Rencontre avec Yann Darwin, ancien pompier professionnel devenu millionnaire grâce à Youtube
Entrepreneur autodidacte et vulgarisateur acharné du marché de l’immobilier et de l’investissement financier sur internet, Yann Darwin est aujourd’hui l’une des voix qui compte du Youtube francophone avec plus d'un million d'abonnés. En sa compagnie, nous déroulons le fil de sa carrière qu’il a débuté il y a quinze ans en tant que... pompier professionnel. Sacré virage.
INfluencia : Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel – plutôt singulier – pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, jusqu’à votre arrivée sur Youtube ?
Yann Darwin : j’ai commencé en tant que pompier professionnel, donc rien à voir avec la finance et l’investissement. Mais j’avais la volonté dès le départ de faire un peu plus d’argent donc je me suis formé en parallèle de mon métier. Il faut savoir qu’en étant pompier, tu fais souvent du 24-48. C’est-à-dire que t’es de garde pendant 24 heures avec 48 heures de repos derrière. Donc le 1er jour, tu récupères mais le 2e tu fais ce que tu veux. Moi j’allais visiter, j’allais retaper des trucs, j’allais faire de la peinture… Grâce au statut de fonctionnaire qui était le mien à l’époque, j’ai pu emprunter plus facilement à la banque et c’est ce qui m’a permis de me lancer vraiment dans l’immobilier autour de 2010-2011. Dès ma première année en tant que pompier pro, finalement, j’ai commencé à emprunter… et à vouloir acheter. Très vite, par chance aussi, j’ai rencontré un associé qui m’a un peu mentoré et qui m’a fait avancer plus vite mais j’ai mis du temps à vraiment en tirer les fruits.
IN. : étant donné que vous avez persévéré on peut imaginer qu’il y avait aussi une notion de plaisir que tu ne trouvais peut-être pas ailleurs
Y. D. : complètement, acheter des trucs, les revendre, les améliorer, avoir des locataires, payer des loyers… c’était un peu grisant. Au début, je m’occupais même des travaux. Mon associé n’était pas du tout manuel (rire) donc c’était ma partie et lui c’était plus les finances, la banque, etc. Je me rappelle de la troisième… peut-être la quatrième opération qu’on a faite, on vend un immeuble et la plus-value était d’un peu plus de 100 000 euros. Moi ça m’avait choqué parce que je m’étais dit qu’on n’avait pas forcément fait grand-chose, juste acheté et revendu le bien, rien de plus. J’ai eu comme un déclic. J’ai pris une année sabbatique et ça m’a permis d’explorer plein de choses, agences immobilières, marchands de biens… jusqu’à ce que je lance la chaîne YouTube en 2016. À ce moment-là, je ne me dis pas que je vais monétiser, il n’y a quasiment pas de formations en ligne donc je vais juste parler de ce que je fais et on verra. Mais ça a marché et j’ai rapidement pris des abonnés.
IN. : vous vouliez dès le départ vous en servir comme un levier d’image pour votre activité dans l’immobilier ou pour vos formations en ligne ?
Y.D. : ma réflexion c’était simplement que si tu es plus connu, plus tu as de business. Quand la chaîne a décollé, beaucoup de gens… y compris mes anciens collègues pompiers m’ont demandé ou conseillé de faire de la formation. Donc je m’y suis mis, au départ sans prétention, en filmant depuis ma table de salon. J’ai créé un tout petit parcours de formation pour expliquer comme sur YouTube, mais en version avancée avec une vraie structure, le « métier » et pareil, ça a marché. J’ai fait ça quelques années et en 2017, j’ai rencontré mes associés avec qui on a monté Green Bull. On a monté notre groupe Greenbull [un groupement d’entreprises actif dans les secteurs de l’éducation, de l’immobilier, de la finance ou de la restauration, NDLR]. Tout le monde faisait de l’entreprenariat un peu dans son coin. Certains étaient déjà associés alors on a décidé de montre un gros truc tous ensemble. Moi, bien sûr, j’ai apporté la partie formation, chaîne YouTube.
IN : était-ce plus compliqué, ou peut-être plus facile, en 2016 qu’aujourd’hui d’aborder les questions liées à l’investissement ou au marché immobilier sur internet ?
Y.D. : bien sûr. Aujourd’hui, c’est devenu normal, tout le monde parle d’investissement d’argent sur internet et il y a plein de bonnes chaînes… comme de mauvaises. Mais au moins le marché est mature. À l’époque, c’était peut-être plus simple de percer parce qu’il y avait beaucoup moins de monde mais justement… il y avait plus de place parce que personne n’osait le faire. Il y avait aussi le stigmate de « c’est internet donc ce n’est pas sérieux ».
IN : vous dites dans le sujet que GQ vous a consacré en décembre que pour vous « la richesse ne se mesure pas uniquement en euros, mais en opportunités ». Pouvez-vous développer cette idée ?
Y.D. : Je considère l’argent simplement comme un vecteur qui te permet de mettre en place des projets. Quand tu n’en as pas beaucoup, tu désires atteindre une certaine somme qui te permettrait d’être confortable, de résoudre tous tes problèmes… ce qui est vrai dans une certaine mesure. Mais au bout d’un moment, ce n’est plus le chiffre ou la liberté qui compte parce que tu l’as déjà, c’est juste de mettre sur pied de plus gros projets. À l’époque, si un investisseur était venu avec… je dis n’importe quoi mais 10, 20, 100 millions, j’aurais eu l’impression de gagner au loto. Aujourd’hui je chercherais uniquement à les réinvestir pour aller encore plus loin. Si tu l’utilises bien, c’est un peu comme un super pouvoir.
IN : vous dites également dans cette interview que « la richesse est un jeu », une phrase qui rappelle celle d’un certain Logan Paul il y a quelques années, un créateur de contenu étasunien très important et célèbre pour une multitude d’arnaques à la cryptomonnaie et aux NFT. Dans votre position de créateur/investisseur qui a encore la pleine confiance de son public, comment évite-t-on de tomber dans la même cupidité ?
Y.D. : on est très conscient à tous les niveaux dans Green Bull que si tu veux durer longtemps, c’est dur d’arnaquer les gens. Sans même parler choses intentionnelles. Il y a plein d’exemples de personnalités qui étaient jugées sérieuses sur le sujet mais qui ont pu commettre des erreurs dans leurs conseils… ou ne pas avoir de chance avec le marché et perdre instantanément leur légitimité. Le mythe du black swan. Donc se mettre sur des NFT avec des têtes de chien pour conseilleur au public de faire de l’argent, très vite ça a ses limites. Moi je sais que dans 10, 20 ans, je serai toujours là. Greenbull, ne sera surement plus pareil, surement plus gros, et moi je serai toujours là. Sans oublier que je préfère faire les choses un peu moins vite et me regarder dans la glace. Et après, la réflexion du jeu, c’est plus sur les points. Tu sais, les points dans un jeu, tu as toujours des points. Et au jeu de la vie et de l’entreprenariat, les points, c’est finalement combien tu gagnes, combien tu génères en chiffre d’affaires, en marge. C’est un peu comme ça que tu mesures.
IN : votre dernière vidéo portait sur le marché des cryptomonnaies et notamment ses perspectives sur l’année à venir. Les différentes escroqueries aux crypto qui ont éclaté ces dernières années, surtout aux États-Unis, et qui étaient souvent portées ou médiatisées par des créateurs de contenu n’ont donc pas définitivement détruit l’engouement autour du sujet…
Y.D. : je pense même qu’il y a plus d’engouement que jamais même si le marché des crypto reste très immature. Que ce soit par sa jeunesse ou la typologie des investisseurs qui la composent et qui sont souvent des gamins. Jusqu’à il y a encore quelques mois, finalement, on ne demandait ni pièce d’identité, ni rien du tout. Tu pouvais lancer des projets super importants décentralisés ou prendre des risques énormes et perdre énormément alors que la finance classique, ce n’est pas ça. Si tu ouvres un compte, ne serait-ce qu’en bourse ou trading, tu as toujours un KYC [un processus qui sert à vérifier l’identité des clients et à garantir leur conformité, NDLR], on vérifie d’où vient ta richesse, s’il y a un risque que tu t’envoies en l’air, on va diminuer tes leviers, etc. C’était, et ça l’est toujours dans les grandes lignes, une espèce d’Eldorado qui attire beaucoup de gens qui finalement n’ont pas d’expérience et quand je vois les niveaux de réflexion de plein d’acteurs, etc. C’est très décorrélé de la finance. C’est-à-dire que ça y ressemble… mais souvent en moins sérieux. Même aujourd’hui ce qui s’est passé avec Trump [qui a lancé, aux côtés de plusieurs membres de sa famille, une cryptomonnaie qui porte son nom NDLR], c’est absolument dingue. Hier, c’était justement Logan Paul qui aurait fait ça mais aujourd’hui même le président des États-Unis et sa famille, non seulement investissent mais créent leur propre mème coin [une cryptomonnaie basée sur un mème Internet ou qui a pour origine une caractéristique humoristique ou ironique. Ces actifs numériques sont considérés comme particulièrement volatils et spéculatifs, NDLR]. Dès que je récupère mes bureaux, je fais une vidéo sur le sujet. Aux yeux de la loi, c’est bien évidemment légal. Mais sous l’angle de l’éthique, c’est moyen et ça décrédibilise le marché dans son entier.
IN : cela vous arrive d’aborder la sphère politique dans vos contenus quand certaines décisions qui peuvent être prises au niveau national ou supra national viennent impacter le secteur immobilier, bancaire ou autre ?
Y.D. : je me le suis interdit très longtemps. Mais dernièrement, je suis tellement révolté par ce qui se passe en France que c’est plus fort que moi donc je dis ce que j’ai à dire sur Twitter. Aujourd’hui, le monde est polarisé à tous les niveaux. Tout le monde est désinformé et ça ne risque pas de s’arrêter là, notamment avec l’arrivée de l’IA et l’essor des Deep Fake que cela permet… Tu es presque obligé d’être outré par certaines choses et oui j’en parle un petit peu. Je pense même que la France a besoin qu’on fasse les choses en profondeur et même en terme révolutionnaire. Évidemment, je ne parle pas d’aller à la Bastille et couper des têtes (rire), mais peut-être plus de penser une 6ème république qui pourrait vraiment changer le système.
IN : en vous écoutant, vous ne traitez pas la question politique avec une responsabilité supplémentaire qui vous pousserez à encore plus d’objectivité. Vous n’hésitez pas à vous mouiller directement au risque d’agacer certain.e.s.
Y.D. : oui et bien sûr cela comporte un risque. Même dans un diner de famille quand tu parles de politique c’est compliqué alors avec une chaine à un million d’abonnés… C’est pour ça que j’essaie de me mouiller intelligemment, en pointant des problèmes et en proposant des solutions, sans trop révéler ma pensée profonde en déclarant « tel politique a raison et tel politique a tort ». Surtout parce que je pense honnêtement qu’il y a des choses à prendre dans toutes les formations politiques, même dans les plus extrêmes finalement.
IN : comment le profil de vos abonnés varie d’une plateforme à l’autre ? Pour le dire de manière moins formelle : certaines audiences sont-elles plus pro business que d’autres, ne serait-ce qu’en fonction de leur âge ?
Y.D. : pour commencer, je suis surtout sur Youtube et toutes les autres plateformes me servent à reposter du contenu. Côté YouTube, quand tu regardes les stats, mes abonnés sont généralement des hommes entre 25-45 ans, plutôt CSP+ et qui suivent généralement d’autres chaines dans la finance et l’économie ou même souvent dans la vulgarisation scientifique, qui est au passage un domaine que j’apprécie beaucoup. Sur mon Twitter, que je traite comme si c’était un compte perso… d’où les coups de gueule sur la politique dont je parlais précédemment (rire), c’est beaucoup plus jeune, beaucoup plus agressif, beaucoup plus gamer et crypto. C’est plus tendu… peut-être aussi parce que ce sont toujours les plus « énervés » qui commentent le plus. Et à côté, on n’entend très peu la fameuse majorité silencieuse mais c’est aussi le jeu de la plateforme.
IN : votre idole de jeunesse était Bernard Tapie. S’il renaissait aujourd’hui en 2025 avec le même appétit que dans les années 80 et 90, comment si prendrait-il selon vous et surtout, quels conseils pourriez-vous lui donner ?
Y.D. : je pense qu’il n’aurait besoin d’aucuns de mes conseils (rire).
IN : on ressent l’admiration…
Y.D. : et au-delà de ça, pour réussir dans le business, dans les affaires, le plus important c’est d’avoir faim et ça on peut être sûr qu’il l’avait. Bien sûr, il y a une notion de formation qui lui serait essentielle pour se tenir à jour ou même pour (re)rencontrer les bonnes personnes. Mais si t’as un bulldozer dans ta tête et que tu veux tout casser, rien ne t’arrêtera. Ça se joue souvent là : jusqu’où es-tu prêt à aller ? Est-ce que tu vas faire un dernier kilomètre ? Sonner à une dernière sonnette ? Passer un dernier coup de téléphone ? Est-ce que tu vas lancer encore une nouvelle boîte alors que tu en as déjà planté trois auparavant ? C’est la différence entre avoir la grinta ou pas.
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