11 janvier 2021

Temps de lecture : 10 min

Andrea Stillacci : « au cours des 22 derniers mois, aucun cas de comportement déplacé n’a été signalé en interne »

Un an après le début de l’épidémie de la Covid 19, presque deux après l’affaire Baptiste Clinet, dévoilée par Le Monde et dénoncée par Balancetonagency, Andrea Stillacci, Président, Fondateur d’Herezie, père de deux filles de presque 20 ans, avoue avoir traversé cette période en apprenant beaucoup de ses erreurs, et soulagé de ne plus être au coeur de la tourmente. Deux lames de fond qui n’ont pas empêché l’agence de remporter 9 compétitions ces derniers mois. Explications du plus latin de nos publicitaires.

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Un an après le début de l’épidémie, presque deux après l’affaire Baptiste Clinet, dévoilée par Le Monde, et dénoncée par Balancetonagency,  Andrea Stillacci, Président, Fondateur d’Herezie, père de deux filles de presque 20 ans, avoue avoir traversé cette période en apprenant beaucoup de ses erreurs, et soulagé de ne plus être au coeur de la tourmente. Des lames de fond qui n’ont pas empêché Hérézie de remporter 9 compétitions ces derniers mois. Explications du plus latin de nos publicitaires.

INfluencia : les agences ont traversé une année extrêmement compliquée, et ce à plusieurs niveaux. Quel bilan faites-vous pour Herezie sur 2020 ?

Andrea Stillacci : pour nous comme pour le monde entier, une chose est certaine : nous ne sommes pas près d’oublier 2020. Mais cette année passée n’a pas été seulement difficile ou compliquée. Elle a été, disons… inédite. La crise sanitaire nous a obligés à travailler différemment, à penser différemment, à nous adapter, à tenter des choses, à en rater certaines, à nous étonner nous-même, à faire autrement. À innover dans nos façons de travailler. Nous avons appris de nouvelles manières d’être ensemble. Et malgré tout, pour notre agence, 2020 aura été une très bonne année.
D’une part, nous avons accompagné nos clients les plus touchés par la crise en les aidant à réagir de la manière la plus pertinente et la plus efficace ; d’autre part, nous avons pu développer une partie de l’activité avec de nouveaux annonceurs, comme Amazon Prime Video ou Free, qui évoluent sur les secteurs de l’entertainment et du numérique. Des secteurs qui ont eu la chance de se voir épargnés – voire galvanisés – par la crise. Nous avons remporté 9 compétitions ces derniers mois ; ce qui témoigne de la passion sincère et de l’investissement permanent de toute l’agence, sous la nouvelle direction créative et stratégique de Paul Marty, Etienne Renaux et Guillaume Bilheude. Il y a deux mois, nous avons par ailleurs lancé un réseau mondial, By The Network, que nous avons créé avec les meilleures agences indépendantes du monde.

IN. : avez-vous le sentiment que ces confinements successifs ont pesé sur l’agence ? Que ressentent aujourd’hui les salariés ?

A.S. : chaque personne est différente. Personne ne réagit, vit ou ressent les choses de la même manière. Personne ne se ressemble. On a tous nos propres besoins, notre propre façon de travailler, notre propre sensibilité. Notre propre vie en dehors de l’agence aussi. C’est ce qui fait que chaque individu dans une entreprise a sa propre valeur. Et c’est ce qui fait qu’il m’est difficile de répondre de manière générale à cette question. Dès le premier jour, nous avons évidemment suivi les consignes gouvernementales que nous recevions au fur et à mesure, et de l’autre côté, nous avons écouté les besoins de chacun de nos employés et fait de notre mieux en adaptant les processus afin de les soutenir et de les encourager. Il est intéressant de remarquer que, même à distance, les relations peuvent rester étroites et positives, et que cette période a généré de la bienveillance et de l’entraide qui les a même parfois renforcées. Ce qui aura, in fine, tissé des liens plus forts, plus personnels, pour certains.

BALANCETONAGENCY A ÉTÉ L’UN DES PRINCIPAUX PROTAGONISTES DE LA DERNIÈRE PARTIE DE L’ANNÉE.

IN. : Balancetonagency a révélé des comportements malsains au sein des agences de communication. Qu’avez-vous à dire sur cette question difficile qui a touché bien des hommes ? Notamment Herezie première de la liste, avec l’affaire Baptiste Clinet ?

A.S. : Balancetonagency a été l’un des principaux protagonistes de la dernière partie de l’année. Le travail quotidien que font les Lionnes et BTA est un grand et fort « wake up call » pour toute l’industrie. J’ai deux filles qui n’ont pas loin de 20 ans et, aussi en tant que père, je suis heureux de voir l’éthique et le respect de la dignité humaine sur les lieux de travail devenir des thématiques centrales et prendre une direction nouvelle et positive. Comme je l’ai dit lors des débats internes de l’AACC, les initiatives et les actions qui ont eu lieu sur les réseaux sociaux ces derniers mois entraînent un réel changement à tous les niveaux. Des résultats commencent à être tangibles, et c’est une bonne chose. Évidemment, il y a encore beaucoup de travail à faire et de chemin à parcourir. Mais les choses avancent, et elles continueront de progresser.

IN. : comment avez-vous géré concrètement, à l’interne, ce sujet grave, qui a mis en lumière des dysfonctionnements au sein de votre agence, puis de Marcel, Fred&Farid, McCann, Braaxe…?

A.S. : nous avons appris de nos erreurs. Il y a près de deux ans, nous avons fait appel à une structure indépendante spécialisée dans les ressources humaines, Be One Too. Ils ont travaillé dans l’agence pendant plus de trois mois, ont parlé avec tous les employés lors d’entretiens individuels, puis ont organisé des ateliers, des stages, des formations aux paramètres juridiques de chaque cas possible de harcèlement. À la fin du processus, nous avons co-rédigé avec eux un manifeste du comportement, disponible auprès de tous et notamment les nouveaux arrivants, et nous avons mis en place un flux de reporting. Nous prenons les choses à cœur et au sérieux, et pour encourager la liberté d’expression, la spontanéité et le respect de chaque personne, nous avons Myrtille Thenier, notre talentueuse responsable Trafic, qui s’occupe de cette partie avec beaucoup de sensibilité et d’engagement, et en totale confidentialité. Nous sommes heureux de constater qu’au cours des 22 derniers mois, aucun cas de comportement déplacé n’a été signalé en interne. Chaque jour, nous mettons beaucoup d’énergie et d’application à ce que des mots tels que « fierté », « motivation », « plaisir » et « respect » soient au cœur de tout ce que nous faisons et au cœur de la vie à l’agence. J’espère, et je suis même convaincu, qu’aujourd’hui les salarié·es d’Herezie sont heureux de se lever le matin, et je suis fier du tournant qu’a pris l’agence ces dernières années, avec un projet incarné par cette nouvelle génération de talents.

L’INTÉGRATION, L’ÉTHIQUE, L’ÉCO-ENGAGEMENT SONT LA CONDITION SINE QUA NON AU CHANGEMENT

IN. : l’époque change du tout au tout. Nos rapports à la planète, à autrui, au travail, à l’éducation, à l’économie. Quel est votre regard sur ce moment historique ?

A.S. : c’est une nouvelle ère pour un nouveau monde. Et j’ai le sentiment que cette sensibilité culturelle et sociale a créé une vague irréversible de conscience globale des vraies priorités. En tant que publicitaires, nous avons une grande responsabilité dans la création de messages pertinents pour les produits et services qui participent activement à ce changement. L’intégration, l’éthique, l’éco-engagement ne sont pas seulement importants, ils sont une condition sine qua non. Chez Herezie, en ce moment même, nous travaillons sur une charte d’engagements RSE qui touchera tous les aspects possibles des activités de l’agence, de la durabilité aux fournisseurs, de la qualité de vie quotidienne des employé·es aux partenariats avec des associations.

IN. : votre double culture italienne, française, vous permet-t-elle d’observer des rapports différents à tous ces changements en Italie, en France ?

Les réseaux sociaux et les connexions numériques repoussent les limites. Les Alpes qui séparent nos deux pays n’ont jamais été aussi petites. Nous avons la même sensibilité et la même attention aux sujets que vous avez mentionnés dans la question précédente. La plus grande différence a toujours été le fait qu’en Italie, les luttes sociales sont mises en place de manière plus douce. Un mouvement national comme les Gilets Jaunes ou une grève nationale de longue durée auraient été impossibles en Italie, nos cultures entre le nord, le centre et le sud sont trop différentes pour avoir une voix commune. Et n’oublions pas que lorsque vous avez fait la Révolution française, nous n’étions même pas un pays uni.

IN. : comment voyez-vous l’évolution de la communication ?

A.S. : honnêtement, impact et engagement sont les seuls mots de passe qui peuvent ouvrir les portes d’une communication efficace. Nous devons être capables d’écouter avant de parler, de comprendre avant de suggérer.

IN. : quelle est votre position face aux propositions de la Convention citoyenne, d’interdire la publicité aux produits mauvais pour la santé et polluants ?

A.S. : je ne pense pas qu’on puisse traiter ce genre de problème de manière manichéenne. Tout n’est pas tout blanc ou tout noir. Le thème général est très important, certes, mais le débat principal doit porter sur les critères, et non sur une chasse aux sorcières à sens unique. Je suis d’accord avec Bruno Le Maire quand il dit qu’il ne faut pas parler de prohibition, mais du contrôle de la bonne information.

IL NE S’AGIT PLUS DE CHOISIR UN PRODUIT, MAIS D’ÉLIRE UNE MARQUE AVEC LAQUELLE NOUS POUVONS ÉTABLIR UN LIEN D’APPARTENANCE

IN. : comment accompagner les annonceurs dans cette transition ? Est-ce que cela va changer votre manière de les conseiller ?

A.S. : durant cette pandémie, nous avons créé des sessions de travail consacrées à l’analyse de la qualité et de l’impact de chaque action de communication. Il y a ce qu’on dit, mais aussi la manière dont on le dit. Il existe des milliers de ponts possibles entre une marque et son public, et tous doivent être extrêmement solides. Il ne s’agit plus de choisir un produit, mais de choisir une marque avec laquelle nous pouvons établir une relation et, en fin de compte, un lien d’appartenance.

IN.: le télétravail est un des sujets également… À la fois économique et organisationnel. Pensez-vous qu’il soit bon de passer au télétravail ? A quel rythme? Avez-vous déjà, comme certains, réorganisé votre manière de travailler ?
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Le télétravail peut être une solution intéressante pour de nombreuses entreprises s’il est développé en harmonie avec les besoins des employés. Dans le domaine de la créativité et des idées, le télétravail peut être plus délicat. Il a des qualités comme des défauts. Je crois que les interactions physiques spontanées et parfois chaotiques sont indispensables dans nos métiers. Les discussions. Les entre-réunions. En tant qu’agence, nous avons été en total confinement pendant la première et la deuxième vague de la crise. Nous comprenons que pour certaines personnes, le télétravail est important et, à l’avenir, nous nous engageons à écouter chaque cas et à aider les salarié·es à s’organiser pour les jours spécifiques demandés. En interne, nous avons développé une méthode de travail très fluide, avec des moments de contact constants pour les sessions en cours et les sessions « out of the box », avec des initiatives proactives en termes d’opportunités de communication pour nos clients liées à l’actualité.

IN. : pensez-vous que le processus créatif soit possible à distance ? Loin de la fameuse machine à café et des échanges en mode « ping-pong » que l’on a en face à face, ensemble autour d’une table, ou d’un café ?

A.S. : malgré le confinement, nous avons réussi à produire un travail créatif qui a été reconnu et récompensé par de nouvelles perspectives, par les données de post-test et de croissance du marché liées au travail que nous faisons avec nos clients et par des prix dans certains grands festivals dans le monde. Le processus créatif fonctionne, bien sûr, même en télétravail, et nous nous sommes maintenant organisés et formés pour continuer à le faire. On s’habitue à tout. Mais rien ne remplacera jamais une atmosphère d’open-space, avec non pas de simples collègues mais des amis, unis pour gagner ensemble, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de faire ce métier : les gens.

HEREZIE EXISTE DEPUIS 10 ANS, ET J’AI L’IMPRESSION QUE CETTE ANNÉE AURA ÉTÉ LA PREMÈRE D’UNE VÉRITABLE NOUVELLE AGENCE

IN. : quels sont les projets et votre volonté pour Herezie en 2021 ?

A.S. : pour mon associé Pierre Callegari et moi-même, l’essentiel est d’avoir une nouvelle ligne de management qui puisse prendre le relais et projeter l’agence vers l’avenir. Des énergies nouvelles, une pensée aiguisée et… les gens au cœur du réacteur. Avec l’ensemble des talents de l’agence et en comptant sur Paul, Etienne et Guillaume, nous avons une belle équipe en place qui sera complétée par une 4ème personne très bientôt. Herezie existe depuis 10 ans, et j’ai l’impression que cette année aura été la première d’une véritable nouvelle agence.
Quand on regarde ce qu’on a sorti en 2020, on se rend compte que notre travail s’est recentré autour de l’innovation, la création de contenu, les activations et l’engagement comme jamais il l’avait été auparavant. En 2021, nous allons poursuivre dans cette direction. Continuer à travailler sur des idées révolutionnaires, continuer à attirer de nouveaux talents, à faire preuve d’agilité et d’entraide. Continuer à être l’agence indépendante la plus récompensée en France, comme cela a été le cas l’année dernière, est un objectif que nous partageons tous, à tous les niveaux.
Comme je l’ai déjà mentionné il y a deux mois, nous avons lancé By The Network au niveau mondial. Nous avons créé une société avec 18 des meilleures agences indépendantes du monde. 450 créatifs dans 20 pays. Si vous jetez un œil sur bythenetwork.com, vous verrez des agences aux campagnes audacieuses et multi récompensées. C’est un voyage passionnant déjà récompensé par le premier gros pitch que nous avons fait pour l’un des plus grands acteurs numériques du monde. Il sera annoncé dans les prochaines semaines. Et pour finir, l’Italie. Nous prévoyons d’y ouvrir un bureau cette année également. Comme vous pouvez le voir, nous avons plusieurs projets sur la table pour cette année et toutes les bonnes énergies pour les mener à bien.

IN. : pensez-vous que ce métier si souvent décrié, et aujourd’hui confronté au poids des réseaux sociaux parvienne à être aussi brillant que par le passé ? Qu’il attire toujours autant de jeunes ?

A.S : oui ! Les jeunes cherchent un terrain de jeu où ils peuvent exprimer leur potentiel lié à leurs valeurs. C’est aussi simple que cela. S’il y a une chose qu’ils ne veulent pas, c’est faire des compromis. C’est pourquoi notre industrie doit mettre en avant la force de ces valeurs, mettre en avant le rôle dans la société et le soutien à l’expression professionnelle de soi. Seules des racines saines feront pousser des fleurs.

By the Network c’est 17 agences – 450 personnes
dans 20 pays dont :
Marvin , Los Angeles,
SMALL,  New York,
The Sway Effect , New York,
Ostrich Co , Toronto,
Founders , Miami, Mexico City, Kingston Jamaica, Buenos Aires,
Libre , Panama City,
Rehab , London,
Freeturn , London and Los Angeles,
Herezie , Paris,
Amsterdam Berlin , Amsterdam, Berlin,
Atom, Mumbai,
Worth Your While , Copenhagen,
Farm , Stockholm, Helsinki,
_2045 , Barcelona,
White Rabbit , Budapest,
Mr+Positive , Tokyo Seoul,
Shelly Beach Motorcycle Club , Sydney.

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