17 janvier 2024

Temps de lecture : 4 min

Guillaume Doki-Thonon (Reech) : « Plus de la moitié des créateurs pensent que les médias donnent une vision négative de leur métier »

Pour la 8ème année consécutive, Reech publie aujourd’hui son étude annuelle sur le marketing d’influence. Après deux éditions centrées sur les marques et les consommateurs, cette agence créée en 2015 qui imagine et met en œuvre des campagnes d’influence pour des clients comme Unilever, Coca-Cola, Yves Rocher, Philips, Carrefour, Kellogg’s et Groupe Galeries Lafayette a interrogé cet hiver 1300 créateurs de contenus afin de dresser un panorama de l’influence en France. Son fondateur et CEO, Guillaume Doki-Thonon, nous dévoile les principaux enseignements de ces travaux.

INfluencia : Qui sont les créateurs de contenus aujourd’hui ?

Guillaume Doki-Thonon : On estime qu’il existe actuellement 150.000 créateurs de contenus en France. Ce nombre est stable depuis quelques années. La grande nouveauté est que cette population continue de se féminiser : 78% des influenceurs sont des femmes cette année contre 74% en 2021. Leur moyenne d’âge a, quant à elle, augmenté de 3 ans en deux ans pour atteindre 34 ans. Cette évolution n’est pas uniquement liée au vieillissement de la population mais au fait que le marketing d’influence touche de nouvelles tranches d’âge. En 2021, 27% des créateurs avaient entre 19 et 25 ans contre 16% actuellement. À contrario, le pourcentage d’influenceurs qui ont entre 41 et 50 ans est passé de 10% à 16% en deux ans.

INfluencia : Une évolution sur les thématiques les plus suivies sur les réseaux sociaux ?

G. D.-T. : Le lifestyle, qui inclue la beauté, la mode, le voyage et le fooding, reste le sujet de prédilection des créateurs. Ils sont 89% à aborder ces sujets dans leurs contenus et 41% partagent du contenu loisirs tels que le sport, les jeux vidéo ou l’humour.

INfluencia : Cette importance du lifestyle n’explique-t-il pas le fort pourcentage de femmes parmi les créateurs de contenu ?

G. D.-T. : C’est l’histoire de la poule et de l’œuf. Il est certain que les contenus lifestyle sont particulièrement appréciés par les femmes sur le net mais certaines influenceuses sont surtout suivies par des hommes et des créateurs de contenu masculins possèdent une majorité d’abonnées. Il est par contre évident qu’Instagram reste la plateforme la plus utilisée des influenceurs et que les femmes sont sur-consommatrices de ce réseau.

INfluencia : À ce propos, quelles sont les plateformes les plus utilisées par les influenceurs aujourd’hui ?

G. D.-T. : En deux ans, les plateformes et leurs usages ont bien évolué. Instagram confirme, année après année, sa position de leader. Il est aujourd’hui le réseau principal de 91% des créateurs de contenus et 98% l’utilisent. TikTok et Facebook complètent ce podium. Snapchat et X, eux, s’effondrent.

INfluencia : Comment expliquez-vous les déboires de Snapchat et X ?

G. D.-T. : La chute de Snapchat n’est pas nouvelle mais elle s’est accélérée depuis l’arrivée de TikTok. On peut voir cette tendance comme la victoire de la vidéo sur la photo mais le succès de TikTok est surtout lié à sa grande facilité d’utilisation. Ses outils permettent aux créateurs de monter très facilement leurs images et d’ajouter notamment des sons originaux. La baisse de popularité de X est, quant à elle, liée au rachat de la plateforme par Elon Musk, à sa droitisation et à ses commentaires qui sont, très souvent, malveillants.

INfluencia : La décision de certaines marques de quitter X suite aux polémiques lancées par Elon Musk n’expliquent pas la chute de la plateforme ?

G. D.-T. : Pas vraiment. Ce sont les influenceurs qui font le succès d’une plateforme, pas les marques. Ces dernières viennent sur un réseau quand il a déjà du succès et cette réussite est liée à la présence de créateurs de contenus très suivis. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les nouvelles plateformes sont prêtes à mettre la main à la poche pour attirer vers elles des influenceurs importants.

INfluencia : Quelle est l’importance du marché de l’influence marketing de nos jours ?

G. D.-T. : Il pèse aujourd’hui entre 15 et 20 milliards de dollars contre 7 milliards en 2019. L’étude que nous avons menée en 2022 montrait que 78% des marques que nous avions interrogées prévoyaient d’accroître leurs budgets consacrés au marketing d’influence durant les deux prochaines années. 86% des entreprises considéraient cet outil comme un levier efficace et 92% l’intégraient dans leur stratégie. 83% des créateurs affirmaient, de leur côté, avoir bouclé cette année-là des partenariats. Le placement de produit reste la méthode privilégiée de ces partenariats (76%) devant la production de contenus pour les marques qui est passé de 39% à 61% entre 2019 et 2023.

INfluencia : Ces liens commerciaux permettent-ils aux créateurs de contenus de vivre de leurs activités sur le web ?

G. D.-T. : Depuis 2021, le secteur du marketing d’influence s’est professionnalisé. C’est LA grande leçon à tirer de notre dernière étude. 72% des influenceurs que nous avons interrogé nous ont dit que la création de contenu était leur principale source de revenus.

INfluencia : De quels niveaux de revenus parlons-nous ?

G. D.-T. : Les deux-tiers des créateurs gagnent moins de 5000 euros par an…

INfluencia : Cela ne permet pas de vivre…

G. D.-T. : C’est vrai. Ceux qui gagnent moins de 5000 euros se servent de cet argent pour acheter un nouveau smartphone, des logiciels de montage ou des pieds pour leur lampe. Ces revenus sont davantage des remboursements de frais. Par contre, 68% des créateurs ayant plus de 100.000 abonnés génèrent un chiffre d’affaires d’au moins 10.000 euros par an et 49% gagnent plus de 20.000 euros. On commence là à parler de réels revenus.

INfluencia : La nouvelle loi sur l’Influence a-t-elle eu un réel impact sur ce secteur ?

G. D.-T. : Oui et non. 75% des créateurs ont pris connaissance de cette loi mais une majorité d’entre eux (58%) affirment mal la connaître et souhaiteraient avoir davantage de clarifications pour la respecter. Si 74% des sondés pensent que cette réglementation fait évoluer le monde de l’influence dans le bon sens, beaucoup trouvent encore que son application n’est pas assez rapide. Ceux qui l’appliquent à la lettre, et ils sont nombreux, jugent qu’on leur met encore trop de bâtons dans les roues et ils s’énervent de voir que ceux  qui ne font pas les choses comme il faut ne sont pas sanctionnés. Plus de la moitié des créateurs pensent également que les médias donnent une vision négative de leur métier. Je ne parle pas d’INfluencia qui dresse un portrait objectif de ce secteur mais plutôt des grands médias qui ont encore trop tendance à confondre l’influence avec Dubaï et les anciennes vedettes de la téléréalité.

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