10 avril 2023

Temps de lecture : 5 min

« La dynamique des jeux est telle qu’elle va bien au-delà des seuls équipements sportifs » Tony Estanguet

Une carrière hautement sportive et familiale en canoë-kayak : deux frères et un père médaillés, lui même triple champion olympique et six fois champion du monde (or et argent)… La compétition est dans le coeur de Tony Estanguet, et les valeurs du sport des moyens tout autant que des fins alors qu’il est élu par ses pairs à la commission des athlètes du Comité international olympique (CIO) en août 2012. En novembre, il se retirait de la pratique de haut niveau et acceptait en 2013 la présidence du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été de Paris 2024. Sans pagaies et sans faiblir, il prône une dynamique vertueuse.

INfluencia – comment définiriez-vous les JOP de Paris par rapport aux précédents ? Quels sont les enjeux pour Paris 2024 ?

Tony Estanguet : nous avons l’ambition de Jeux spectaculaires, plus responsables, plus exemplaires, paritaires, utiles et ouverts ! Spectaculaires avec des sites magnifiques en coeur de ville, et des cérémonies d’ouverture, pour la première fois en dehors des stades, qui offriront un écrin sublime pour magnifier les sports et les performances des athlètes. Plus responsables, avec des émissions carbone réduites de moitié par rapport aux éditions précédentes, et pour y parvenir des objectifs concrets sur chaque grand marqueur des Jeux : la construction, l’alimentation, les transports et l’énergie. Plus exemplaires, ensuite, avec des dispositifs tels que la billetterie solidaire : la possibilité de faire un don au Secours Populaire pour que des publics qui n’en ont pas les moyens puissent vivre l’expérience des Jeux en vrai, depuis les tribunes. Paritaires, avec pour la première fois de l’histoire autant d’athlètes femmes et hommes en lice. Utiles, car ils laisseront un héritage durable,  notamment pour des territoires tels que Marseille et surtout la Seine-Saint-Denis – qui bénéficie de 80 % des investissements publics liés aux Jeux. Et enfin nous avons insisté sur des Jeux « ouverts » : ouverts aux territoires, ouverts au plus grand nombre ; voyez le dispositif Terre de Jeux 2024 qui associera plus de 3 000 collectivités à la dynamique de Paris 2024, ou encore les premières épreuves pour toutes et tous, comme le « marathon pour tous ».

IN : comment les valeurs de l’olympisme se traduisent-elles dans les Jeux de Paris 2024 ?

TE : les trois valeurs historiques de l’olympisme sont l’excellence, l’amitié et le respect. Je dirais avant tout que l’amitié et le respect sont des valeurs inhérentes au sport et à notre projet, et sont à la base de tout. Sans solidarité ni dimension collective, sans travail en bonne intelligence et dans le respect des uns et des autres, on ne parvient à rien de grand ni de durable. Ce sont des évidences que l’on constate dans notre travail au quotidien, et que nous gardons en t.te depuis le premier jour de notre projet. L’excellence est un autre principe qui guide nos pas, et que nous tâchons d’appliquer à tous les niveaux, sportif, environnemental, créatif ; je vais y revenir. A Paris 2024, si nous nous reconnaissons à fond dans ces valeurs de l’olympisme, nous les déclinons à notre manière.

Les trois valeurs qui sont à la base de la vision de notre projet sont ainsi la créativité, l’exigence et le partage. La créativité, tout d’abord : nous cherchons à réinventer et à redonner du sens à chaque grand marqueur des Jeux.

Nous l’avons fait en dévoilant des cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques pour la première fois en coeur de ville, dans des endroits aussi chargés d’histoire que sublimes : sur la Seine pour l’une, et au pied des Champs-Elysées, sur la place de la Concorde, pour l’autre. Nous l’avons aussi fait avec l’emblème de Paris 2024 : un visage de femme, hommage . la Marianne républicaine ainsi qu’aux premiers Jeux paritaires de 2024, ou encore avec nos mascottes, les Phryges, références évidentes au bonnet phrygien, le symbole révolutionnaire de 1789. L’exigence est un principe qui devient un impératif alors que nous devons livrer le plus grand événement sportif mondial, avec des enjeux énormes en termes d’infrastructures à gérer, de publics à accueillir, de repas à prévoir, etc.

Paris 2024, c’est le défi du siècle dans notre pays, que nous devons réussir collectivement ! Et pour ce qui est de l’exigence, avec le sport de haut niveau, je peux vous dire que nous avons été à bonne école !

Ce qui m’amène à la dernière valeur, celle du partage, que je relierais à la dimension d’ouverture. Elle est à la base de notre projet : notre slogan « Ouvrons grand les Jeux » en témoigne. D’où notre volonté de faire des Jeux ouverts : ouverts à la population avec les épreuves et célébrations en ville ; ouverts sur les territoires, avec des dispositifs tels que Terre de Jeux 2024 que j’ai déjà mentionnée ; ouverts, pour prendre un dernier exemple, avec le marathon pour tous que j’ai déjà cité également.

 

Le dispositif des 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école, voilà le type de mesure qui restera au-delà des Jeux, voilà ce à quoi nous sommes fiers d’avoir contribué !

IN : que pensez-vous de ce sondage d’Harris Interactive/ France Télé : « 83 % des Français affirment que les Jeux auront un impact positif sur leur vie » ?

T.E : j’en pense du bien !
Déjà parce que le fait d’accueillir les Jeux en France sera un événement unique, qui ne se vit qu’une fois dans sa vie, et que cela doit nous apporter des émotions fortes mais aussi un sentiment de fierté collective. C’est la magie des grands événements, surtout sportifs : cette capacité à faire vibrer à l’unisson, à rassembler, autour de valeurs positives. Mais au-delà des trente jours de fête, ce que nous avons en tête depuis le départ, c’est de faire en sorte que les Jeux et toute la dynamique autour profitent au plus grand nombre, avec des incidences positives pour les Françaises et les Français. J’ai un exemple très concret en tête : Paris 2024 a expérimenté et « incubé » le dispositif des 30 minutes d’activité physique quotidienne à l’école, avant qu’il soit généralisé à l’ensemble des écoles primaires avec le soutien de l’État. Voilà le type de mesure qui restera au-delà des Jeux, voilà ce à quoi nous sommes fiers d’avoir contribué !

 

Avec Paris 2024, nous sommes persuadés qu’il est possible d’avoir une approche plus responsable, plus durable, plus équilibrée dans l’organisation des grands événements, notamment sportifs.

 

IN :  Londres s’était transformée pour permettre l’accès aux sites et aux épreuves. L’organisation de ces premiers jeux paralympiques de Paris 2024 va-t-elle aider à changer le regard sur le handicap ?

T.E : c’est un exemple parfait de ce dont nous venons de parler. Avec Paris 2024, nous avons une ambition énorme pour les Jeux paralympiques, et nous voulons d’abord montrer les exploits des para-athlètes, et les histoires derrière ces personnalités souvent très fortes, pour nous inspirer tous autant que nous sommes. Favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap serait assurément l’une des choses dont nous serions le plus fiers à Paris 2024. Nous mettons tout en oeuvre pour préparer ce grand rendez-vous, pour qu’aucune Française, aucun Français, ne se dise après coup : mince, j’ai manqué les Jeux paralympiques, je ne savais pas que ce serait aussi dingue !

IN : on attend un héritage de Paris 2024 : équipements, retombées économiques, éducatives et de santé. Mais une fois les Jeux terminés, n’avez vous pas peur que l’euphorie autour du sport retombe et que sa place n’évolue pas dans le système scolaire et sportif ?

T.E : j’ai déjà parlé de la généralisation des 30 minutes d’activité physique à l’école primaire.
Mais j’aurais aussi pu citer les infrastructures construites pour l’occasion sur des territoires actuellement carencés comme celui de la Seine-Saint-Denis, qui aura un meilleur accès à la pratique sportive (et notamment aux piscines) mais aussi à plus de logements, à des écoquartiers ou encore à des moyens de transport facilités – car la dynamique des Jeux est telle qu’elle va bien au-delà des seuls équipements sportifs.

Nous avons aussi pour ambition de proposer un modèle différent, mieux connecté aux enjeux de notre époque, à commencer par les enjeux écologiques. Avec Paris 2024, nous sommes persuadés qu’il est possible d’avoir une approche plus responsable, plus durable, plus équilibrée dans l’organisation des grands événements, notamment sportifs. Nous travaillons en lien étroit avec le CIO, bien sûr, mais aussi avec tout l’écosystème sportif français, ainsi que nos partenaires institutionnels, et les entreprises privées, pour essayer d’embarquer, sur le temps des Jeux et plus durablement le maximum de monde dans cette dynamique aussi enthousiasmante que vertueuse.

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