Fabien Namias : « Le canal 15 sur lequel BFM TV a été lancée est devenu le réflexe info. Cela le restera sur le canal 13 »
Longtemps leader incontestée des chaînes infos sur la TNT, BFM TV a traversé une période de turbulences liée à la concurrence de CNews et à son changement de propriétaire. Désormais ancrée au sein de CMA Media, la chaîne ouvre ce 6 juin 2025, bon gré mal gré mais avec une ambition intacte, une nouvelle page de son histoire sur le canal 13 de la TNT. Une évolution en deux temps, explique Fabien Namias, son directeur général depuis octobre 2024.
INfluencia : pour BFM TV, le changement de canal TNT vendredi 6 juin 2025 coïncide avec la fin d’une clause de cession qui a vu partir une cinquantaine de journalistes. Compte tenu de ce contexte interne à l’entreprise, le vrai rendez-vous que vous donnez aux téléspectateurs sur le canal 13 n’interviendra-t-il pas plutôt à la rentrée ?
Fabien Namias : BFM TV, dont la vie était déjà très riche et dense depuis 19 ans, sort de douze mois extraordinaires au sens littéral du terme. La chaîne a été traversée par des événements puissants : elle a été rachetée par CMA CGM en mars, a changé de direction en octobre, puis connu une clause de cession de huit mois, soit une durée sans précédent dans l’audiovisuel. Cette clause s’est achevée le 31 mai 2025, au cœur des préparatifs de la rentrée et au moment où se font les traditionnels transferts de journalistes. Tout cela a créé une hyper sensibilité au sein de la chaîne, ce qui était bien naturel, et il a fallu accompagner tous ces bouleversements. L’essentiel des figures majeures de la chaîne ont choisi de rester. Nous avons maintenant deux enjeux devant nous : le changement de canal ce 6 juin, puis la rentrée le 25 août.
BFM TV est dans une situation très différente de certains de ses concurrents qui arrivent dans le bloc info du fond de la TNT. La chaîne est très bien identifiée des Français et son taux de notoriété est le plus important de toutes les chaînes d’information.
IN : quel est, dans l’immédiat, l’enjeu du changement de canal ?
F.N. : faire savoir que BFM TV arrive sur le canal 13 et faire comprendre aux téléspectateurs qu’ils retrouveront sur ce nouveau numéro la chaîne qu’ils aiment et à laquelle ils font confiance. Et aussi leur dire que rien ne va changer pour eux car le savoir-faire et la raison d’être de la chaîne restent identiques. BFM TV demeure la référence en matière d’actualité, de direct et d’événementialisation de l’antenne. Nous sommes dans une situation très différente de certains de nos concurrents qui arrivent du fond de la TNT – ce que j’ai connu lorsque j’étais à LCI sur le canal 26 – pour lesquels il y a un enjeu à dire qu’ils font peau neuve sur un canal mieux exposé. Le canal 15 sur lequel BFM TV a été lancée en 2005 est devenu le réflexe info avec, chaque jour, 12 millions de Français qui s’y rendent. La chaîne est très bien identifiée des Français et son taux de notoriété est le plus important de toutes les chaînes d’information. BFM est aussi l’une des marques les plus connues en France, ce qui est remarquable alors qu’elle a à peine 20 ans. Nous passons du 15 au 13 mais nous embarquons avec nous le talent des équipes et ce réflexe info.
IN : comme précédemment, BFM TV reste la première chaîne d’info accessible dans le plan de service de la TNT…
F.N. : c’est un élément très important. Le groupe était opposé à ce changement de canal qui bouscule les habitudes des téléspectateurs mais l’Arcom en a décidé autrement. Il faut maintenant aller de l’avant et faire de cette évolution un atout. La chaîne gagne deux rangs, elle est mieux exposée sur le plan de service de la TNT, avec peut-être des points à prendre sur la durée car elle est plus rapidement accessible lors du zapping. Il y aura sans doute jusqu’à la rentrée un temps pendant lequel les repères seront un peu chahutés et devront se reformer pour que le public vienne naturellement vers le canal 13 chercher ce qu’il trouvait avant sur le canal 15. Il faudra parier sur l’intelligence du téléspectateur, garder le cap et son sang-froid.
La chaîne gagne deux rangs, elle est mieux exposée sur le plan de service de la TNT, avec peut-être des points à prendre sur la durée car elle est plus rapidement accessible lors du zapping
IN : c’est aussi une des chaînes info qui court le plus de risques sur son audience du fait d’un zapping facilité au sein du bloc info. Y a-t-il des parades de programmation pour garder le public sur votre antenne ?
F.N. : je n’ai jamais cru aux parades ni aux martingales. La seule solution efficace pour retenir le public consiste à produire de bons contenus, attractifs, intéressants et variés. C’est pour cela que, dans une deuxième étape à partir du 25 août, nous nous attacherons à conforter l’image d’une chaîne hyper-réactive et de l’événement, et à monter en puissance sur la capacité d’analyse et de décryptage. Un certain nombre de recrutements, déjà effectifs ou annoncés pour certains – Elsa Vidal, Soizig Quéméner, François Clemenceau et Didier François – et d’autres à venir, ajouteront une qualité et une profondeur d’analyse à la puissance de feu de la chaîne. Depuis quelques mois, nous sommes considérablement renforcés sur l’international, y compris avec du reportage. Si nous arrivons à créer de l’intérêt et de la curiosité en allant dénicher les sujets, à être le plus réactifs possible et à créer un climat de confiance grâce à la légitimité des journalistes et des spécialistes qui interviennent sur notre antenne, nous devrions limiter autant que faire se peut le zapping.
Des recrutements annoncés et d’autres à venir ajouteront une qualité et une profondeur d’analyse à la puissance de feu de la chaîne.
IN : chaque chaîne affute son positionnement. De quelle manière cela va-t-il se traduire pour BFM TV ?
F.N. : BFM TV reste et doit rester la chaîne de toutes les actualités, du direct et de l’événement. Nous avons consacré le dernier week-end de mai une grande partie de son antenne à la victoire du PSG en Ligue des champions, avec la liesse populaire et les violences et les débordements, ce qui nous a placé très loin devant les autres chaînes d’info. Trois semaines plus tôt, l’élection du Pape a permis à BFM TV de réaliser son record d’audience de l’année et d’être troisième chaîne nationale au moment de l’élection. Nous avons aussi été un puissant leader sur la politique au moment de l’élection du président des Républicains. Tout cela souligne le réflexe des téléspectateurs de se tourner vers BFM TV en cas d’actualité forte, la compétence et la capacité des équipes à se déployer, mais aussi la pluridisciplinarité de la chaîne, quand nos concurrentes s’hyper-spécialisent : CNews sur l’opinion et LCI dans la couverture de l’actualité internationale. C’est aussi la seule chaîne capable d’envoyer des équipes en Ukraine, en Russie, aux Etats-Unis…, de couvrir les intempéries en France, les manifestations dans Paris ou l’après-match du PSG. Le but est de conserver cet acquis et nous sommes persuadés que les téléspectateurs sauront le retrouver sur le canal 13. De ce point de vue, nous sommes tout à fait confiants.
BFM TV reste et doit rester la chaîne de toutes les actualités, du direct et de l’événement.
IN : y a-t-il une réflexion sur la place du fait divers à l’antenne, une thématique qui plait à une partie du public mais peut pour d’autres faire office de repoussoir dans une actualité déjà assez anxiogène ?
F.N. : tout est question de proportion et de ce que l’on choisit de mettre en exergue. À une époque, BFM TV a sans doute accordé au fait divers un traitement plus important que ce n’est le cas aujourd’hui. Avec la nouvelle direction de l’information, nous considérons que tout fait actualité, qu’il ne faut pas limiter la chaîne à un seul secteur mais pas non plus en exclure car nous sommes une chaîne d’information à vocation généraliste. Le fait divers est une actualité comme les autres, qui a toute sa place à l’antenne quand il touche le pays, suscite de l’émotion ou crée une actualité judiciaire. Le traitement de l’affaire des viols de Mazan a été bien plus important sur BFM TV que sur les chaînes concurrentes car cela faisait sens.
Tout fait actualité. Il ne faut pas limiter la chaîne à un seul secteur mais pas non plus en exclure car nous sommes une chaîne d’information à vocation généraliste.
IN : pourquoi mettre davantage l’accent à la rentrée sur la proximité et les territoires…
F.N. : quand beaucoup revendiquent d’être les porte-paroles des Français en restant enfermés dans un studio, nous voulons sortir et leur donner la parole grâce à nos reporters. C’est déjà le cas dans notre matinale et cela sera renforcé à la rentrée avec une tranche de la mi-journée confiée à Christophe Delay qui déploiera cet aspect de proximité au plus proche des territoires en s’appuyant notamment sur les BFM locales en région.
IN : les synergies groupe sont donc amenées à se développer ?
F.N. : CGA CGM bâtit un groupe de médias. Chaque média garde son identité, son savoir-faire et son public, mais il faut profiter des compétences des uns et des autres et les offrir au public. C’est pour cela que nous travaillons avec les BFM locales, tout comme nous le faisons aussi avec Soizig Quéméner et François Clémenceau de La Tribune dimanche (respectivement rédactrice en chef et éditorialiste, ndlr).
BFM TV est la chaîne des actifs, impliqués dans la vie professionnelle, associative, familiale… C’est une spécificité que nous tenons à préserver et à conforter pour la place que la chaîne veut occuper dans la société et pour des raisons économiques.
IN : BFM TV est déjà très bien positionnée sur les 25-49 ans. Quels nouveaux publics pouvez-vous viser sur ce nouveau canal ?
F.N. : en progressant de deux rangs, on peut prétendre à toucher un public plus large et donc encore augmenter notre couverture. Si BFM TV a vocation à toucher tous les publics, elle est aussi la chaîne des actifs, de ceux qui sont impliqués dans la vie professionnelle, associative, familiale… C’est une spécificité que nous tenons à préserver et à conforter, tant pour la place que la chaîne veut occuper dans la société que pour des raisons économiques. En recrutant des téléspectateurs actifs et un public plus jeune moins attiré qu’autrefois par le média, on prépare aussi l’audience de long terme de BFM TV. C’est l’enjeu principal de la structure d’audience et de la structure économique de la chaîne.
Il y a une corrélation très forte entre l’actualité et la puissance de la chaîne. Qui dit événement, dit BFM TV.
IN : l’autre grand chantier concerne évidemment ce leadership des chaînes d’info qui a longtemps été l’apanage de BFM TV et que CNews vous a ravi il y a un an. Comment regagner du terrain face à cette chaîne qui reste, mois après mois, sur une dynamique très puissante ?
IN : CNews était à égalité avec BFM TV en mars et avril 2024, puis est passée devant en mai. Depuis, BFM TV est redevenue leader à trois reprises, pendant l’été 2024 et en décembre. Sur ce mois de forte actualité avec la réouverture de Notre-Dame, la visite du Pape en France, la chute de Bachar Al Assad et la formation du nouveau gouvernement Bayrou, nous avons assez largement devancé CNews… Tout cela montre la corrélation très forte entre l’actualité et la puissance de la chaîne. Qui dit événement, dit BFM TV. On l’a encore vu en mai 2025 (la chaîne a gagné 0,2 point à 2,9 % de pda et réduit de 0,1 point son écart avec CNews, qui est de son côté à 3,4 % de pda, ndlr). Passé le changement de canal et sans doute quelques jours un peu frictionnels sur les audiences, nous nous préparons à partir de la rentrée à une grande séquence d’actualité – avec tout ce qu’elle peut réserver d’imprévu – et de grands mouvements qui vont travailler la société française. Avec le vote du budget qui peut devenir un événement politique selon la manière dont le gouvernement passera ou pas ce cap. Puis avec les municipales – le scrutin préféré des Français – puis la présidentielle. Tous ces rendez-vous sont des événements. C’est là qu’on verra le savoir-faire de BFM TV, qui fera toute la différence.
La campagne de communication réalisée en interne et diffusée à l’occasion du changement de numérotation est centrée sur les journalistes et reporters de la chaîne, avec pour signature « Pour l’info, faîtes le 13 ». Le logo a été transformé, le B de BFM devenant le chiffre 13. La campagne est diffusée du 4 au 11 juin en affichage dans 100 agglomérations, en presse quotidienne nationale, régionale et en presse magazine, sur les supports digitaux de la chaîne, les réseaux sociaux du groupe, ceux de la chaîne et de ses présentateurs.
En savoir plus
BFM TV en quelques dates et chiffres
2005 : lancement de la chaîne portée par Alain Weill (NextRadioTV) sur le canal 15 de la TNT gratuite
2015 : BFM TV entre dans le giron du Groupe Altice (Patrick Drahi)
2024 : CMA CGM et sa holding familiale Merit France acquièrent 100 % du capital d’Altice Media (les chaînes BFM TV, RMC Découverte et RMC Story, ainsi que la radio RMC)
2025 : passage sur le canal 13 de la TNT gratuite
En mai 2025, BFM TV affichait 2,9 % de part d’audience sur les 4 ans et plus (+0,2 points sur un an comme sur un mois) et de 3,2 % sur les 25-49 ans (+0,3 point en un an).
La couverture mensuelle s’établit à 45,417 millions de téléspectateurs (Médiamat mensuel, Médiamétrie).
La chaîne a été regardée par 11,7 millions de personnes en moyenne chaque jour.
Elle comptait aussi 2,1 millions de téléspectateurs replay sur le mois.