22 juin 2022

Temps de lecture : 4 min

Cannes Lions: » Beaucoup de marques ont pris des risques majeurs allant jusqu’à enfreindre la loi », Christine Removille, (Bain & Company)

Membre du jury des Cannes Lions dans la catégorie “Creative Effectiveness”, Christine Removille, Partner du cabinet de conseil en stratégie et management, Bain & Company partage avec INfluencia son point de vue sur la créativité de cette catégorie désormais incontournable.  L’ancienne Présidente internationale de CARAT, explique également la présence de  Bain & Company aux Cannes Lions. Une première!

Nous sommes désormais dans un monde “data driven”, dans lequel il est devenu plus facile de mesurer l’efficacité des campagnes.

INfluencia: vous étiez membre du jury de la catégorie qui a connu la plus forte croissance  cette année, avec 83% de campagnes de plus déposées par rapport à l’an passé : comment expliquer l’essor de cette catégorie “Creative Effectiveness” ?

Christine Removille : le Covid n’a pas mis un frein à la créativité, au contraire ! Il y a eu de nouveaux formats, de nouvelles façons de communiquer. Et certains ont été très efficaces, avec des résultats très tangibles en 2021 : ce sont ces idées que nous avons jugées cette année. En outre, nous sommes désormais dans un monde “data driven”, dans lequel il est devenu plus facile de mesurer l’efficacité des campagnes.

IN. : quelles sont les tendances fortes que vous avez identifiées parmi les 258 campagnes reçues ?

Ch.R. : beaucoup de marques ont pris des risques, souvent majeurs, allant jusqu’à enfreindre la loi pour certaines. Certaines campagnes auraient pu se retourner contre leurs auteurs. Je pense à cette marque Taïwanaise qui a communiqué avec le message “break the rules” en invitant les écoliers à refuser les uniformes traditionnels ou à Burger King, avec son visuel de Whopper moisi.

L’autre tendance naissante, c’est le métaverse, avec les premières marques qui commencent à utiliser les technologies pour apporter des solutions et de services à valeur ajoutée pour le consommateur, à l’image de l’association française l’Enfant Bleu avec sa campagne “Undercover Avatar”. Avant le Covid, on regardait les avatars, les robots ou la reconnaissance vocale sans trop y croire. Là, ça commence à devenir plus tangible, de plus en plus de CMO pratiquent le test-and-learn dans le domaine, et certaines ont vraiment porté leurs fruits.

La troisième tendance, c’est la “sustainability”, dont on parlait finalement assez peu avant le Covid. Aujourd’hui, beaucoup de campagnes présentées étaient liées au DE&I (Diversité, Equité & Inclusion), au handicap ou à l’écologie, alors que par le passé, elles étaient plutôt cantonnées aux catégories dédiées aux “for good”. Des initiatives comme la campagne“Contract for Change”d’Abinbev, qui développe des partenariats de long terme avec les fermiers américains, ou le « Project Free Period » de Johnson & Johnson en Inde auprès des prostituées, sont à ce titre remarquables.

IN. : comment s’est déroulé le travail du jury ?

Ch.R. : nous avons jugé les 258 campagnes selon trois critères : les résultats (50%), l’idée (25%) et la stratégie (25%). Tous les membres du jury ont voté selon un processus très rigoureux, avec des réunions virtuelles tous les 15 jours. A Cannes, nous nous sommes retrouvés dans la même salle pendant deux jours, pour converger sur une shortlist d’une trentaine de campagnes. Puis nous avons réparti les Gold, Silver et Bronze, en cherchant autant que possible à avoir une unanimité. Nous étions un jury très collaboratif, avec à la fois des CMO et des représentants d’agences et une bonne représentation géographique.

IN. : comment évaluez-vous l’efficacité, qui est au cœur du prix ?

Ch.R. : nous avons cherché à comprendre d’où venaient les données et essayé de repérer les chiffres qui n’étaient pas cohérents avec les objectifs. Autour de la table, il y avait des experts de différentes industries, ce qui a permis de mettre en perspective les résultats affichés. Chacun a pu donner son point de vue.

Bain & Company aide les annonceurs à aligner leurs organisations autour d’objectifs stratégiques, et à transformer leurs « operating models » afin de mieux travailler avec leurs agences et le bon écosystème de partenaires.

IN. : Accenture, PWC ou Deloitte sont déjà présents sur la Croisette depuis quelques années… Pour Bain & Company, c’est la première venue aux Cannes Lions. Quelle est votre approche vis-à-vis du monde de la publicité et des agences ?

Ch.R. : Chez Bain & Company  nous adoptons un positionnement différent : nous travaillons avec les agences, et pas contre les agences. L’époque a changé : le temps est moins à l’intégration qu’aux partenariats, pour être capable d’orienter nos clients vers les bons interlocuteurs. Nous aidons les annonceurs à aligner leurs organisations autour d’objectifs stratégiques, et à transformer leurs « operating models » afin de mieux travailler avec leurs agences et le bon écosystème de partenaires. En tant que cabinet de conseil, nous accompagnons les CMO et les CEO, tout en parlant aussi de plus en plus aux CFO, qui ont un rôle croissant dans la transformation du marketing.

De plus en plus de CMO évoluent pour devenir des “Chief Growth Officers” et diriger la transformation de toute l’entreprise.

IN. : comment voyez-vous évoluer la fonction marketing dans les grands groupes que vous accompagnez ?

Ch.R: de plus en plus de CMO évoluent pour devenir des “Chief Growth Officers” et diriger la transformation de toute l’entreprise. Ils deviennent ainsi responsables de la croissance des revenus pour l’ensemble de leur organisation. Ils ne doivent plus seulement s’occuper des produits, mais racheter des startups, développer des services ou se poser des questions comme celle de l’intérêt du métavers pour l’avenir de leurs entreprises. 

Nous parlons d’ »Experiential Marketers », capables à la fois de piloter des équipes multidisciplinaires et de travailler de façon transverse, en alignement avec le CEO.

On note aussi un passage du “product marketing” au “service marketing”, avec le développement de services cross-marques dans les groupes du secteur de la grande consommation, ce qui nécessite de déployer de nouveaux “operating models” qui ont des impacts forts en termes d’organisation et de chaîne de valeur.

Ces tendances se sont accélérées avec le Covid, mais aussi avec les conséquences de la guerre en Ukraine et le retour de l’inflation. Les responsables marketing doivent faire évoluer la stratégie de prix, mais aussi l’ensemble de l’organisation. Nous parlons d’ »Experiential Marketers », capables à la fois de piloter des équipes multidisciplinaires et de travailler de façon transverse, en alignement avec le CEO. 

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