14 juin 2021

Temps de lecture : 6 min

Cyril de Froissard, LÉVÉNEMENT: « en quelques mois, les agences ont opéré une transformation qui aurait pris des années dans un autre monde ».

Alors que le déconfinement progressif démarre, Cyril de Froissard Président de LÉVÉNEMENT fait le point sur le secteur de l’évènement : agences, prestataires, les lieux, les territoires…

INfluencia : quelle photo du secteur de l’événement faites-vous aujourd’hui ?

Cyril de Froissard : c’est un euphémisme de dire que le secteur de l’événementiel a été profondément meurtri au cours des derniers mois. Les agences, elles aussi, n’ont pas été épargnées. Pour autant, celles, dont le mix n’était pas « 100% événementiel », et qui ont fait preuve d’agilité pour se redéployer rapidement en proposant des offres alternatives ont réussi à maintenir une certaine activité grâce notamment au digital. Le déconfinement progressif laisse désormais entrevoir un coin de ciel bleu, même si nous savons que dans un futur proche, rien ne sera complètement comme avant. Il faudra s’adapter au nouveau monde et surtout aux nouvelles mesures de santé et de sécurité. Concrètement, la reprise ne sera pas effective avant le mois de septembre prochain, au mieux.

IN. : l’événementiel, ce sont aussi les prestataires, les lieux, les territoires… Comment se porte l’écosystème de l’événementiel, quelles conséquences de la crise ?

C. de. F. : La situation de l’écosystème est malheureusement plus contrastée que celle des agences. Rares sont ceux qui ont pu et su se transformer sur un marché où le distanciel est devenu exclusivement la règle. Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences économiques sur tous les maillons de la chaîne de valeur, même si nous devons d’ores et déjà redouter la défaillance de certains acteurs. Pour beaucoup, tout va se jouer dans les prochains mois en fonction de la date réelle et des conditions de la reprise.

IN. : comment les annonceurs ont-ils réagi ?

C. de. F. : Il faut se souvenir qu’une très grande majorité d’annonceurs ont traversé le début de la crise avec difficulté, souvent déconcertés, parfois paralysés, ne sachant pas quelle posture adopter en matière de communication auprès de leurs parties prenantes. Après avoir mesuré les conséquences de la distanciation, beaucoup ont compris que dans un environnement dans lequel le rapport au temps et à l’espace se trouvait bouleversé, l’urgence absolue était de reprendre la parole d’une manière ou d’une autre. Ces annonceurs se sont (souvent) tournés vers leur agence de référence afin de programmer des événements digitaux ou des dispositifs relationnels. Ils ont pu trouver auprès d’elles, des partenaires attentifs, engagés, prêts à imaginer et organiser un nouveau modèle de rencontres, pour entretenir le lien avec leurs différents publics.

IN. : assiste-t-on véritablement à une bascule des formats événementiels vers le digital ?

C. de. F. : la crise aura été un accélérateur de tendances de fonds que nous observions déjà, et la montée en puissance du digital en était une ! Et la « distanciation forcée » a provoqué la démultiplication des formats digitaux. Face à l’impérieuse nécessité de communiquer, c’était l’unique réponse dont disposaient les marques et les entreprises pour reprendre la parole, se rassembler virtuellement et garder le contact avec leurs collaborateurs, leurs clients ou leurs partenaires. Aujourd’hui, le distanciel a logiquement pris le pas sur le présentiel, les réseaux sociaux ont remplacé les prises de parole plus traditionnelles. On peut penser que l’utilisation des technologies sera durable, car elle répond à des enjeux de RSE et de réduction des investissements. Certains prédisent que l’événement sera majoritairement digital ou phygital. Ce sera probablement le cas sur certains, mais il semble prématuré de prétendre que ce sera la norme universelle demain.

IN. : en dehors du digital, y-a-t-il des innovations qui ont émergé ?

C. de. F. : c’est dans le digital que l’on a constaté le plus d’innovations, principalement dans l’utilisation des technologies numériques qui offrent un champ des possibles quasi infini. C’est plus particulièrement le cas dans la création d’environnements dynamiques et interactifs ou encore dans la gestion et l’exploitation des datas pour optimiser l’expérience … Pour le reste, ce qu’il faut retenir de ces derniers mois, ce sont des formats, des modèles de rencontres repensés, une attention toute particulière portée aux contenus et à leur hybridation pour engager des audiences de plus en plus exigeantes et un mode de consommation des « événements » différent !

IN. : les agences se sont-elles diversifiées ? Comment les offres ont-elles évolué ?

C. de. F. : la crise a amené les agences à se poser des questions sur la façon d’exercer leur métier et par conséquent sur leur positionnement et leurs offres à l’avenir. Comment adresser les messages dans un contexte durablement incertain, comment optimiser l’usage du distanciel ou encore comment gérer des audiences qui sont désormais à portée de clics … Mais cette période inédite a aussi poussé ceux qui ne l’avaient pas encore fait, à décloisonner un métier qui va désormais au-delà de l’événementiel en s’ouvrant à de nouveaux codes, de nouvelles expertises : le digital bien sûr, la production de contenus, le management de communautés, l’influence, etc …Aujourd’hui, beaucoup d’agences vont sortir renforcées de la crise, car elles auront su opérer en quelques mois une transformation qui aurait sans doute pris quelques années dans un autre monde.

IN : plus globalement, comment voyez-vous le futur des events ? À quand une reprise ?

C. de. F. : nous tablons sur un retour à une activité égale à 2019 en volume pour le printemps 2022. En revanche, nous savons que tant que l’incertitude sanitaire pèse, tant que nos clients n’auront pas une meilleure visibilité sur leur business, tant que les voyages internationaux seront limités, cela aura un impact en termes de valeur. Nous sommes cependant convaincus que les marques et les entreprises n’ont jamais eu autant besoin de communiquer et d’aller à la rencontre. Demain, toute rencontre, tout dispositif relationnel, toute action génératrice de lien et d’engagement ne sera pas nécessairement « événementiel ». Et l’événement ne sera plus uniquement « un moment collectif » au cours duquel on se rassemble mais pourra prendre bien d’autres formes. Le présentiel, quant à lui, reviendra en force, dopé par une attente considérable de la part des annonceurs et de tous ceux qui sont impatients de pouvoir renouer de vraies relations. Cependant nous avons quelques inquiétudes sur le modèle de collaborations agences/annonceurs et la façon dont sont menés les appels d’offres (trop d’agences en compétition, délais courts…), tout ceci n’est pas toujours très vertueux. Nous souhaitons fortement amener les annonceurs à changer leur approche avec leurs agences, nous préconisons une relation pérenne et beaucoup plus responsable.

IN. : quelles mesures les organisateurs d’événement devraient-ils prendre pour rassurer et accélérer la reprise ?

C. de. F. : deux mesures me semblent indispensables. La première est d’ordre sanitaire, elle consiste à garantir la mise en œuvre et le respect d’un protocole sanitaire strict offrant une totale sécurité à toutes les personnes participant à un événement quel qu’il soit. La récente validation par le Conseil constitutionnel du « pass sanitaire » dont il faudra se munir pour accéder aux grands événements de plus de 1.000 personnes va dans le bon sens. La seconde est d’ordre économique, face à l’inquiétude sur la fragilité financière présumée de certains acteurs, elle  consiste à fournir aux donneurs d’ordre des garanties financières, notamment le remboursement des acomptes, pour les prestations non-engagées, en cas d’annulation Covid. Bien entendu, cela ne concerne ni les frais de création, ni le temps passé par les équipes engagées sur les dossiers.

IN. : quels sont les signaux à l’international ? Des modèles agiles, différents ont-ils vu le jour à l’étranger ?

C. de. F. : l’activité a redémarré très fortement en Chine dès septembre 2020, portée par une demande très soutenue sur un marché toujours en croissance. C’est également le cas aux USA depuis 3 mois. Est-ce représentatif d’une tendance forte ? Difficile de l’affirmer pour l’instant car en Europe, les reconfinements successifs dans de nombreux pays font que la reprise sera décalée, et ce même si la demande est présente.

IN : vous vous êtes réunis pour défendre votre secteur auprès de l’État. Comment les différents acteurs travaillent-ils et cherchent-ils des solutions pour aujourd’hui et demain ?

C. de. F. : dès le début de la crise, les organisations professionnelles du secteur se sont mobilisées pour faire face à cette situation inédite, avec comme unique objectif de sauver la filière. Ce collectif a travaillé main dans la main avec les représentants du gouvernement pour établir un plan de soutien, mais également un plan de reprise. D’une manière générale, nous avons beaucoup œuvré à démontrer le poids économique que représente notre filière et son importance dans le développement des territoires. Dès avril 2020, nous avons proposé un référentiel sanitaire extrêmement rigoureux afin d’anticiper une reprise dans les meilleures conditions, mais malheureusement sans succès. Et plus récemment, nous avons planché collectivement sur les conditions de la réouverture progressive des établissements recevant du public et sur les modalités de la tenue de ces événements à l’avenir. Je dois ici, remercier les membres du Gouvernement, les équipes des cabinets ministériels, pour leur écoute, leur compréhension des spécificités de nos métiers et bien entendu l’accompagnement accordé à toutes les entreprises du secteur. L’ensemble de la filière a su faire preuve d’une solidarité exemplaire et sans précédent.

IN : quelles mesures attendez-vous désormais du gouvernement ?

C. de. F. : les Pouvoirs Publics ont bien saisi la temporalité particulière de nos métiers, l’organisation d’événements nécessitant plusieurs mois de préparation avant sa livraison. Ce que nous lui demandons, c’est de continuer de nous accompagner tant que la reprise ne sera pas au rendez-vous et que les aides de soutien à notre secteur ne s’arrêtent ni trop tôt, ni de façon brutale. Nous poursuivons les discussions sur ce point.

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