30 mai 2021

Temps de lecture : 3 min

Quand les enfants apprennent les écrans à leurs grands-parents*

Les technologies numériques ont souvent semblé créer une forme de distance générationnelle dans les familles. Mais alors que l’épidémie s’envenime et que le couvre-feu s’est instauré partout en France, elles s’avèrent de plus en plus précieuses pour maintenir une communication entre grands-parents et petits-enfants, et apparaissent aujourd’hui comme facteurs de « reliance ».

Au lieu de se voir pour le sempiternel déjeuner du dimanche, on communique par voie électronique, en échangeant des vidéos des petits-enfants. On observe l’émergence du phénomène des « grands-parents Skype ». Une étude(1) révèle, par exemple, que 78% des grands-parents ont des contacts en ligne avec leurs petits-enfants, et 50% d’entre eux utilisent WhatsApp. Certains adoptent même TikTok, le réseau social fondé sur la vidéo, en vogue chez les adolescents.

Socialisation inversée

Si, classiquement, la transmission des compétences et des savoirs est pensée comme un processus « descendant », qui va des anciens aux plus jeunes, ce schéma préétabli est remis en cause par le numérique. La transmission ne se fait pas qu’à sens unique. Ceci peut s’expliquer par un nouveau rapport au temps, qui n’est plus celui de la permanence et de la reproduction sociale, mais celui de l’instantanéité, de la mobilité et de toutes les incertitudes identitaires (2) qui en découlent. Ce sont les technologies de la communication, situées désormais au cœur de la sociabilité juvénile, qui contribuent à affecter ce rapport au temps en précipitant le désir d’immédiateté. Ces jeunes, les digital natives nés avec Internet et grandissant dans une culture numérique, disposent d’un fort niveau de connexion et jouent un rôle privilégié dans les apprentissages de leurs grands-parents. Dès lors, ils deviennent des « agents de socialisation » de leurs aînés, notamment dans les activités les plus technologiques, pour lesquelles, dans certains milieux, leur compétence surpasse la leur.

C’est ce que l’on appelle la « socialisation ascendante », « la socialisation inversée » ou encore la « rétro-socialisation », des notions qui rendent compte de ce changement de sens de la transmission.

Nouvelles formes de convivialité

Depuis le premier confinement strict en mars 2020, les parties de cache-cache entre les grands-parents et petits-enfants ont pris une autre tournure et se déroulent désormais derrière des écrans, par vidéo interposée. S’il est reconnu que les outils numériques peuvent isoler les individus, à l’ère de la Covid-19, ils créent aussi de nouvelles façons de communiquer.

On observe de nouvelles formes de convivialité résultant des nouveaux outils technologiques entre les grands-parents et leurs petits-enfants. Sur TikTok, grands-parents et petits-enfants se réunissent autour de challenges et de chorégraphies amusantes, permettant de créer un moment de complicité en famille. De plus en plus de grands-parents, initiés par leurs petits-enfants, prennent aussi d’assaut Twitter, à l’instar de James(3), 9 ans, en train d’interpréter un morceau de Queen I Want to Break Free avec son grand-père Paul, 73 ans.

Instagram, TikTok ou encore WhatsApp sont passés d’application sympathique pour ados à véritable phénomène de société : elles ont conquis les grands-parents qui envoient des photos, des messages et qui appellent leurs petits-enfants en vidéo. Pour pallier le manque de raconter des histoires aux petits-enfants, des applis, tels que Story-Enjoy, ont vu le jour permettant d’enregistrer en vidéo une histoire à leur envoyer.

Un brouillage générationnel ?

Classiquement, deux principaux modes d’apprentissage(4) entrent en jeu : le mode collaboratif et le mode affirmatif. La forme collaborative est basée sur l’échange et prend place dans un espace temporel et physique commun entre petits-enfants et grands-parents. L’apprentissage se fait ensemble, et les écrans des tablettes numériques et des ordinateurs servent de support aux relations réelles, en rapprochant grands et petits physiquement. À l’inverse, le mode affirmatif prend place dans un espace temporel et physique dissocié du processus suivi par les grands-parents. Le coronavirus oblige de nombreux grands-parents à garder leurs distances avec leurs petits-enfants, et cela explique pourquoi de nombreux petits-enfants adoptent un mode d’apprentissage affirmatif, en guidant leurs grands-parents pour se servir d’outils comme Zoom, Teams, Skype…

L’avènement des nouvelles technologies contribue assez logiquement à donner davantage de pouvoir aux enfants mineurs au sein de leur famille, et notamment à l’égard de leurs grands-parents. Cette socialisation inversée tend même à estomper les frontières générationnelles. Ce transfert de compétences peut aussi amener à nous questionner aujourd’hui sur la transmission en famille.

* article tiré de The Conversation

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