3 mai 2016

Temps de lecture : 3 min

La gentrification anticipée par Twitter et Foursquare

Est-il possible de prévoir la gentrification de certains quartiers par l'analyse de la data générée par les réseaux sociaux ? En utilisant celles de Twitter et Foursquare des chercheurs universitaires britanniques démontrent que oui.

Est-il possible de prévoir la gentrification de certains quartiers par l’analyse de la data générée par les réseaux sociaux ? En utilisant celles de Twitter et Foursquare des chercheurs universitaires britanniques démontrent que oui.

« Il y a 6000 tweets à la seconde dans le monde. Par où donc commencer ? Comment y trouver son intérêt ? C’est notre rôle, en tant que prestataire de service, d’aider à répondre à ces questions. Notre programme de mise en liberté de données permet aux universités de faire des recherches, nous les aidons à travailler mais les soutenons aussi pour faciliter et promouvoir le partage des résultats. » Presque un an après cette explication exclusive livrée par Chris Moody, VP data strategy chez Twitter, une étude réalisée par les ingénieurs en science de l’informatique de quatre universités anglaises dont la prestigieuse Cambridge confirme la valeur de la data open sourcée made in Twitter. Elle peut décidément servir à beaucoup de choses, y compris prédire cette gentrification des quartiers que les hipsters courtisent, que les bobos apprécient sans la réclamer, que les artistes engendrent, que les marques cajolent et que les mairies défendent.

Depuis une décennie cet embourgeoisement urbain se répand dans toutes les grandes métropoles occidentales. Londres ne fait pas exception et selon les chercheurs de Cambridge, recouper les données accessibles sur Twitter et Foursquare peut donc permettre d’anticiper quel quartier est en train de se gentrifier. Entre cafés branchés et cosy où le « sans-mac » est une curiosité, les boutiques de fringues vintage et les restaurants ethniques un brin gastronomiques, les nouveaux résidents s’accaparent les lieux et changent l’âme de la terre d’appropriation. L’ostentation est visuelle, dans les rues comme sur la Toile. En combinant les données sociales disponibles sur les deux réseaux sociaux et en les complétant par les statistiques sur les prix de l’immobilier et les taux de criminalité, l’étude peut prédire la gentrification future de quartiers londoniens comme Hackney, Tower Hamlets, Greenwich, Hammersmith et Lambeth. « Il y a un groupe de quartiers qui possèdent une très grande diversité sociale urbaine mais sont encore socialement défavorisés. Ce sont pour nous des signes précurseurs », explique dans WIRED, Desislava Hristova, auteure principale de l’étude.

Philadelphie, exemple de gentrification positive

« Ces quartiers là sont aussi ceux qui affichent depuis cinq ans les meilleurs taux d’amélioration », poursuit Desislava Hristova qui avec ses collègues a collecté, 549 797 check-ins dans 42 080 endroits différents à Londres chez 37 722 personnes. Une fois ces données amassées, les chercheurs ont identifié quatre facteurs clefs pour détecter une diversité sociale : la visite d’un quartier par une personne ou un groupe; la visite d’un endroit précis; la diversité des visiteurs et l’homogénéité du quartier et desdits visiteurs. En connectant les utilisateurs de médias sociaux à des amis online, les équipes ont pu identifier les quartiers attirant les foules de non résidents qui se connaissent entre eux ou non.

Si dans la plupart des études de population la data des médias sociaux ne sert pas à grande chose, dans le cas de la gentrification elle peut être profitable pour comprendre où les plus aisés passent leur temps, comme le souligne Desislava Hristova : « ce sont précisément ces riches utilisateurs de réseaux sociaux qui sont le plus à même de causer la gentrification ». Qui paye la note de cette mue identitaire ? Pas les plus défavorisés comme le veut la pensée commune majoritaire, selon un récent rapport de la Philadelphia Federal Reserve, évoqué par INfluencia, en mars dernier. Son constat ? Les plus pauvres ne quittent pas plus les quartiers « gentrifiés » que les autres. Lisez dans cette conclusion que si les plus bas revenus sont tout de même contraints de déménager -pour un quartier plus populaire- ils ne désertent pas plus les zones « gentrifiées » qu’une autre CSP.

Les experts estiment même que l’embourgeoisement urbain draine son lot de bénéfices pour les habitants historiques moins aisés. Lesquels ? Des nouvelles opportunités de travail induites par les nouveaux magasins et le BTP; la hausse du prix de l’immobilier, qui profite aux propriétaires d’un bien acheté à bas prix depuis longtemps; une baisse du taux de criminalité; une meilleure solvabilité auprès des organismes bancaires et de crédit. Attention, ces acquis concernent uniquement la ville de Philadelphie, mais l’étude apporte une vraie réflexion sur le phénomène de gentrification.

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