IN : ce vendredi 6 juin 2025, LCI passe du canal 26 au canal 15 de la TNT au sein d’un bloc de quatre chaînes info. Dans quelle mesure cette nouvelle numérotation va changer les perspectives de la chaîne, qui avait déjà connu une évolution majeure en passant en 2016 de l’univers câble et satellite à la TNT gratuite ?
Guillaume Debré : plus que le numéro, c’est le bloc info qui va transformer les usages et le mode de consommation de l’information sur la TNT. Pour voir notre programme, il fallait aller depuis 2016 en périphérie de la numérotation et passer des chaînes qui n’avaient rien à voir avec l’info. À partir du 6 juin, les téléspectateurs pourront nous découvrir plus facilement et comparer les différentes offres d’info en faisant seulement plus et moins sur leur télécommande. Jusqu’à présent, nous parlions à des téléspectateurs fidèles. Maintenant, il va falloir nous ouvrir pour parler à un nouveau public qui ne nous connaissait pas, sans tourner le dos à notre promesse éditoriale. Nous continuerons à proposer une information de qualité qui traite des grandes affaires du monde et des sujets qui affectent la vie des Français, pose les grandes questions et invite en plateau des acteurs et des experts pour y répondre. LCI veut aussi être la chaîne info de la raison, du raisonnable et du raisonné, qui permet aux différents points de vue de s’exprimer et de se confronter dans le respect de la civilité. Il nous semble que ce traitement de l’information et nos différents formats sont à même de séduire un public qui n’allait pas jusqu’en 26 parce que c’était trop loin. Le zapping va donc faire découvrir LCI à un nouveau public sur lequel nous allons pouvoir capitaliser. Si nous arrivons à rajeunir le public, nous élargirons aussi notre base.
Jusqu’à présent, nous parlions à un public de fidèles téléspectateurs. Il va maintenant falloir parler à un nouveau public qui ne nous connaissait pas, sans tourner le dos à notre promesse éditoriale
IN : avec quels objectifs d’audience pour une chaîne qui est aujourd’hui à 1,8 % de part d’audience, soit en troisième position des quatre chaînes info ?
G.D. : nous aimerions atteindre 2 % de part d’audience en fin d’année – soit le niveau record annuel atteint par LCI en 2023, en grande partie grâce à notre traitement de la guerre en Ukraine – mais nous misons surtout sur le long terme. L’important, c’est de conserver l’identité de la chaîne autour de l’analyse, du décryptage et de la mise en perspective pour construire une audience. Avec toujours l’objectif d’atteindre la rentabilité car c’est la condition de l’autonomie.
Il y a aujourd’hui une grande porosité entre les phénomènes internationaux et la politique intérieure
IN : la guerre en Ukraine conserve une place très importante sur l’antenne. Ce positionnement sur l’international est-il à même d’élargir le public autant que vous l’espérez ?
G.D. : il y a aujourd’hui une grande porosité entre les phénomènes internationaux et la politique intérieure. À côté de l’Ukraine ou du Proche-Orient, que nous continuons en effet de couvrir, nous parlons davantage qu’il y a six mois de Donald Trump, qui a réinjecté de l’incertitude dans le monde. Le président des Etats-Unis est un phénomène qui dépasse toutes les catégories puisqu’il est présent dans les pages économie, politique, international. Très prochainement, le débat budgétaire va beaucoup nous occuper. Là aussi, il s’agit d’un sujet qui touche à l’économie, à la politique… Notre proposition éditoriale évolue en fonction de l’actualité mais aborde toujours la macroéconomie, la macro-politique – mais pas la politique politicienne – et l’international. Nous traiterons aussi de faits divers mais uniquement ceux qui sont des phénomènes de société.
La manière de traiter l’info et le ton d’Eric Brunet peuvent permettre de toucher un nouveau public
IN : dans quel mesure les nouvelles modalités de traitement de l’information que vous annoncez vont-elles aussi y contribuer ?
G.D. : en ayant sur certaines tranches un ton un peu différent, décalé… Par exemple avec Eric Brunet qui revient sur LCI le weekend à 15h en juin et juillet, et peut-être sur une autre tranche à partir de la rentrée. L’après-midi, il ne touchera pas le même public que lorsqu’il était à l’antenne le soir à 22 heures. Sa manière de traiter l’info et son ton peuvent servir la chaîne. Le grand reportage est un autre moyen d’attirer un public différent, avec un nouveau rendez-vous de 40 minutes, programmé le vendredi, le samedi et le dimanche, dans lequel nos journalistes sur le terrain racontent une histoire ou décrivent une réalité. À partir du 6 juin, nous diffuserons un reportage sur la dissuasion nucléaire puis un autre sur la manière dont l’Europe se barricade par rapport à la menace russe. Nous voulons aussi nous réapproprier le journalisme interrogatif pour permettre aux gens de se faire leur opinion avec de grandes soirées événementielles et des soirées politiques en vue de l’élection présidentielle de 2027.
L’exigence de vérification de l’information sera encore plus importante à l’aune de la campagne de 2027 avec certains acteurs internationaux qui auront à cœur ou intérêt à diffuser des fausses vérités et des vraies rumeurs
IN : la durée d’écoute de LCI est plus élevée que celle des autres chaînes info. Avec les possibilités accrues de zapping, allez-vous faire évoluer la grille articulée autour de grandes plages de débats, ponctuées d’écrans publicitaires également assez longs ?
G.D. : concentrer les publicités sur un nombre réduit d’écrans limite le risque de perdre les téléspectateurs… Sur le canal 26, c’est principalement la durée d’écoute – actuellement à 31 minutes – qui a fait progresser la part d’audience car le flux de téléspectateurs ne varie pas constamment. La grille continuera de s’articuler autour de trois temps d’information – la matinale, la journée où on raconte ce qui se passe et le soir où on explique ce qui s’est passé – mais, sur le canal 15, nous allons varier les formats. Nous allons déployer sur toutes les thématiques Le Grand Dossier, un format d’1h10 lancé en septembre, qui va au fond des choses avec de la cartographie et l’infographie pour être didactique. Nous aurons aussi des tranches d’une heure, par exemple le dimanche avec une émission anti-fake news et de décryptage d’info, qui inclura Les Vérificateurs. L’exigence de vérification de l’information que nous donnons et des fausses infos qui circulent est un des enjeux pour retisser un lien de confiance entre les éditeurs d’information et le public, et réinstaller les grands médias d’information dans le débat public. Ce sera encore plus important à l’aune de la campagne de 2027 avec certains acteurs internationaux qui auront à cœur ou intérêt à diffuser des fausses vérités et des vraies rumeurs.
IN : l’habillage de la chaîne a été revu. Un format « Rivière » sur la gauche de l’écran diffusera un flux secondaire d’info, voire des images issues des réseaux sociaux, comme c’est déjà possible sur le nouveau plateau de TF1. Au risque de perdre une partie de l’attention du téléspectateur ?
G.D. : notre public est capable de lire et d’écouter, et il ne faut pas oublier que beaucoup de gens regardent les chaînes info sans le son… Nous voulons offrir une information augmentée qui permette au téléspectateur d’avoir du décryptage, qui est l’ADN de LCI, tout en gardant un œil sur l’actualité chaude. L’habillage permettra de montrer des images et de donner les infos tout en restant, en plateau, sur l’analyse en profondeur des phénomènes.
IN : y a-t-il aujourd’hui davantage de pression pour s’attirer des chroniqueurs et en faire des personnalités identifiées à la chaîne ?
G.D. : certaines personnalités vont sur toutes les chaînes et il y en a d’autres avec lesquelles nous voulons construire notre grille. Nous avons par exemple signé mi-mai un contrat avec Natacha Polony, qui est désormais en exclusivité sur LCI, tout au moins sur le périmètre des chaînes info. Nous avons aussi un contrat d’exclusivité avec Louis Sarkozy, qui était arrivé à la rentrée dernière pour aider à comprendre les enjeux de l’élection présidentielle américaine. Pour nous renforcer sur l’économie, nous avons aussi recruté Nicolas Doze qui vient de BFM et sera l’éditorialiste économique exclusif sur LCI à partir de la rentrée.
Nous ne voulons ni hystériser, ni caricaturer, ni polariser le débat, mais trouver des terrains d’entente
IN : la concurrence renforcée au sein du bloc info ne risque-t-elle pas d’exacerber les positionnements des chaînes et d’amplifier encore, dans les deux ans qui nous séparent de l’élection présidentielle, les fractures d’une société française déjà très polarisée ?
G.D. : les chaînes d’info doivent participer au débat public parce que la télévision c’est du lien social, un référent commun et un des facteurs qui créent une identité nationale. La manière dont nous allons raconter l’information aura un impact sur le débat public et sur la manière dont les gens vont se représenter le monde. Sans nier le fait que la société française est polarisée ou la fracturation politique qui existe aujourd’hui, nous ne voulons ni hystériser, ni caricaturer, ni polariser le débat, mais trouver des terrains d’entente. Pour remporter cette bataille, nous devons avoir ce positionnement éditorial très clair, très assumé et très identifié autour d’une approche rationnelle des grandes questions d’actualité. LCI aura cette approche responsable.
En savoir plus
LCI en quelques dates
24 juin 1994 : lancement de La Chaîne Info (LCI) par le groupe TF1 sur la télé payante
15 février 2006 : arrivée sur la TNT payante
5 avril 2016 : passage sur le canal 26 de la TNT gratuite
6 juin 2025 : arrivée sur le canal 15 au sein du bloc info de la TNT gratuite