11 avril 2023

Temps de lecture : 5 min

« Le marketing d’influence va quadrupler d’ici 2025 » : Edouard Fillias (Jin)

Edouard Fillias est le fondateur et CEO de Jin.  Cette agence de conseil en communication, spécialiste de l’influence digitale et des relations publiques est présente à ParisLyonLondresBerlin et New York. Très tôt, cette société s’est développée dans le marketing d’influence. Son patron peut donc nous donner un point de vue éclairé sur ce secteur et son avenir…

face à l’effondrement de la publicité digitale qui est de moins en moins impactante et efficace, de plus en plus de clients considèrent le marketing digital comme un recours.

INfluencia : pouvez-vous nous décrire votre agence en quelques mots ?

Edouard Fillias : Jin existe depuis tout juste dix ans et emploie 120 collaborateurs. Notre objectif est de comprendre les communautés et leurs écosystèmes respectifs pour les activer afin de rendre service aux dirigeants de marques qui font appel à nos services. Parmi nos clients, nous comptons notamment Bouygues, Ferrero, Grand Optical, Allianz, Casino, Samsung et depuis peu Happn. Nous avons une culture à la fois très corporate et marketing.

IN : quand vous êtes-vous lancé dans le marketing d’influence ?

E.F.  : très rapidement. Notre premier client sur ce marché était Europcar. Nous avons fait appel, pour eux, à un Instagrameur qui a fait toute une série de photo sur les plus belles routes d’Europe. L’idée sur ce projet n’était pas de profiter de sa communauté mais d’utiliser son rayonnement pour diffuser cette campagne dans 20 pays. Nous avons ensuite fait des campagnes de marketing d’influence pour de nombreux autres clients dont Ricoh et Geodis. Pour Bouygues, nous avons développé une opération de BtoB en faisant appel à des pilotes de drone pour qu’ils tournent des images dans des tunnels. Ce secteur m’a toujours passionné. En 2019, j’ai même coécrit le Manuel de l’influenceur aux éditions Ellipses.

J’applique le principe de Jacques Séguéla quand il a fait appel à Dali pour une publicité de Citroën.

IN : comment a évolué ce secteur au fil des années ? 

E.F. : tout a commencé avec l’émergence des bloggeurs au début des années 2000. Ces personnes qui étaient bonnes à l’écrit étaient pour la plupart d’entre eux des journalistes. A partir de 2010 ont commencé à apparaître des vidéastes comme Squeezie. Depuis 2015, on assiste à l’explosion de nouveaux talents en ligne. Avec l’effondrement des coûts d’accès à la vidéo lié à l’arrivée des nouveaux smartphones, tout le monde se met à poster des contenus sur le web. C’est une incroyable révolution culturelle. Les influenceurs se spécialisent sur des niches de plus en plus précises. YouTube est et reste en pointe sur le marketing d’influence. Je passe moi-même deux heures par jours sur cette plateforme car elle est tellement riche.

IN : face à cette explosion du nombre d’influenceur, comment une marque fait-elle pour en choisir un plutôt qu’un autre ?

E.F. : face à l’effondrement de la publicité digitale qui est de moins en moins impactante et efficace, de plus en plus de clients considèrent le marketing digital comme un recours. Si beaucoup d’agences vendent du volume ou font croire à l’existence d’une baguette pour trouver les bons influenceurs, je privilégie une approche plus traditionnelle que certains pourraient même dire ringarde. J’applique le principe de Jacques Séguéla quand il a fait appel à Dali pour une publicité de Citroën. Le créateur et ses messages doivent être en adéquation avec la marque. La rencontre entre le client et l’influenceur est un travail de relation publique. Cela prend du temps et doit se faire en face-à-face. Les outils technologiques que nous utilisons nous servent à détecter des talents mais in fine, le lien doit se tisser entre le créateur et les dirigeants de l’entreprise. C’est encore plus vrai aujourd’hui car les marques souhaitent aujourd’hui développer des relations sur la durée avec l’influenceur qui devient en quelque sorte son égérie. La plupart d’entre eux se sont beaucoup professionnalisés ces dernières années. Ils ont presque tous des agents ou des agences qui les représentent.

On peut compter sur les doigts d’une main les influenceurs mondiaux

IN : quels sont les influenceurs les plus pertinents pour une marque ? Les grandes stars mondiales, les vedettes nationales ou les nano-influenceurs ?

E.F. : tout dépend du budget, des ambitions et du nombre de pays visés par le client. On sait que plus la communauté d’un influenceur est large, moins il est prescripteur. Il n’existe toutefois pas de réponse universelle à cette problématique. On peut compter sur les doigts d’une main les influenceurs mondiaux. Pour avoir une visibilité très forte et rapidement, utiliser des grands influenceurs nationaux est souvent l’option la plus efficace. Pour déclencher une vague d’adhésion par le bas, de client à client, faire appel à des nano-influenceurs peut avoir du sens. Une autre option pour les marques serait de créer leur propre influenceur mais personne n’ose encore le faire et franchir ce Rubicon.

2021 a été une année très faste et 2022 a marqué un retour à la réalité. Les influenceurs demandent toujours les prix pratiqués durant la pandémie mais le marché a évolué

IN : Combien coûte un influenceur de nos jours ?

E.F. : nous traversons actuellement un passage de cap. 2021 a été une année très faste et 2022 a marqué un retour à la réalité. Les influenceurs demandent toujours les prix pratiqués durant la pandémie mais le marché a évolué depuis et les tarifs ont significativement chuté et cette tendance devrait se confirmer dans les mois à venir.

IN : le marketing d‘influence deviendrait-il bon marché ?

E.F.  : on ne peut pas dire ça… Pour lancer une campagne d’influence marketing efficace, vous devez payer un influenceur mais vous devez aussi libérer un budget pour activer les contenus, organiser des events et payer les honoraires de l’agence qui va gérer ce projet. Le ticket d’entrée pour une projet sérieux est compris entre 150.000 et 200.000 euros. 40% à 50% de cette somme sera versée à l’influenceur, 30% à 40% à l’agence et 10% à 20% aux frais d’activation. Cette enveloppe peut toutefois être très variable. Une campagne avec un seul nano-influenceur peut se faire avec un budget de 10.000 euros. Je suis toutefois ravi de voir certaines marques investir entre 500.000 et 1 million d’euros pour des campagnes ambitieuses.

Aujourd’hui si vous avez un million d’abonnés, vous êtes déjà une PME car vous employez deux ou trois personnes

IN : le marketing d’influence va-t-il encore se développer à l’avenir ?

E.F. : j’en suis persuadé. Le marketing d’influence va quadrupler de taille d’ici 2025. Ce secteur va progresser au détriment du SEA et des publicités sur les réseaux sociaux et en particulier sur Facebook. La pub télé, qui est un média en sursis, va aussi reculer mais je pense que la radio et la presse magazine vont mieux résister. Le paysage médiatique va beaucoup évoluer dans les années à venir. Le succès aux Etats-Unis de Dailywire qui a été lancé par un influenceur proche du parti républicain et qui est une plateforme payante sur laquelle les influenceurs remplacent les journalistes en appelle d’autres. On peut très bien imaginer voir à l’avenir des médias créés par des influenceurs spécialisés dans la politique, la beauté ou le travel. Cette évolution est inéluctable. Aujourd’hui si vous avez un million d’abonnés, vous êtes déjà une PME car vous employez deux ou trois personnes pour vous aider comme un monteur et un assistant. Vous êtes aussi déjà un producteur de contenu. La suite logique de votre développement est de fonder votre propre média et les marques auront un rôle à jouer sur ce marché.

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