13 juin 2025

Temps de lecture : 7 min

« J’ai dansé pendant une heure ou deux avec tous les supporters français sur le périphérique » : Didier Quillot (Cityz Media)

Il adore Cyrano de Bergerac car il se reconnait en luiDidier Quillot, Président exécutif de Cityz Media (anciennement Clear Channel France)répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’Hôtel Littéraire Le Swann* – Proust oblige. 

INfluencia : Votre coup de cœur ?

Didier Quillot : Mon dernier coup de cœur est pour le film de Jacques Audiard, « Emilia Perez ». Je l’avais vu à sa sortie et je suis retourné le voir récemment après toutes les récompenses qu’il a remportées. J’ai été bouleversé par cette histoire incroyablement belle et complètement incroyable d’un narcotrafiquant qui veut changer de sexe. J’ai tout aimé dans ce film : le casting et la musique, les effets spéciaux, ainsi que la réalisation très léchée et sombre. Cela m’a rappelé des films comme « Taxi Driver » ou « Tchao Pantin ». Je trouve que c’est la même couleur cinématographique, avec des héros perdus, attachants et beaux dans leur détresse.

Je ne connais pas personnellement Jacques Audiard, mais je suis fan de sa filmographie, de sa façon de tourner et de ses personnages. J’ai beaucoup aimé « Un prophète », qui pour moi a révélé Tahar Rahim. J’ai adoré l’histoire d’amour complètement folle de « De rouille et d’os » avec Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts, ou encore « De battre mon cœur s’est arrêté » avec Emmanuelle Devos, une actrice tellement touchante


Je n’aime pas lorsque la seule façon d’obtenir quelque chose est par la radicalité

IN. : Et votre coup de colère ? 

D.Q. : Mon coup de colère est dirigé contre l’écologie lorsqu’elle devient radicale et calculatrice. Je me souviens d’avoir manifesté pour le Larzac lorsque j’étais jeune étudiant à Toulouse – les plus anciens s’en souviendront peut-être. J’ai l’impression qu’à l’époque, c’était plutôt le fait de jeunes étudiants naïfs et que la cause était peut-être un peu plus noble.

Mais aujourd’hui, peut-être parce que je suis en position de responsabilité dans une activité qui a des enjeux importants de transition écologique nécessitant concertation et intelligence transactionnelle, je suis en colère face au contexte ambiant d’une écologie purement dogmatique. Je n’aime pas lorsque la seule façon d’obtenir quelque chose est par la radicalité. Je préfère le dialogue

IN. : La personne ou l’évènement qui vous a le plus marqué dans votre vie ? 

D.Q. : J’aurais pu citer des personnages de l’histoire contemporaine, des grands patrons ou des hommes politiques que j’ai connus ou non, mais au risque de paraître banal, la personne qui m’a le plus marqué, et de très loin, c’est ma mère – qui est toujours en vie. Non pas parce que c’est ma mère, mais pour l’exemple qu’elle a été. Parce qu’elle a tout donné pour ses trois garçons et a tout sacrifié pour leur éducation et leur réussite. Elle s’est privée de beaucoup de choses et nous a donné un amour absolu et sans limites, qui nous oblige nous-mêmes avec nos propres enfants. 

Quant à l’événement qui m’a le plus marqué, là aussi je vais être banal : c’est le premier pas de l’homme sur la Lune de Neil Armstrong en juillet 1969. J’avais 10 ans. Nous l’avons vu au milieu de la nuit sur une vieille télé en noir et blanc. Je me souviens de cette nuit passée à regarder les astronautes américains dans leur combinaison blanche sauter à cause de l’effet de la gravité. Bien sûr, c’était la conquête de l’espace : « C’est un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l’humanité ». Mais pour moi, cela allait au-delà. C’était la puissance de la technologie et de l’Amérique dans ce qu’elle a de plus beau. Et parler de cela me fait penser à un film que je mettrais dans mon panthéon des films : « 2001, l’Odyssée de l’espace » de Kubrick, qui peut être le point de départ aujourd’hui de débats sur de nombreux sujets.

Devenir photoreporter et couvrir les guerres pour témoigner

IN. : Votre rêve d’enfant ou si c’était à refaire

D.Q. : Un film m’a profondément marqué : c’est « L’Année de tous les dangers », avec Mel Gibson qui joue le rôle d’un photojournaliste de guerre en Indonésie. Mon rêve d’enfant et d’adolescent était de devenir photoreporter et de couvrir les guerres pour témoigner et informer le monde sur ce qui se passe dans les conflits internationaux.

C’est la raison pour laquelle, même si cela ne correspond pas à l’image que j’ai eue ou que je donne, j’ai toujours eu une réelle affection pour les journalistes, et particulièrement pour les journalistes de guerre. C’est un métier très difficile où il faut savoir raconter, prendre du recul, être malin et courageux. J’ai beaucoup d’admiration, par exemple, pour Maryse Burgot de France Télévisions, que je ne connais pas mais qui couvre tous les conflits de la planète, ou pour Patrick Bourrat, ce grand reporter de TF1 mort en décembre 2002 au Koweït.

On m’appelait « le Saint-Bernard » à une époque

Voilà, c’était mon rêve : après le bac, je m’étais inscrit à Sciences Po Toulouse, mais aussi en fac de médecine, et j’avais également passé le concours de l’ENAC, l’École Nationale de l’Aviation Civile pour devenir pilote, car dans ces deux métiers, on a la responsabilité de vies humaines. On m’appelait d’ailleurs « le Saint-Bernard » à une époque. Et le surnom que mes filles me donnaient quand elles étaient petites, c’était « Balou ». Je sais que les gens ne croient pas cela et que ce que je vous dis est très éloigné de l’image que je donne. Mais ceux qui me connaissent vraiment très bien le savent. C’est peut-être lié à l’amour de ma mère, que j’évoquais précédemment.

Mais mes parents m’ont conseillé de faire une école d’ingénieur, ce que j’ai finalement fait. Je n’ai aucun regret, j’ai eu une chance infinie dans ma vie professionnelle et j’ai participé à des aventures extraordinaires, chez France Télécom, chez Lagardère Active, à la Ligue de Football Professionnel, etc.

IN. : Votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)

D.Q. : Mon ascenseur social. Mon père était un conducteur de travaux dans les travaux publics et ma mère, mère au foyer, le tout à Montauban, dans le Sud-Ouest. Bien loin de la Capitale. Je n’ai pas écouté ce que disait Lino Ventura dans « Les Tontons flingueurs » « On ne devrait jamais quitter Montauban » (rires).

Immense regret de ne pas avoir eu l’opportunité d’être invité à entrer sur le terrain (de France Télévisions) pour jouer le match !

IN. : Votre plus grand échec ? (idem)

D.Q. : Regret ou échec ? Si je devais exprimer un regret, voire une certaine amertume, ce serait de ne pas avoir été nommé à la présidence de France Télévisions en 2015. J’avais consacré six mois à la préparation de mon projet, élaborant un dossier de plus de 200 pages détaillant mon programme. J’avais également consulté individuellement 150 personnes, dont des journalistes, des réalisateurs, des producteurs et des téléspectateurs, pour recueillir leurs avis. Pourtant, je n’ai même pas été invité à participer au premier tour du processus de sélection, tout comme Marie-Christine Saragosse, (ndlr : présidente de France Médias Monde). J’ai vécu cette situation comme une profonde injustice.

À l’époque, j’ai même décidé de porter l’affaire devant la justice, en engageant un recours contre le CSA. Je ne sais pas si j’aurais été retenu, car six ans plus tard, je reconnais que Delphine Ernotte est une excellente présidente de France Télévisions et je me réjouis de son renouvellement. Je le dis avec sincérité, ayant eu l’occasion de travailler avec elle chez France Télécom. Cependant, je ressens un immense regret de ne pas avoir eu l’opportunité de ne même pas avoir été invité à entrer sur le terrain pour jouer le match !

J’ai un autre regret : ne pas avoir fait de politique. J’ai failli le faire. Je ne sais pas si la politique était plus ou moins noble à l’époque mais, en tout cas,elle me semblait plus noble qu’aujourd’hui. C’était la politique au service de l’utilité publique, du bien commun

À deux reprises j’ai tenté d’écrire un thriller

Sur un plan plus personnel, je dois vous avouer un échec. À deux reprises, j’ai tenté d’écrire un livre. La première fois, il s’agissait d’un thriller inspiré de l’histoire d’Orange. J’avais même trouvé un titre : « La planète est bleue comme une orange ». Je voulais raconter mes 13 ans passés chez France Télécom sous forme de thriller, un peu comme le livre « Meurtres à l’Élysée », car je trouvais que ce serait plus intéressant que de simplement raconter mon expérience en tant que dirigeant. Mais je me suis rapidement rendu compte que c’était un travail à temps plein. Comme je ne pouvais m’y consacrer que le week-end, j’ai abandonné après quatre ou cinq tentatives.

J’ai essayé une deuxième fois d’écrire un livre après avoir quitté la Ligue de Football Professionnel. Là encore, il aurait s’agit d’un thriller. J’avais commencé à écrire quelques pages, mais j’ai finalement renoncé, car cela aurait été trop au vitriol. J’ai vu par la suite que d’autres sesont inspirés de l’histoire de l’entreprise et l’ont probablement fait mieux que je ne l’aurais fait.

Je regrette de ne pas avoir mené ces projets à terme. Peut-être, quand je cesserai définitivement toute activité, j’essaierai d’écrire un livre. Mais pas un livre de témoignage. Qui suis-je pour écrire un tel livre ? J’ai plutôt envie de faire rire ou d’émouvoir. C’est pour cela que j’avais cette idée de thriller.

Pas un seul jour de ma vie depuis des dizaines d’années où je n’ai pas lu L’Equipe le matin 

IN. : L’objet qui ne vous quitte jamais

D.Q. : L’objet qui ne me quitte jamais – en dehors de mon téléphone, bien sûr – c’est une photo de mes filles que je garde toujours sur moi. Elle a été prise dans un photomaton. Mon aînée a 31 ans et vit à Paris, tandis que ma cadette, qui a 27 ans, habite New York.

IN : La dernière fois où vous avez pleuré

D.Q. : J’aurais pu vous citer le film Emilia Perez dont je vous ai parlé précédemment. Mais j’ai pleuré… de joie le 12 juillet 1998. Je suis un fan absolu de sport et j’étais au Stade de France pour assister à la finale de la Coupe du monde, que la France a remportée 3 à 0. Je me souviens qu’après le match, j’ai dansé pendant une heure ou deux du côté de la porte de Champerret avec tous les supporters français sur le périphérique, qui était complètement bloqué. Nous avons fait la fête toute la nuit pour célébrer la première Coupe du monde de l’équipe de France.

IN. : Votre occupation préférée

D.Q. : Lire L’Equipe en prenant mon petit déjeuner. Il n’y a pas un seul jour de ma vie depuis des dizaines d’années où je n’ai pas lu ce quotidien le matin 

IN. : Quel film ou quel livre emporteriez-vous sur une ile déserte ?

D.Q. : J’amènerais la filmographie complète de Coppola : « Le Parrain », « Apocalypse Now », etc. Et je prendrais un livre : « Cyrano de Bergerac ». Cela peut sembler très prétentieux, mais j’adore ce personnage parce que je me reconnais en lui. C’est un Gascon. Il est vantard, il a un gros nez (rires), il aime éperdument, il est brave et ses hommes le suivent. Et au-delà de l’histoire, le texte est extraordinaire. « On n’abdique pas l’honneur d’être une cible », il y a plein de phrases magnifiques.

* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».

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