulée sur son compte perso.

 

marcher sur les plates-de-bandes des applications de messagerie instantanée telles que Messenger ou WhatsApp.

Une « super killer app » en devenir

Une tutelle forcée dont le succès dépend de la viabilité des mesures entreprises par le Musk… qui ne font que s’enchainer depuis quelques mois. Le 19 mai dernier, par exemple, la plateforme permettait pour la première l’envoi de notes vocales dans les conversations privées afin de marcher sur les plates-de-bandes des applications de messagerie instantanée telles que Messenger ou WhatsApp. À peu près à la même date, Elon Musk annonçait que, dorénavant, les messages privés seraient chiffrés de bout-en-bout, à la manière, encore une fois, de WhatsApp. « La sophistication de ce système va croître rapidement. L’épreuve de vérité est que je ne pourrais pas voir vos [messages privés] même si j’avais un pistolet sur la tempe », avait-il commenté à l’occasion.

n’importe quel émoji, et non plus seulement avec le sempiternel coeur

Le réseau permet également de réagir à un message privé avec n’importe quel émoji, et non plus seulement avec le sempiternel coeur comme c’était le cas depuis ses débuts, ou encore de répondre à un message spécifique en le citant dans une conversation, ce qui était déjà une fonctionnalité essentielle de ses concurrents. L’autre chantier en œuvre actuellement consiste à développer l’envoi de vidéos dans les DM, sans oublier les mesures les plus médiatisées, telles que la disparition des titres des articles de presse ou encore la volonté de proposer des abonnements payants pour contourner les règles de la RGPD. Toutes ces mesures, et celles encore à venir, s’inscrivent dans la volonté d’Elon Musk de transformer X en une « super-application » sur le modèle de son concurrent WeChat qu’il avait lui-même cité en exemple. Pour rappel l’application chinoise permet à la fois de communiquer avec d’autres utilisateurs, de réaliser des achats en ligne, de commander un taxi, d’effectuer des opérations financières ou même de divorcer.

 

 

Quelles sont ses chances de réussite ?

Certaines voix saluent déjà cette volonté de bâtir une application au croisement de toutes les autres et qui réunirait le meilleur de chacune d’entre elles. Dans une industrie qui ne cesse de se concentrer et qui laisse peu de place aux nouveaux arrivants, cette stratégie a du sens, d’autant plus quand on considère le succès de WeChat. Mais pour atteindre le nombre d’utilisateurs nécessaire au bon fonctionnement d’une super-application, Musk doit avant tout (re)gagner leur confiance… et celle des développeurs qui seraient à même d’alimenter la plateforme en outils et en applications.

Aux États-Unis comme en Europe, les consommateurs se méfient de plus en plus des plateformes numériques dont les modèles commerciaux impliquent la captation et le traitement à grande échelle de leurs données. Il est également probable que ces projets soient gâchés par la concurrence, à savoir Meta qui a progressivement intégré des systèmes de paiement dans ses plateformes Facebook, Instagram et Messenger ces dernières années, et TikTok qui investit massivement dans l’intégration de fonctionnalités d’achat en ligne. Nous ne sommes donc pas dans un contexte ou une nouvelle super-app pourrait rameuter les troupes. En théorie seulement, car force est de constater qu’Elon Musk ne s’est pratiquement jamais trompé quand il s’agit de fixer un cap stratégique pour ses entreprises, aussi fou soit-il.

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