7 décembre 2023

Temps de lecture : 7 min

« Il fallait redonner aux amoureux de Radio Nova l’envie de nous écouter », Emmanuel Hoog (Combat Media)

« Nova… le grand retour ». Selon les chiffres de Médiamétrie, la radio fondée il y a plus de quarante ans par l’iconique Jean-François Bizot, signe sa meilleure rentrée depuis 5 ans et la plus forte progression toutes radios confondues avec + 25% d’audience cumulée en 1 an. Nous avons rencontré Emmanuel Hoog, directeur général du groupe Combat – qui comprend Les Inrocks, Radio Nova ou encore Rock en Seine – pour mieux comprendre les raisons de cette vitalité retrouvée.

Nova, créatrice de la sono mondiale, reste une radio singulière, prescriptrice, rassembleuse et réputée pour son éclectisme musical.

INfluencia : comme le relaie votre communiqué, rapport de Médiamétrie à l’appui : « Nova est la radio qui progresse le plus en un an avec une augmentation de près de 25% d’audience cumulée ». Comment expliquez-vous ces bons résultats actuels au sein d’un secteur radiophonique en perte de vitesse ?

(Ndrl, on peut notamment évoquer, toutes radios confondues et toujours selon Médiamétrie, la baisse de 200 000 auditeurs en Ile-de-France sur la même période)

Emmanuel Hoog : nous sommes ravis mais aussi très modestes car nous savons qu’il est plus facile de voir ses audiences baisser que de les voir progresser. En tout état de cause, le travail que nous avons entrepris depuis quelques mois est un chantier de moyen/long terme. Ce n’est pas un feu de paille. Nous sommes satisfaits parce que ces bons chiffres confirment l’idée qu’il fallait changer, bouger, mais dans la continuité. Je pense à cette citation du roman Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dont Visconti a tiré son film : « Il fallait que tout change pour que rien ne change ». Notre message semble avoir été entendu, tant pour les audiences hertziennes que celles du digital.

 

INfluencia : … et pour mieux retrouver certains auditeurs historiques qui vous auraient quitté ?

Emmanuel Hoog : bien sûr ! Il est clair que sans cette problématique de perte d’audience que nous avons dû affronter ces dernières années, nous n’aurions pas bougé (rire). Il fallait redonner aux amoureux de Radio Nova l’envie de nous écouter. Les mêmes qui n’avaient pas accepté certains changements et qui semblent davantage en adéquation avec le Nova que nous leur proposons aujourd’hui. Mais nous restons sur nos fondamentaux : 50% de nouveautés de moins de six mois et 15% de chansons françaises, donc une grille tournée à 85% vers le reste du monde et qui s’attache à explorer l’ensemble des genres musicaux. Yacast démontrait récemment que Radio Nova était « originale » à 96%, c’est-à-dire que l’ensemble de ses titres ne se retrouvent – à 4% près – nulle part ailleurs. Nous sommes uniques dans le paysage radio en France !

Nous restons sur nos fondamentaux : 50% de nouveautés de moins de six mois et 15% de chansons françaises, donc une grille tournée à 85% vers le reste du monde et qui s’attache à explorer l’ensemble des genres musicaux

 

IN. : comment cette volonté se traduit-elle dans la grille des programmes ?

E.H. : nous nous sommes reconcentrés sur nos fondamentaux, peut être que l’on s’était un peu dispersés. Nous comptons aujourd’hui quatre heures d’émissions dans notre grille, deux heures en début et deux heures en fin de journée, deux tranches qui sont présentées par des animateurs historiques de Nova. En septembre dernier, Mélanie Bauer est revenue chez Nova (après un passage sur France Inter) et elle co-anime, depuis la rentrée, la Matinale « T’as vu l’heure ? » avec Thierry Paret, qui connait bien cette tranche pour l’avoir animée pendant des années David Blot, une autre voix familière de la station, est aux commandes le soir du Nova Club, le salon musical et culturel de Radio Nova. Ils sont tous là, accompagnés de chroniqueurs qui abordent, comme toujours, l’actualité culturelle et musicale.

 

IN. : même dans la matinale ?

E.H. : cette question m’a été posée encore récemment : « Il n’y aura plus d’information le matin ? ». Là non plus, pas de bouleversements, nous comptons toujours cinq flashs d’information dans la matinale. Une des nouveautés de notre nouvelle grille : des chroniques sur l’actualité cinématographique, littéraire, musicale ou sociétale viennent ponctuer chaque heure. C’est un work in progress qui avance en douceur.  Notre grille était à 80% musicale, elle est passée à 84% ; pour le « parler », nous sommes passés de 20 à 16%. Il n’y a donc pas de bouleversements radicaux.

 

IN. : le rapport de Médiamétrie révèle également que l’audience des 25-49 ans, que vous décrivez volontiers comme votre « cœur de cible », progresse de +18,2% en un an et de +65 % comparée à la vague précédente. Ce rajeunissement de votre audience s’explique-t-il par de nouvelles politiques concernant les entrées en playlist ?

E.H. : vous savez, c’est la part que le marché retient, les régies comme les annonceurs. Pas forcément celui qu’on cible. Nova, c’est de 7 à 90 ans ! Nous avons toujours été performants sur la base que vous décrivez. Concernant les entrées en playlists, nous avons élargi notre spectre musical. Sur les 15% d’artistes français que nous diffusons, nous proposons une sélection diverse allant de Eddy de Pretto à nos artistes maison Flavien Berger et Disiz en passant par nos coups de cœurs plus récents Yoa et Mr Giscard. Le rap fait aussi son retour sur l’antenne, un genre qui est véritablement né en France et sur Nova. Notre fameux « Grand mix » s’était en fait un peu rétréci et notre playlist est beaucoup plus multicolore et diverse aujourd’hui.

 

 

IN. : au sein d’un contexte géopolitique particulièrement préoccupant, comment une radio dédiée à la culture… mais surtout qui parle peu, arrive à « rester dans la roue » des stations généralistes et thématiques ? 

E.H. : d’abord, il faut rappeler que Radio Nova a toujours été une radio musicale et culturelle. Elle n’a jamais été une radio d’information, même si l’information est présente dans la matinale. Nous sommes parfaitement conscients du fait qu’un auditeur vraiment en soif d’information ira sur d’autres radios avec lesquelles Nova n’a jamais lutté et ne luttera jamais car cela n’aurait aucun sens économique. En revanche, les personnes qui sont d’abord passionnées de musique, de découverte et de culture auront aussi l’information générale que l’on juge nécessaire. Maintenant, pour vous répondre, je pense que votre question fait écho à ce que j’expliquais précédemment et qui infirme un peu les critiques que l’on a entendues ici ou là : Nova, créatrice de la sono mondiale, reste une radio singulière, prescriptrice, rassembleuse et réputée pour son éclectisme musical.

Il faut que l’on ait l’impression qu’avec Nova, l’ « autre » est proche. Ce n’était plus forcément le cas.

IN. : pouvez-vous approfondir cette idée ?

E.H. : Nova est totalement différente des autres radios et on continuera à s’efforcer de l’être et de ne ressembler à quiconque. Si c’était le cas, on n’aurait plus aucune plus-value. Mais on s’est réinterrogé, à la rentrée, sur la base de nos talents, sur la meilleure manière de nous présenter à l’auditeur. On a remis au centre de nos préoccupations l’auditeur et sa fidélité. Nous sommes une radio avec des valeurs, humanistes, de découverte, de tolérance, à l’écoute de l’autre, des signaux faibles et des avant-gardes… Simplement il faut présenter ces composantes de manière à créer le désir et non pas à creuser un fossé… Il faut que l’on ait l’impression qu’avec Nova, l’ « autre » est proche. Ce n’était plus forcément le cas.

Il faut que l’on ait l’impression qu’avec Nova, l’ « autre » est proche…

Si l’antenne, qui est la clé de voute du système, se porte mal, c’est tout le système qui chancèle.

IN. : début novembre, nous avons appris la nomination de Frédéric Antelme, ex-directeur de la stratégie éditoriale de Deezer, en tant que directeur de la station. Jean-François Latour, à qui il succède, reste dans l’organigramme en tant que consultant. Pouvez-vous nous toucher un mot de ce nouveau virage  ?

E.H. : Il ne s’agit pas vraiment d’un nouveau virage. Frédéric Antelme connait déjà parfaitement la radio et Jean-François Latour poursuit sa mission au sein de Nova. Maintenant, pour rentrer dans les détails de ce grand chantier que nous avons déjà amorcé avec eux… le navire amiral, c’est l’antenne, le programme, disponible sur les ondes hertziennes et en digital. Mais Nova, c’est beaucoup plus que ça. Nous avons notre Studio Nova, une agence de production sonore où se créent et s’enregistrent des livres audios, des podcasts natifs, des projets en marque blanche, mais qui conçoit aussi des créations audios, des habillages, des publicités pour des marques. Nous travaillons aussi activement dans le développement de webradios thématiques. Si l’antenne, qui est la clé de voute du système, se porte mal, c’est tout le système qui chancèle.

Radio Nova a toujours eu une très forte éditorialisation de son antenne, elle faisait du podcast sans le savoir !

IN. : concernant les podcasts, justement, comment le secteur pourrait-il se structurer dans les années à venir selon vous?

E.H. : nous avons en podcast un certain nombre de grandes marques, par exemple le programme de David Blot (Nova Club) qui fonctionne très bien en replay. Du côté des programmes natifs, étant donné que Radio Nova a toujours eu une très forte éditorialisation de son antenne, elle faisait du podcast sans le savoir ! Après, il y a sûrement des choses nouvelles à entreprendre, Frédéric Antelme connait ce secteur-là mieux que personne. Mais on a d’un côté le sujet de la dynamique éditoriale, dont Frédéric est le porteur et de l’autre celui de l’économie général car le podcast, en France comme partout dans le monde, n’a toujours pas trouvé son modèle économique, son marché ou sa pérennité. Dans le marché radiophonique français, du fait de la situation exceptionnelle du service public, on a une économie de la gratuité autour du podcast de qualité qui rend pratiquement impossible la mise en place d’une économie du payant autour du podcast. Bien sûr, cette problématique dépasse largement Radio Nova.

Dans le marché radiophonique français, l’économie de la gratuité autour du podcast est de grande qualité… mais elle rend pratiquement impossible la mise ne place d’une économie du payant.

IN. : vous avez peut-être lu l’article — très critique — de Libération paru le 25 octobre dernier (avant la publication de Médiamétrie) qui évoquait, je cite, une « dizaine de plaintes » d’auditeurs au sujet de « playlists boomerisées » et qui insinuait que Radio Nova était en train « de perdre son âme ». Cette rentrée réussie est-elle la meilleure des réponses à donner ?

E.H. : je vous avoue que je ne préfère pas commenter les articles de presse. Radio Nova s’est toujours efforcée d’être une radio très positive et généreuse. Nous devons conserver ce ton souriant, ironique, combatif, mais certainement pas polémique. Ce n’est pas notre positionnement. Nous savons que ces plaintes, dont parle le journaliste que vous évoquez, sont très marginales et que notre message a été reçu par la grande majorité de nos auditeurs.

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