10 novembre 2023

Temps de lecture : 8 min

David Abiker (radio Classique): « 1% du caractère de Tapie, ça me suffirait ».

Il nous réveille tous les matins sur la matinale de Radio Classique de 7h à 9h et écrit une chronique toutes les semaines dans Le Parisien Week-end. Mais saviez-vous qu’il repeuplerait bien la planète avec Cléopâtre ?  David Abiker  répond avec l’humour qu’on lui connait, mais aussi avec grande modestie, au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige bien sûr.

 

INfluencia : Votre coup de cœur ?

David Abiker : je vais vous étonner, il est pour les gens qui font des recettes de cuisine sur Instagram. C’est très, rythmé et coloré. Cela me détend. Ça n’a rien à voir avec Top Chef, c’est astucieux et rapide, on y voit des inconnus, des gamins de 20 ans ou des mères de famille qui réalisent des trucs assez étonnants dans leur façon de présenter la nourriture et de cuisiner. Et je leur ai piqué quelques astuces, par exemple celle qui consiste à prendre une feuille de riz très fine pour faire une omelette. On la met au fond de la poêle, on casse les œufs et quand on la plie en deux cela fait un demi-cercle parfait. J’adore…

 

IN : Et votre coup de colère ?

D.A. : je ne m’énerve jamais. Mais j’ai quand même un exemple. J’ai repris récemment le vélo que j’avais arrêté en 2005 pour des raisons médicales. J’ai acheté un casque, des bandes fluo, etc. et j’ai testé Vélib. Je suis allé de chez moi jusque dans le cinquième pour une expo. A un moment, je me suis arrêté et un type qui passait à vélo s’est mis à m’insulter. Et je me suis dit finalement que les automobilistes étaient bien plus courtois que les cyclistes et qu’ils étaient devenus les grands altruistes de la route, tandis que les cyclises sont des égoïstes et des sauvages. Cela dit, je vais continuer à faire du vélo, car il n’y a pas de raison que moi aussi je ne fasse pas de bêtises et que je ne brûle pas les feux rouges. Donc vive le vélo – électrique bien sûr.

    La sortie conjointe d’un livre et…  d’un cancer.

 IN.: L’événement qui vous a le plus marqué dans votre vie ?

D.A. : il y a eu la sortie de mon premier article… dans Les Echos – c’était prémonitoire -. J’avais réalisé un mémoire de DEA en science politiques sur un sujet totalement abscons, « le consulting dans les collectivités territoriales » et j’en avais fait un article de synthèse que j’avais envoyé à ce quotidien qui l’a publié.

Mais l’évènement qui m’a le plus marqué est double : la sortie conjointe d’un livre et… d’un cancer. En septembre 2005, j’ai en effet écrit un livre intitulé « Le musée de l’homme, le fabuleux déclin de l’empire masculin » * qui a reçu un bon accueil avec notamment une pleine page dans le Parisien. Et j’ai fait un jour une conférence au Musée de l’Homme dans la salle des projections. Un comédien lisait des passages et le directeur du musée commentait sur le plan anthropologique. C’était à la fois sérieux et humoristique. On a rempli cette salle de 200 places, j’ai fait plein de dédicaces. C’était une semaine intense, j’étais ivre de joie et, cinq jours plus tard, on m’annonçait que j’avais un cancer heureusement totalement guéri depuis… Mais la promotion du livre m’a aidé à traverser cette période.

L’amour, le sexe et… la table

IN. : si vous aviez suivi vos rêves d‘enfant 

D.A. : je n’ai pas rêvé être journaliste. Mais je me souviens que, lorsque j’étais en sixième, j’avais un pote qui avait beaucoup de bagout, nous avions un magnétophone et nous avions inventé une émission qui s’appelait « L’amour, le sexe et la table ». Nous avions 11 ans, ne connaissions rien aux trois, et nous parlions d’ailleurs de tout autre chose que d’amour, sexe et de table. C’est bête que nous n’ayons pas gardé une cassette. C’est en quelque sorte ma première rencontre avec le journalisme !

J’ai une profession magique, mais j‘y suis arrivé par des chemins tortueux. Mon père, qui était ingénieur et travaillait chez Philips, n’avait pas beaucoup d’ambition pour moi. C’était un père aimant, à l’écoute, mais il ne voyait pas trop ce que j’allais devenir. Pourtant j’étais un élève sage, besogneux même. Et puis j’ai été pris à Sciences Po, alors ça a rassuré un peu mes parents. Mais ensuite j’ai tâtonné. Avant d’avoir ma carte de presse, j’étais DRH de la Monnaie de Paris. Il m’a fallu 10 ans, non pas pour savoir ce que je voulais faire mais pour trouver un truc marrant à faire. Cela a commencé par des livres, puis il y a eu Arrêt sur images sur France 5, France Inter, France Info, Europe 1

Mais si j’avais une baguette magique qui me permettait de faire autre chose que ce qui me plait, je crois que je serais comédien. A la fin du collège, j’ai joué avec trois camarades une pièce de théâtre « La main leste » de Labiche. Je tenais le rôle du jeune premier et je m’en souviens comme si c’était hier. Je n’ai plus le temps actuellement d’aller au théâtre car je me lève très tôt mais, quand j’y vais, je suis fasciné par la magie qui en sort. Je suis admiratif de comédiens de théâtre comme Michel Bouquet, Guillaume Gallienne, Laurent Lafitte, Fabrice Lucchini… Alors, je serais en effet comédien mais plus particulièrement sociétaire de la Comédie française. Je suis certes un électron libre mais j’ai besoin d’avoir de l’ordre autour de moi.

Je viens enfin de trouver le moyen d’avoir des fonds de tarte qui ne s’effondrent pas

IN. : votre plus grande réussite (en dehors de la famille)

D.A : Je n’ai pas créé d’entreprise, je ne suis pas artiste, je n’ai pas fondé un musée, je ne fais pas travailler 30 000 personnes. Alors ma plus grande réussite c’est de me sentir libre et bien à 55 ans. Je me sens même bien mieux à 55 ans qu’à 35 ou 45. Cette conquête de la liberté est liée au fait d’avoir l’aisance matérielle, de ne pas faire « métro boulot dodo » – même si je fais métro boulot dodo, mais en horaire décalé –, d’avoir trouvé un métier où mon tempérament peut s’exprimer sans trop de frustration, où on peut aussi s’affranchir de son travail et penser à autre chose. Un métier où on peut écrire, rencontrer des gens et être créatif. J’aime bien le côté répétitif de ce que je fais. Il y a un aspect artisanal dans ce métier. On a besoin des autres mais on fait soi-même tout un tas de choses.

Ce n’est pas parce qu’on a un job intéressant qu’on est intéressant

Souvenez-vous de Dallas, quand Jock Ewing prend son fils par l’épaule et lui dit « un jour tout sera à toi et tu peux être fier ». Mais fier de quoi ? Moi j’ai beaucoup de mal à être fier de moi, j’ai un syndrome de l’usurpateur et de l’imposteur très prononcé. Ce n’est pas parce qu’on a un job intéressant qu’on est intéressant. Ce n’est pas de la fausse modestie mais je pense que ça pourrait faire réfléchir beaucoup de gens dans l’univers des médias. Mon métier est fait de micro-réussites, par exemple quand je réussis une transition maligne, rigolote, quand sur 14 interviews en deux semaines on en réalise une qui vous plait.

Je vais quand même vous confier un secret et une réussite bien plus importante que d’autres. Je viens enfin de trouver le moyen d’avoir des fonds de tarte qui ne s’effondrent pas, je les fais cuire directement dans le moule sur la plaque du bas, ça va chauffer la pâte, elle va durcir vite et elle va tenir.

Mon chien a fait plus pour moi que que Cécile Duflot, Brice Lalonde ou Nicolas Hulot et consorts

IN. : et votre plus grand échec dans la vie

D.A. : en général dans l’absolu le plus grand échec c’est de ne pas aimer. Ma femme ajoute avec raison qu’un être qui n’a pas connu l’amour d’un animal est passé à côté de quelque chose, surtout aujourd’hui où l’amour d’un animal vous ouvre une fenêtre sur le monde et la planète. Il n’y a pas beaucoup d’écolos qui y arrivent. Mon chien ObiWan, un Cavalier King Charles, (ndlr : David Abiker, qui a créé la Ligue Canine des Travailleurs » – ça ne s’invente pas – a dans son salon son portrait peint par Antoine Schneck ) a fait plus pour moi que Cécile Duflot, Brice Lalonde ou Nicolas Hulot et consorts. Il vaut trois partis écologistes, sur l’ouverture à la nature, la façon de la contempler, même de regarder les insectes

Sur un plan plus personnel, il y a des types qui pendant que vous vivez votre vie, vivent 10 000 vies. Vous avez vu Tapie, Bernard Arnault, Macron… Moi, je suis quelqu’un d’assez moyen, j’ai des réussites moyennes, et des échecs moyens. De toute façon, si on se met à hauteur d’hommes et de femmes, la vie c’est une succession de réussites et d’échecs. Mais l’échec qu’on va porter en bandoulière trainer comme un boulet, pour ensuite s’autoflageller à une conférence, c’est du blabla. Mais j’ai quand même subi un échec récemment : j’ai un balcon et j’ai payé quelqu’un qui a suivi tout ce que je lui ai dit, mais je me suis planté. J’ai raté l’aménagement et il faut que je recommence tout…

IN.: si vous n’aviez pas peur

D.A. : là tout de suite, je ferais l’aller-retour à Las Vegas pour aller voir U2 au Dôme… Sinon, j’irai faire du théâtre à 55 ans,

Je suis totalement hypocondriaque

IN : Qui admirez-vous le plus?

DA. :. Ma femme et mes amis me disent que je suis fou. Parfois il suffit de voir un médecin et ça va mieux. J’ai une admiration folle pour eux, leur présence me rassure. Quand il y a un médecin, je suis aimanté. Pour moi ce sont de vrais sorciers.

IN.: si vous pouviez changer une chose chez vous

D.A. : je m’enlèverais 10 centimètres (ndlr : il mesure 1,90 mètre) et 25 kilos. Dans mon caractère, je serais plus affirmé, j’aurais plus de culot, même si ce n’est pas l’image que les gens ont de moi. Cela ne se voit sans doute pas mais je n’étais pas très sûr de moi à 18 ans, pas beaucoup plus à 30, ni même à 45 ans d’ailleurs. Et c’est venu avec le temps, un peu comme un tableau impressionniste. En fait, l’assurance ça se travaille. 1% du caractère de Tapie, ça me suffirait.

Au bout de 2 ou 3 mois, Cléopâtre et moi, ce serait une affaire qui roule.

IN : sur une île déserte, quel personnage (réel ou de fiction) auriez-vous envie d’emmener avec vous ?

D.A. : je partirais avec Cléopâtre – avec son chien bien sûr – parce qu’elle a des choses à raconter, parce qu’elle a rencontré plein de gens, parce qu’elle était grecque et africaine en même temps. Je pense que j’aurais beaucoup de choses à apprendre d’elle. Je la sauverais du suicide et de la morsure du serpent. Comme elle était sûrement assez débrouillarde, elle m’aiderait à trouver des fruits, à construire des abris et pourquoi pas des pyramides. Et puisque sur une ile déserte, il n’y a pas grand-chose à faire, sur un malentendu, je pense qu’au bout de 2 ou 3 mois, Cléopâtre et moi, ce serait une affaire qui roule. Et puis, si l’ile est déserte, il faut la repeupler. Bien sûr, ce serait une magnifique Cléopâtre, qui ressemblerait à Liz Taylor.

Et si Cléopâtre ne peut pas, j’emmènerais Scarlett O’Hara

 

 

*Éditions Michalon. Suivi en 2006 du « Mur des lamentations, tous victimes et fiers de l’être »

** l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’A la recherche du temps perdu

 

 

En savoir plus

L’actualité de David Abiker

Il présentera le « concert de Noël de Radio Classique » au Théâtre des Champs Élysée les 15 et 16 décembre prochains.

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