27 juillet 2015

Temps de lecture : 3 min

Les jeunes bientôt au Panthéon ?

On savait que l'influence n'avait ni domaine de prédilection, ni limites d'intronisation, maintenant on sait qu'elle n'a pas d'âge. Les jeunes générations, via le numérique, ne suivent plus « un » rythme donné, mais imposent le « leur ».

On savait que l’influence n’avait ni domaine de prédilection, ni limites d’intronisation, maintenant on sait qu’elle n’a pas d’âge. Les jeunes générations, via le numérique, ne suivent plus « un » rythme donné, mais imposent le « leur ».

Pourquoi Time Magazine publie-t-il depuis de très récentes années le classement des « adolescents de moins de 20 ans les plus influents du monde » ? Un court flash-back s’impose : diffusée pour la première fois en 1998, la liste « Time 100 » désignait les cent personnalités les plus influentes dans le monde. Les célébrités des médias comme Oprah Winfrey côtoyaient alors le gratin de la scène internationale (dont Barack Obama, aux côtés d’Hillary Clinton et Angela Merkel), tandis qu’un zeste d’artistes et de sportifs complétaient le tout.

En 2013, l’hebdomadaire dépoussiérait son classement en sélectionnant 16 ados qui, selon sa rédaction, fabriquaient le monde de demain – ou qui s’étaient illustrés de façon singulière. L’année suivante, ils étaient au nombre de 25 et les critères évoluaient : Time Magazine ne pouvait plus ignorer l’impact des réseaux sociaux dans la construction de l’influence de cette génération. D’où l’entrée de Nash Grier (11,3 millions de fans et 17 ans à parution, ndlr), petit génie de la vidéo en 6 secondes autoproclamé « King Of Vine », ou Shawn Mendes, chanteur-compositeur canadien de 16 ans (à parution, ndlr) et 3,8 millions de fans sur Vine. Ce classement est-il voué à croître et à se rajeunir un peu plus chaque année… sachant qu’en 2014 la plus jeune en l’occurrence avait tout juste 13 ans ?

Des ados qui s’inventent

Impossible (en effet) d’échapper à la langue inventée au quotidien par les générations Y et Z. Malgré son caractère récent, c’est de la reconnaissance par la société de l’influence grandissante des jeunes générations dans la transformation du monde qu’il s’agit. Confirmant dans le même temps un changement de perception du monde des adultes sur sa jeunesse. Ces adolescents influenceurs – pour plusieurs d’entre eux – ont construit leur notoriété sur les réseaux sociaux. Ils se sont appropriés l’espace public en prenant la parole. Ils s’amusent avec les outils – dont l’apprentissage a été de plus en plus précoce – et pour entretenir le cercle vertueux de la reconnaissance, ils s’invitent, partagent leur « audience » pour augmenter et propager leur empreinte.

En quête de toujours plus d’autonomie, certains d’entre eux n’hésitent pas à franchir le pas de la monétisation de leur audience en devenant des ambassadeurs de marque toujours à la recherche de prescripteurs crédibles. Cette génération invente au quotidien ses propres codes d’expression via l’image, aujourd’hui sur YouTube ou les applis mobiles telles Snapchat, Instagram ou Vine. Ils ont leurs propres références culturelles, et leurs stars, qui ont parfois le même âge qu’eux. Ils nourrissent et entretiennent au jour le jour cette connivence nécessaire à la création d’un univers générationnel commun.

Le reflet de deux univers

Cette dynamique de prescripteur/influenceur, ils la vivent également à petite échelle dans leur cercle restreint d’amis, où ils vont se confronter aux jugements de l’autre à travers chacune de leurs publications. Pour exemple, on peut suivre Aline, 17 ans, qui constate que les photos d’elle en mode selfie sur son compte Instagram sont davantage plébiscitées par ses amis que ses photos de paysages. Ils découvrent et intègrent progressivement ce qui va susciter de l’intérêt chez leurs pairs. Toujours en attente de leur « score moyen » d’interactions (nombre de like et de commentaires moyen par publication) comme une preuve de réassurance de l’affection que les autres portent à leur égard. À l’intérieur de cet espace où tout est quantifiable, à un âge de construction de leur identité, ils sont en permanence à l’affût de l’assentiment des autres.

Dans ce jeu d’interdépendances où tout le monde influence tout le monde, et certains plus que d’autres, nous pouvons observer deux univers d’expression au travers des publications des jeunes générations révélatrices de leurs valeurs. Les valeurs traditionnelles et morales garantes de la stabilité de la société, telles la nécessité de se battre pour une noble cause, être reconnu pour son savoir scientifique, ses performances sportives ou son esprit d’entreprise d’une part. Et celles dites de la société de consommation, comme la culture du divertissement au sens large – et plus spécifiquement la culture « LOL », la fête et tout ce qui l’accompagne : l’alcool, la drogue, la prise de risques –, le culte de l’argent et de l’apparence.

En cela, la sélection de Time Magazine est bien le reflet de ces deux univers. En apprenant le contenu de la liste, certains se sont alarmés de la présence, pour la deuxième fois consécutive, des deux jeunes sœurs de la famille Kardashian. Il est vrai que, lorsque l’on touche à la jeunesse, se pose alors la question de la bonne et la mauvaise influence, et du bon et du mauvais modèle. Jusqu’à présent, l’honneur est sauf, car les lecteurs du site Web de Time Magazine ont massivement voté pour la prix Nobel de la paix Malala Yousafzai. Elle se trouve à ce jour loin devant les 24 autres.

Article tiré de la revue N°13 consacrée à « l’influence »
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